DON NINO, A beautiful cloud, céleste ?

a beautiful cloud Don Nino7é album « anniversaire » déjà disponible chez Prohibited Records.

Nous vous avions déjà évoqué le travail de Don Nino il y a quelque temps avec son album Rhappsody For the dead butterflies, il nous est revenu le 10 (en numérique) et le 17 (en physique) avec son nouvel LP. Il marque l’anniversaire de la carrière de Don Nino puisque celui-ci tourne depuis déjà 20 ans, fort d’une discographie à nulle autre pareille (seul ou avec NFL3 ou Prohibition). A beautiful Cloud, son septième ouvrage solo, ne déroge pas à la règle.

De quoi s’agit-il ici ? De rock ? D’ambient ? D’électro (qui cacherait son jeu) ? De pop ? De Krautrock ? Impossible d’être affirmatif et définitif sur la question. En effet, tout s’entrechoque, avec une réussite insolente, sur cet album foisonnant d’idées, de couleurs, d’atmosphères.

Analogico-électronique.

Nous retrouvons une base analogique très présente sur le disque. Elle se fait à partir d’une vraie basse, de guitares électrifiées (beaucoup ou très peu), d’une batterie, et d’une voix, parfois trafiquée (par une distorsion principalement, plutôt bien dosée, par un écho). Par-dessus, nous retrouvons des rythmiques plus électroniques, produites par une boîte à rythme, et pas mal d’auto-sample. Ces derniers génèrent une forme répétitive, parfois obsédante, souvent chaloupée. On pense, et c’est plutôt étrange, à Syd Barrett (sur un titre comme All necessary changes, on retrouve presque la fantomatique présence du lunatique, notamment avec cette guitare presque acoustique qui donne le la du morceau).

D’ailleurs, comme l’ex chantre du psychédélisme anglais, on retrouve ce goût de Don Nino pour les mélodies instantanées. C’est-à-dire que nous retrouvons ici, quel que soit le morceau de A beautiful cloud, un univers totalement attrayant. Qu’il s’agisse de mélodies instrumentales ou de ligne de chant, il existe une pureté, une simplicité qui nous sautent toutes deux littéralement aux oreilles. Et pourtant, derrière cette apparente simplicité se cachent des structures plus labyrinthiques qu’il n’y paraît.

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Jeux de superpositions.

Il y a en effet une base efficace qui s’installe tranquillement. Reposant sur peu de choses, elle s’incruste directement dans nos tissus, dans notre crâne. Elle devient vite ritournelle, mais elle pourrait rapidement tourner à vide si différentes strates ne venaient s’y ajouter. Autrement dit, ça pourrait vite être chiant en version acoustique guitare voix seule, sauf en raccourcissant les morceaux à leur strict nécessaire (un exercice qui demanderait à être étudié, le processus pourrait être super intéressant).

Dans le cas présent, Don Nino joue avec différents apports. Il superpose des couches électriques, en retire parfois, module ses morceaux en fonction de ses envies. S’il reste « sage » en ne produisant pas des morceaux à rallonges, qui pourraient flirter avec l’expérimentation la plus totale, son inventivité dynamite le côté « pop » de ses compos. Ainsi, son originalité s’exprime à haute voix, ne ressemblant à rien d’autre de connus. Certes, d’autres musiciens savent effectuer ce travail de construction, mais peu possèdent en revanche cette identité sonore qui est propre au musicien.

Le son.

Il faut dire qu’il maitrise son sujet, et son identité sonore lui permet d’être instantanément reconnaissable. Celle-ci est assez difficile à définir. Nous dirons simplement qu’elle est faite maison, presque mat, assez ramassée sur elle-même (l’ampleur provient des différentes strates mises en œuvre par Don Nino). Autrement dit, nous avons l’impression que l’artiste tient sa musique dans le creux de ses mains, mais qu’on retrouve, entre ses doigts, un univers infini de possibilités. On est donc baladé dans cette impression d’intimité partagée et de grandes idées déployées aux quatre vents. L’effet tend à rendre A beautiful cloud céleste.

Et comme le ciel, la musique que renferme l’album s’étend à perte de vue, de jour comme de nuit. Sensation de se sentir si petit à l’écoute du disque, tout comme on se dit que, finalement, nous pourrions faire pareil (bon toutes proportions gardées n’est-ce pas, c’est une image). Rien n’est ici écrasant, intimidant, prétentieux non plus. La modestie, l’humilité, mais aussi cette notion de partage totale nous assaille. Cette musique, elle n’est pas faite pour se regarder le nombril, mais véritablement pour nous éveiller à une forme d’art prenant parfois des atours ancestraux (By the fence et rythme tribal renvoie en ce sens à quelque chose de vieux comme le monde).

Et les émotions ?

Ce disque n’est pas un disque triste, bien que quelques passages laissent surgir une pointe de mélancolie. Il n’est pas non plus totalement euphorique, parce que des notes parfois légèrement obscures se font ressentir. Pourtant, c’est un disque, par ses motifs répétitifs, réussi à nous rendre ivre, gris (notamment Rainbow avec un je-ne-sais-quoi de reggae dans l’âme). Sensation plaisante de planer à l’écoute du disque (nous n’avons rien consommé lors de la rédaction de cette chronique pour ceux qui en doutent). Il existe une forme de lien qui nous fait décoller vers le ciel, tout comme nous sentons, principalement par la basse, une solide amarre nous empêcher de quitter le sol de façon définitive.

Les parfums contrastés qui règnent sur A beautiful cloud en font toute la magie, Tout comme ce parti pris d’aller au fond des choses, de ne pas déroger à sa ligne de conduite. Ce disque, unique en son genre (même si, forcément, il ressemble pour partie, dans sa forme, à ceux de son géniteur), nous apporte un certain bien-être. Parce qu’il invite au rêve, parce qu’il reste concret, parce qu’il est multidirectionnel mais les pieds cimentés au réel, parce qu’il fait ressentir la vie en un peu plus grand, parce qu’il veut redonner du sens, ce merveilleux nuage nous donne simplement l’envie de nous y enfoncer corps et âme.

LE titre de A beautiful Cloud.

Il y a quelque chose qui nous fascine dans la répétition du bip du titre. Non pas comme une urgence, mais comme une échéance qui flotte au-dessus de nous. Ce bip, c’est un peu celui d’un pouls, sur un lit, sonnerie d’hôpital, certes un peu flippant mais qui restitue, sur Watching the skyline, une vision, peut-être même une vie. Sur ce titre, Don Nino ne masque pas (ou très peu) sa voix, l’intensité de son interprétation, sa fougue. Et les guitares s’avèrent parfaitement aiguisées, la ligne de basse parfaitement en osmose avec le fameux bip, ce qui nous tend vers une écoute au plus près des ressentis du musicien, de ce qu’il voulu faire passer (mais ça, nous vous laisserons le loisir de le découvrir par vous-même). Au final, le titre, placé en début d’album, donne les contours de ce disque décidément pas comme les autres.

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