BERTRAND BETSCH// Demande A La Poussière & Orange Bleue Amère
Glorious Music
Depuis quelque temps, c’est un peu La Soupe à la Grimace. Les salles de concert se meurent. Le néant. La Traversée aride que ça soit pour les artistes et tout le microcosme culturel. Pour Mémoire, rappelez-vous ce temps, où le quidam chantait, les corps se mouvaient, où nous buvions tous cette même bière dégueulasse, en remuant la tête, La Chaleur Humaine en somme. Une époque où notre amour n’était pas à vendre. “My Love Is For Free” clamait ce poète anonyme aux initiales BB (Side). Une époque où nous étions des noctambules libres, débraillés, faisant la tournée des Grands Ducs, en hurlant dans les rues endormies que La Nuit Nous Appartient.
Malheureusement, nous sommes plutôt à Fond de Cale. Ce même poète, maintenant, s’écrie “Je Vais Au Silence”. Mais soyons optimistes, il faudra Le Temps Qu’Il Faut pour retrouver Notre Vie Apprivoisée. Donnons-nous les moyens, Pas De Bras Pas De Chocolat comme dirait l’autre. Tout Doux! Ce poète des temps modernes, c’est Bertrand Betsch (B.B.). Il nous revient avec deux albums auto-produits à une semaine d’intervalle, les biens nommés Demande A La Poussière et Orange Bleue Amère.
Une kyrielle de chansons
Mettons un terme sur le fait que Bertrand Betsch soit un artiste confidentiel, jetons de suite cette épithète obsolète aux oubliettes. Cela en devient risible. Bertrand Betsch arpente le paysage musical français depuis presque 25 ans avec une quinzaine d’albums à son actif. C’est un auteur-compositeur créatif, talentueux, trimballant avec lui, une kyrielle de chansons. C’est sans compter qu’il partage et dévoile régulièrement ses albums à la fois solaires et poétiques. Inconditionnel de musique, et aux goûts très éclectiques, dans Sa Glorious Music, il cite Gérard Manset, Dominique A, Taxi Girl en passant par les Beastie Boys, White Stripes, Radiohead, pour arriver plus récemment à des artistes comme Pomme, Adrianne Lenker de Big Thief, ou encore Mansfield.TYA, groupe de Julia Lanoë, alias Rebeka Warrior (Sexy Sushi).
Pour Bertrand Betsch, tout est source d’inspiration et il n’hésite pas à puiser, à s’inspirer chez les autres, que ce soit dans la musique, le cinéma ou encore la littérature comme pour ce diptyque musical. Pour Demande à la Poussière, nous pensons forcément au romancier excessif et provocateur, John Fante qui écrivit en 1939, Ask The Dust. Pour Orange Bleue Amère, il n’est pas difficile non plus de trouver la référence. Tintin et les Oranges Bleues, bien sûr! Euh pardon, nous venons d’avaler un pépin de travers. Plus sérieusement, la référence, nous vient du poète surréaliste, Paul Eluard qui écrivit dans le recueil L’Amour La Poésie, cette métaphore qui deviendra célèbre “La terre est bleue comme une orange”.
La Faucheuse n’est jamais loin
Bertrand Betsch nous livre 16 titres au total dans lesquels nous pouvons aisément y déceler un profond mal-être, voire une crise existentielle, sur soi, sur le monde qui l’entoure, qui nous entoure en fait. Il est question du temps qui passe, du corps, de la vie, et par ricochet de la mort. La Faucheuse n’est jamais très loin. Avec la force de l’âge, les évènements parfois difficiles et douloureux de la vie, nous nous remettons en question, nous nous interrogeons sur le sens de la vie, de notre existence. Et très souvent, nous restons sans réponse, comme le décrit avec justesse Bertrand dans La Chanson Des Pourquoi (“Vivre est de brûler des questions”), sur le titre Demande ou encore sur Qui Le Sait où sa voix de velours caresse le verbe.
Certaines de ses chansons touchent au sacré comme avec le sublime morceau Ainsi Soit-Il qui résonne en nous comme une prière. Amen! Demande A La Poussière, nous rappelle bien sûr le Ashes to Ashes de Mr Bowie, mais aussi ce passage de la Bible “Tu es terre et tu retourneras à la terre, Tu es cendre et tu retourneras à la cendre, Tu es poussière et tu retourneras à la poussière” lors de la mise en terre de notre pauvre corps en sommeil. Comme indiqué un peu plus haut, la mort est omniprésente dans cette double œuvre. Vivre résonne comme une complainte funeste, la voix est désabusée, blasée. A La Nuit est crépusculaire! Le mélancolique et calme Réveille-Matin, éveille en nous un éloge funèbre clamé par le trépassé lui-même.
Une existence manquée
Bertrand Betsch psalmodie son malaise sur un rythme électro avec L’Ornière, dont nous nous demandons franchement comment il va en sortir. Avec De La Neige Au Fond Des Yeux, il fait l’état des lieux d’une existence manquée. La Fuite Des Capitales, nous impose un rythme mécanique et métallique, dans une ambiance suffocante et étouffante. Sauve-qui-peut! C’est la débâcle. A contrario, Je N’Oublierais Jamais, se veut beaucoup plus apaisant, avec cette atmosphère planante, nous rappelant Massive Attack.
Avec ces deux albums, Demande à la poussière et Orange bleue Amère, Bertrand Betsch propose un projet beaucoup plus underground, plus expérimental que son précédent album La Traversée (qui au passage nous vous conseillons vivement). Bertrand Betsch est plus qu’un chanteur, chacune de ses chansons éveille une forme de poésie, éblouissante, touchante et humaine. Il n’y a jamais de superflu. Derrière sa grande carcasse et son humour noir, parfois pince sans rire se cache une grande sensibilité et un Artiste, un point c’est tout. A l’écoute de ce diptyque, qui vous l’aurez compris, est à la fois sombre et amer pour reprendre le titre de l’un d’eux, nous voulions conclure cette chronique avec une référence à Leonard Cohen et plus spécialement aux paroles suivantes tirées du morceau Anthem: “There is a crack, a crack in everything That’s how the light gets in” (il y a une fissure, une fissure dans tout, c’est comme ça que la lumière entre).
LGH
(Le Gosse hélicoptère) j’adore découvrir de nouveaux artistes encore inconnus du grand public
et chercher ceux qui dans le passé ont fait ce qu’est la musique aujourd’hui.
La musique m’accompagne en permanence et tient une place primordiale dans ma vie.
Mon maître-mot est l’éclectisme même si mon cœur balance pour le rock sous toutes
ces formes. J’affectionne également la littérature et plus particulièrement la littérature
anglo-américaine (Bret Easton Ellis, Don Delillo, Jonathan Franzen,…).
Relire la chronique de Deap Vally
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