CORDE, la faire vibrer sensible ( et sur le fil du rasoir)

corde

Album homonyme, déjà disponible.

Une pièce d’ouverture au violon solo, qui, au fil de minutes suspendues, se développe et mue en une tension électro progressive, entêtante, prenante. L’effet est immédiat. Le cœur s’accélère, une boule se forme dans la poitrine tant le caractère habité fait corps avec nous. Bunker donne le la d’un album fort, captivant, aux teintes crépusculaires et à la mer en folie. Corde nous met K.O.

Il faut dire que cet album du trio lillois ne ménage pas ses effets, ni ne nous caresse dans le sens du poil. Sans jamais se la jouer déballage de mauvais goût, il met ses tripes sur la table de son violon, dans le crin de son archet, dans des rythmiques sensibles, cardiaques, dans une violence contenue qui parfois libère, parfois oppresse.

When the night comes, dont nous avions déjà parlé, embraye, dès la fin de Bunker, sur l’électricité, répétitive, obsédante, orageuse, saccadée. Les sonorités sont âpres, ne s’embarrassent pas de fioritures. Ça tonne de tout côté, ça fore les côtes, se fiche du phare qui guide, trouve sa propre route, celle d’une émotion pure, d’une adrénaline fusion.

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Le violon en pièce maîtresse.

Tout s’articule autour du violon. Il est l’axe, l’alpha et l’oméga qui donne la couleur. Elle est grise, comme le suggère la pochette de l’album, cette lumière d’un jour de brouillard, d’une nuit qui ne cesserait de tomber à longueur de journée. Titillant le post rock, le groupe nous évoque par certains aspects Oiseaux Tempête. Ou Godspeed you!Black emperor, ou Thee silver mt zion. Mais à la différence de ces groupes canadiens, un peu plus dans la lignée d’Oiseaux Tempête, Corde propose aussi une lecture plus folk.Walking on sand, par exemple, évoque autant un folklore « moyenâgeux » qu’une balade dans la Perse des Mille et une nuits.

Last summer, légèrement auréolé d’une grâce royale, proche d’un menuet, relâche la pression, mais jamais l’émotion. Celle-ci, présente du début à la fin, est sensible, dégage une mélancolie parfois sourde, parfois lumineuse, parfois rageuse. On y ressent également parfois comme une lassitude, comme une révolte qui gronde. Et puis, quand elle s’efface au profit d’éclaircies salvatrices ( Texel), c’est pour apaiser nos tourments, autant que les siens.

Pourtant, si le violon est la pièce maîtresse de cet album, le piano en est une importante également. Il apporte une touche libératrice, aérienne, une rondeur. S’il se place souvent dans les aigus, il contrebalance avec la stridence du violon. À eux deux, ils se complètent, entrent en dialogue, jouent à cache-cache (le piano étant souvent mixé bas), exposent deux personnalités différentes, presque aux antipodes, mais toujours complémentaires.

Post folk/rock et électro.

Les moyens électroniques apportent ici une épaisseur inédite. Leurs sonorités sont granuleuses, rugueuses, semblables à du papier de verre, à la corde qui, en glissant entre nos doigts viendrait exercer leur pression abrasive, nous mettre les paumes à sang. L’aspect organique et viscéral qui s’en dégage contraste avec la plainte du violon, lui donne une dimension à la fois spectrale, à la fois terriblement humaine.

Tout semble provenir d’un monde à la lisière du réel et de l’imaginaire, une dimension indistincte entre le monde de l’action et celui de la pensée contemplative. Cette ombre mouvante danse, tournoie dans un vent sans cesse renouvelé, entre inventivité des motifs, récurrence des thèmes, aspects classiques et expérimentaux (on pense à Under the lake en particulier, qui, avec ces choeurs « chevaleresques, mais pas forcément épique, engage une réflexion mystique, ou au morceau final Crushed to the ground).

Electro (encéphalogramme ?)

L’électronique est ici utilisée non pas comme base, mais comme un outil pour traduire une sensation narrative proche de la fatalité, de l’urgence, de ses sentiments qui en nous tempêtent. Ils sont déferlements des éléments, vagues, pluie, vent qui fouettent le visage, imbibent les vêtements, rendent fiévreux. Cette idée de fièvre est d’ailleurs pertinente : comme lorsque nous sommes malades, aucune position n’est tenable. On se bat contre nous-mêmes en tournant virant dans notre lit, nous débattant contre ce qui, intérieurement, nous met au supplice.

La différence, c’est que, plus que d’anticorps, il s’agit de maux de l’âme. Les tourments ne s’apaise qu’à de minimes occasions, même si la teneur de l’album progresse vers une sorte de mieux être. Comme si, enfin, le soleil perçait le brouillard pour nous baigner de sa lumière, comme si, enfin, nous avions vaincu.

LE titre de Corde.

Comme souvent, lorsqu’il s’agit d’albums instrumentaux, le choix reste totalement subjectif. Il se fait sur le morceau qui réveille les émotions les plus contrastées, les plus intenses. Nous balançons en ce sens vers The Whale . Un piano comme un mantra (répétitif) en 5 touchers, un violon lancinant, des notes « arpège » (à nouveau au piano, en surimpression des fois, en solo d’autres), une électricité latente, un jeu d’ombres et lumière, avant, qu’en deuxième parti du morceau surviennent des attaques « metal » de la guitare.

Mélange douceur force, mélange accalmie tempête, mélange sérénité tempête intérieure, une idée de danger par les ondulations électroniques… Un combat avec la mer. Ce titre, en milieu d’album, en est une des pierres angulaires puisqu’il annonce une fin d’album moins dense, plus libérée. Suivi de Shypiard, plus « romantique », la bascule s’opère avec tact et nous délivre d’un poids.

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