[MINI ALBUM] FRAXION CASSAN, Ô, électro poésie

Ô, mini album de Fraxion Cassan.

Nous nous souvenons de l’album Natyotcassan, un album de poésie mis en musique sous la férule électro de Denis Cassan. Nous retrouvons celui-ci, toujours derrière les machines, pour illuminer, ou obscurcir, la poésie d’Heptanes Fraxion. Ce dernier, que nous suivons sur facebook depuis un moment, pose sa voix et ses textes hyper réalistes, viscéraux, emplis d’une poésie du bitume. Ce mini album, Ô,  provoque chez nous des réactions contrastées, comme s’il éveillait chez nous des émotions souterraines, masquées.

Électro dark, oppressante.

La musique repose en partie sur des drones, comme des bourdons obsédants aux notes graves. L’effet obtenu est oppressant, prenant, impose un climat presque délétère. Ce climat est alimenté par cette voix posé, déclamant des textes écorchés posant des constats à la fois amers et réalistes sur la vie de celui qui les déclame (mais ne pas confondre l’auteur et sa création, toujours). Les deux sont musique, à leur manière, se fondent en une entité hybride d’où il est souvent difficile de différencier l’un de l’autre.

Car la musique à elle seule repose sur des tessitures parfois minimalistes. Les rythmiques sont cardiaques, elles sont pouls, elles sont souffle de vie. L’ensemble vous prend au ventre, impose la cadence. La voix s’y pose, s’y insère. Comme un incendie qui liquéfierait du nylon qui dès lors se grefferait comme une nouvelle peau sur les os. Les deux deviennent indissociables, cellule avec un seul coeur numérique. L’analogique n’est pour autant pas relayé aux oubliettes, il est présent, c’est lui qui donne cet aspect organique à la musique de Denis Cassan.

L’homogénéité des textures révèle un tout cohérent, complète, bouleverse une voix sans effets. Nudité des cordes vocales pour expulser des textes sans apparats.

Des textes au cordeau.

Les textes sont ici taillés à la serpe. Les punchlines bousculent « et que serait le sublime sans le trivial, hein ? ». Exactement. Que pourrait dire Fraxion qui ne nous touche, là où ça fait mal, là où le mal devient plaisir, devient orgasmique ? Parce que finalement, ces textes décrivent avec des mots simples une poésie de tous les jours, reposant sur des observations intimes d’une vie pas forcément rêvée. C’est désabusé, descriptif, colérique aussi, exempt d’espoir sur l’être humain, tout en étant paradoxalement gonflé de vie.

C’est tellement proche de ce que nous ressentons. Non pas que Fraxion soit ici oiseau de mauvaise augure, non, il est observateur de nos errances, qui sont aussi les siennes. Il est dur de ne pas s’identifier. Le beau réside ici dans la pluie, dans les carrosseries, dans l’absurdité où le sens s’est perdu dans un consumérisme sociétal, dans ce « moutonage » (nous allions dire libéralisme) des consciences, des idées, uniformes, sans aspérités, sans personnalité. Il est question de manque d’horizon, ou plus exactement de cet horizon dilué dans les illusions en voyage, toujours ancrées dans un coin de tête mais qui semblent inaccessibles parce que nous sommes trop ci, pas assez ça.

La colère surgit parfois au détour d’une phrase (d’ailleurs elles sont collées les unes aux autres, ces phrases, comme un jet de peinture à la Pollock), aiguisée par une musique qui devient ultra présente. L’amour est une idée presque absente bien qu’installée dans les mots de Heptanes Fraxion.

Un parfum de film noir.

Ce disque, c’est un film noir. Fraxion Cassan propose une suite de scènes où le narrateur serait à la peine, cowboy solitaire, « le mec moyen vite oublié », qui déambulerait dans des décors sombres, à contre-jour, comme un vampire craignant les éclats de soleil. La musique, au diapason, n’éclaire finalement les propos qu’avec une parcimonie de bon aloi. Les deux identités semblent communiquer autrement que par les mots ou phrases musicales, elles semblent liées par autre chose, de plus stomacal, intérieur, une complicité des âmes plus que celle des êtres.

La démarche révèle sa sourde puissance, sans écart de conduite, rectiligne pour décrire les courbes, les pleins et déliés de la vie. Nous savions la poésie d’Heptanes Fraxion (qui la distille régulièrement sur fb et que nous lisons quand le temps nous le permet, c’est-à-dire trop peu souvent), elle est ici parfaitement habillée par la musique de Denis Cassan. Il n’y a pas de lourdeur autre que celle de la vie.

Ce cri commun, néanmoins, troue les nuages, permet de poser nos valises pleines de spleen et nous libère d’un poids. Car si noirceur il y a, nous sentons, derrière, ce fleuve de vie. Les apparences peuvent être trompeuses. Là où l’espoir semble ne pas exister, il y a tout de même ce truc qui nous fait nous dire que nous continuons à avancer, bon gré, mal gré, et que ce mouvement perpétuel nous sauve de la désolation.

Ô est donc une œuvre singulière, riche, qu’il convient d’écouter attentivement pour se laisser subjuguer par ses images. Et après la dernière note évaporée, retourner à la vie et à ses turpitudes.

fraxion cassan ô

 

NOTA : Ô de Heptanes Fraxion, recueil disponible aux éditions Les Chats de Mars.

LIENS vers l’album

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