Sélection d’EPs, EMMA BEKO, DRØME, F O S S E, WOOLEN

4 EPs sinon rien. On vous parle de Digital damage d’Emma Beko, de Drøme, de De vous un rêve de F O S S E et de Particles Vol.1 de Woolen.

digital damage emma bekoEMMA BEKO.

Digital Damage d’Emma Beko, EP 6 titres : Digital Damage, Sadguitar_V777, Plaster, Crazy, Triple Exes, Waiting.

Nous avons flashé sur l’univers d’Emma Beko il y a déjà quelques mois de cela, à l’époque de la sortie de son titre Sadguitar_V777. Elle confirmait tout le bien que nous pensions d’elle avec son autre single Plaster. Dire que son EP était attendu est donc un euphémisme. Celui-ci enfin arrivé, c’est une nouvelle fois une confirmation. Cette artiste risque fort de faire parler d’elle avec son EP Digital Damage (son premier EP officiel), parce qu’il s’inscrit totalement dans l’air du temps, à savoir un temps se situant entre monde numérique et conscience de soi, entre expression intime et pudeur.

Digital Damage, l’EP, est une première partie d’album dont la seconde arrivera à l’automne. Ce qui caractérise le son Beko est ce mélange d’électronique discrète et d’instruments analogiques, de hip-hop, de rnb et de grunge. Attention, ce dernier ne se laisse pas entendre, si ce n’est par quelques guitares très bien senties, il se suggère, se devine, est omniprésent mais de façon presque invisible.

Qu’importe, son essence se propage à travers les 6 morceaux, essence à la fois indépendante, vindicative, et surtout essence de « loser ». D’ailleurs Emma Beko dit ceci de son album : « l’EP est une ode à la non-conformité assumée, à l’affirmation de soi. Au fait de se sentir isolé à cause de nos traumatismes. En opposition à ça, car tout est dualité, l’ EP propose que de connaître son vrai -moi- permet de s’en sortir. DIGITAL DAMAGE a été créé par des marginaux pour des marginaux et célèbre les «badass» que nous sommes.  »

Puissant et doux.

Ce qui saute aux oreilles, c’est ce contraste entre une expression franche et très personnelle, que l’on sent puissante, potentiellement dévastatrice (une mise à nu totale qui pourrait être autant cathartique que douloureuse), couplée à des sonorités presque étouffées, ou en tout cas dont la production tend à rendre assez minimalistes. Divers bruitages et cut-up permettent à Emma Beko de proposer une musique à la lisière de l’expérimentation (sur un titre comme Waiting, instrumental qui nous place face à nous-mêmes et à nos démons tant la progression y est flippante) mais aux mélodies toujours pertinentes, parfois presque catchy (mais dans le bon sens du terme).

Le flow et les lignes de chant nous laissent souvent sans souffle. Il en émane une vérité universelle, une mélancolie prégnante, mais également un sentiment de combativité qui n’est jamais renié du début à la fin du disque. L’impression de se prendre un uppercut est omniprésente et nous laisse pantelants, sonnés, car il émane de Digital Damage un truc qui dépasse les frontières et les êtres.

Sincère, vrai, entre esprit old school et modernité, l’EP impose sa classe du début à la fin, nous montre une maturité artistique aboutie et surtout une sensibilité à vif, comme nous les aimons. Il ne fait aucun doute pour nous qu’Emma Beko possède tout ce qu’il faut pour devenir un (très) grand nom du genre. À découvrir absolument, sous peine de passer à côté d’une énorme révélation !

dromeDRØME.

Drøme, EP 6 titres : Air, Ambient, Delayed, Lunar, Talking to the moon, Subsitute.

Il convient de prendre cet EP comme il vient. Sans ériger de murs autour de nous, en laissant simplement sa musique ruisseler de notre tête jusqu’à nos pieds. Car, loin d’être angoissante, cette sensation liquide nous entoure bientôt, puis à mesure que son niveau augmente, elle nous soulève petit à petit, déplace notre centre de gravité. Très vite, nous flottons. Non pas du côté de Pennywise (Ça), mais plus de celui d’un post rock fortement augmenté de parties électroniques. Drøme, en posant des bases connues, ne manque pourtant pas de surprendre.

Projet solo en provenance de Toulouse, il nous évoque pêle-mêle Mogwai (période Happy song for happy people), Robin Foster (dont on vous chronique très prochainement le nouvel et excellent album), un peu Archive, The Cure également, avec cet art consommé de la mélodie qui fait mouche posé sur des rythmiques à la fois hypnotiques et pleines d’un groove discret ne manquant jamais de faire son effet. Le plaisir est instantané, Drøme sait y faire pour nous entraîner dans son univers.

D’aujourd’hui et d’hier.

Quelques sonorités nous évoquent, au-delà des aspects post rock, une certaine idée de la new wave. En effet, un jeu sur les delay, écho, sur de légères distorsions, nous ramène quelque part dans les années 80, aux frontières d’un shoegaze éthéré ou d’un gothic rock lumineux. Car, si certains thèmes de l’EP sont fortement teintés de mélancolie, l’ensemble nous tire plutôt vers un sentiment positif, apaisé. Même si une grande part est laissée à l’instrumental, celui-ci ne nous attire pas dans le domaine du contemplatif, bien que nous nous prenions le temps d’observer avec attention tout ce qui nous entoure.

Les voix sont le plus souvent des extraits de films, et quand Drøme chante, l’aspect shoegaze reprend le dessus. Pourtant, sans sombrer dans la copie facile, plus pour faire ressurgir une émotion à fleur de peau. Les apports électroniques en revanche placent le disque totalement en prise directe avec notre époque présente, sans non plus écarteler la musique de cet EP entre deux époques distinctes. Au contraire, il crée son propre espace temps, quelque part entre réalité et rêve.

Ainsi, ce premier EP se révèle des plus séduisants, techniquement abouti, et surtout éloquent émotionnellement parlant. De quoi vous donner envie de rêver les yeux ouverts.

F O S S E De vous un rêveF O S S E

De vous un rêve (TFT LABEL), EP 5 titres : De vous un rêve, Gourou des insectes amphibies, En ligne, valparaiso, De vous un rêve (édit)

Nous avons évoqué F O S S E il y a peu avec la diffusion de leur captation live du titre De vous un rêve. Ce titre est également celui de leur premier Ep, un disque étonnant à bien des égards, notamment parce qu’il va toujours là où nous ne nous y attendons pas. Entre chanson française (et poétique), rock et électro, le groupe puise son imaginaire de références croisées, allant de LCD soundsystem à Dominique A en passant par Alain Bashung. Pourtant, la personnalité du quatuor est bien posée et donne des résultats surprenants.

Romantique sur De vous un rêve, surréaliste/expérimental sur Gourou des insectes amphibies, c’est pourtant une poésie au seuil de l’onirisme qui nous cueille au ventre sur l’EP, à laquelle la danse s’ajoute, aussi efficace qu’elle peut paraître anachronique. Pourtant, cette dualité fonctionne à 100 %, nous faisant perdre toute certitude entre une certaine cérébralité et une spontanéité débridée. Car en effet, texte et musique se tirent la bourre, à qui saura le plus capter notre attention, à qui montrera des charmes les plus toxiques.

Forcément, les textes, qui ont une importance toute particulière pour nous, délivrent une langue riche, originale, évitant les poncifs, restant suffisamment cryptique pour ne pas tout délivrer à la première écoute. Elle fait naître, cette langue, des images contrastées, parfois légèrement inquiétante (En ligne), romantiques comme nous le disions plus haut, terre à terre ou aérienne, au choix.

Une musique qui prend au ventre.

De l’autre côté, nous avons une musique d’une redoutable efficacité, tant mélodique que rythmique. Les deux ne sont évidemment pas incompatibles, F O S S E nous le prouve à chaque morceau de l’EP. Mais ce qui surprend, c’est cet aspect très corporel que la musique dégage, nous donnant limite envie de pogoter dans la fosse. Le contraste entre écoute posée des paroles et envie d’en découdre grâce à ses rythmes « dancefloor » est déroutant, mais o combien séduisant.

Le chant, lui aussi complètement à part, ajoute à l’édifice F O S S E une personnalité bien à lui. Les lignes de chant alternent envolées presque lyriques (Valparaiso) et spoken word (Gourou des insectes amphibies) et imposent une alternance qui évite tout sentiment ronronnant. Cette alternance renforce notre capacité à écouter véritablement les paroles. Il faut avouer également que la voix du chanteur (Kitso) est très agréable à l’oreille. Oui, c’est subjectif, mais on adore. Elle nous fait penser, un peu, à celle d’Octave Noire, à la fois capable de plonger dans les graves et de monter dans les aigus. Sans grand chanteur, un groupe peut s’embourber, ici il devrait au contraire se hisser vers le succès.

Ce premier effort composé à deux tête (Kitso et Louis Gaumeton) s’avère une vraie réussite, assez à part dans l’univers « chanson rock » français. Nous attendons désormais la suite avec impatience, pour voir si le groupe confirme cette impression que nous avons, celle d’un omni (objet musical non identifié) qui pourrait bientôt tout rafler.

particles vol.1 WoolenWOOLEN

Particles vol.1 (Egoist records), EP 4 titres : O2, IFLWY, Flow, Hard Time.

Alors qu’il s’apprêtait à faire un break musical, lassé de n’être pas reconnu par certains labels de musiques électroniques, le BPM contest l’appelle en lui signifiant qu’il est sélectionné, parmi 400 groupes, pour proposer un live. Il s’y remet donc, à la musique, et fait partie des 3 lauréats de l’édition 2021 du concours. Et c’est naturellement qu’en ce mois d’avril 2022 (le 22) débarque son premier EP, Particles vol.1.

Sa musique pourrait se traduire de cette manière : cinématographique, électro-organique, aérienne. Le jeune compositeur (il n’a que 26 ans, mais cela fait déjà 8 ans qu’il bosse sur son son) propose un univers plein de nuances, alliant parfois minimalisme avec caractère épique. Ces compositions prennent le temps d’explorer plusieurs facettes de sa personnalité, sans pour autant être un fourre-tout d’idées plus ou moins abouties. Non, ici, tout est pensé, mesuré, quantifié, non pas calibré pour plaire au plus grand nombre, mais simplement pensé comme étant un prolongement de sa pensée. Autrement dit, il exprime à travers sa musique une sensibilité de touche à tout, mais qui sait se fixer une ligne de conduite et ne pas en déroger.

Ligne droite.

Ainsi, il dévoile 4 titres aux ambiances intimistes, mais dont les aspects plus dansants permettent l’évasion des sens. Pourtant, si le côté divertissant de sa musique existe, Woolen n’oublie jamais d’y mettre du sens. Ainsi, des teintes mélancoliques pointent ici et là le bout de leur nez, mais également un sentiment bien plus vaste, parfois presque romantique. L’ampleur du titre phare Hard time, clipé de façon hyper cinématographique, ne contredira pas nos dires. Nous y sentons de l’ampleur, presque contemplative mais surtout propice à l’expression de ce que renferme le cœur du musicien.

Sans jamais s’enfermer dans une caricature du beat pour le beat, tout comme il ne s’enferme pas dans une posture pseudo intellectuelle, Woolen parvient à lier les deux dans un savant équilibre qui ne manque jamais de nous émouvoir. Les tessitures sonores sont superbement mises en valeur par une production millimétrée, jamais froide, qui fait que l’EP s’avère accueillant dès les premières notes. De la même manière, nous nous laissons embarquer dans l’univers de l’artiste qui sait éveiller à chaque variation notre curiosité.

Superbement réalisé, cet EP s’avère un beau coup de cœur car il parle autant de Woolen que de nous. Si nous ne sommes pas particulièrement des adeptes des clubs, Particles vol.1 possède toutes les qualités d’un disque à écouter chez soi également, ce qui fait qu’il pourrait/devrait toucher un vaste public, d’esthètes comme de danseurs. Bien joué et une juste récompense que Woolen soit enfin signé sur un label.

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