[ ROMAN ] ARTHUR ZINGARO, Même les extincteurs rêvent de gloire

Même les extincteurs rêvent de gloire (disponible chez Horsain), roman d’Arthur Zingaro, illustré de caricatures signées Katia L.B.

Voilà un livre comme on les aime. Parce que franc du collier vous voyez ? Pas ce genre de livre chichiteux d’intellos parisiano-parisiens. Même les extincteurs rêvent de gloire d’Arthur Zingaro est une autofiction qui fait le grand écart entre poésie du quotidien, colère et déprime du quotidien, humour du quotidien, tout en s’inscrivant dans l’intelligence émotionnelle (vous vous attendiez à ce qu’on dise « du quotidien », avouez !) de son antihéros qui nous ressemble foncièrement. Si nous y ajoutons les caricatures (hallucinantes de réalisme) de Katia L.B qui viennent ponctuer certains gimmicks de ce livre, nous pouvons affirmer que ce roman frôle le sans faute d’un portrait de vie plein de sincérité.

Cette vie…

… c’est celle d’Arthur, écrivain sans autre emploi que celui d’écrivain. Alcoolique, fauché, déprimé, il nous raconte son existence. Celle-ci, loin des salons mondains, se déroule principalement dans son appartement et dans le cabinet de son psy. Parce qu’il a une boule là, dans la gorge, qui l’empêche de déglutir. Comme si quelque chose lui restait en travers de la gorge. Genre le poids de la société qui crache sur les chômeurs en les culpabilisant de la place qu’ils occupent dans celle-ci, poids mort dont il convient de se débarrasser un jour ou l’autre.

Ces séances sont d’une vérité criante (ceux qui a eu recours à un psy un jour confirmeront), tout comme cette espèce de folie douce qui envahit la vie intime d’Arthur. Celle-ci se compose de la rédaction d’un roman de science-fiction presque social (où l’alter ego d’Arthur, Ludovic, promène son poisson rouge dans son bocal, enfin si on a tout bien compris, les extraits étant fragmentaires, au milieu d’un bestiaire crétacéen génétiquement modifié) dans le brouhaha d’une vie familiale bien remplie. D’ailleurs, cette boule dans la gorge n’est-elle pas aussi un peu liée au poids de la paternité et du fait qu’un homme doive subvenir aux besoins de sa famille (dans l’éducation d’avant) ? Ben si complètement.

Auto-fiction.

Mais comment ne pas tomber amoureux de cette galerie de personnages ? On vous le demande ! La fillette de 5 ans est absolument craquo-chiante, hilarante dans sa poésie enfantine plus vraie que nature (ceux qui ont des enfants comprendront), aux réparties cinglantes et lumineuses, apporte une dose de tendresse grosse ça comme ! La femme, Marilyn, est parfaite dans son rôle de compagne juste ce qu’il faut de caricaturale pour n’en être que plus réelle (ceux qui ont une femme comprendront). Dessinatrice, alcoolique, complexée, jalouse, amoureuse, maman attachante et compagne idéale (parce qu’imparfaite), elle est un peu l’île d’Arthur, son oasis, son refuge.

Et Arthur justement ? Il est férocement drôle, déprimé, mais au coeur gros comme un extincteur d’incendie. Talentueux aussi. Mais lucide, trop peut-être (ou sans doute), parce qu’être lucide, c’est s’exposer à la connerie ambiante, à l’incompréhension d’un monde piétinant l’humain depuis trop longtemps pour que ça change. Alors il se réfugie dans la bibine, balance des skuds qui ne manquent jamais leur cible. C’est cynique, percutant, noir, poétique, d’une justesse incroyable car jamais larmoyant ni inconsistant, tordant. Bref, dans le juste milieu d’une caricature de la vie, dans ce qu’elle a de génialement démoralisant, de drôlement triste (ou inversement) ou de simplement obligatoire à vivre (sinon nous passerions à côté de trop de belles et bonnes choses).

Identification.

Nous en venons à nous demander si Même les extincteurs rêvent de gloire n’est pas un livre qui parle de nous. Enfin de nous qui rédigeons ce papier. Parce que forcément, ce personnage autofictionnel nous ressemble méchamment. Bon d’accord, on n’écrit pas aussi bien (ce bouquin est d’une fluidité incroyable, d’un vocabulaire dingue), on n’est pas aussi marrant (quoiqu’il nous arrive à l’occasion de l’être mais ici Arthur Zingaro est à une espèce de zénith) ni alcoolique (un comble quand vous êtes breton !). Par contre, on est aussi déprimé, exalté, fauché, poétique (dans l’âme), émotionnellement connecté au « vrai », enfin à cette vérité qui n’appartient qu’à nous mais aussi à une certaine universalité de ceux qui ont le cœur sur la main plutôt que sur le portefeuille.

Les scènes se suivent, ne se ressemblent jamais quand bien même le cadre est toujours plus ou moins le même, et un cœur immense se dégage de ce bouquin, en fait sa richesse première. Nous pouvons dire que Même les extincteurs rêvent de gloire est un livre d’amour, un livre d’amour à la famille, un livre d’amour aux amis (Le Galli est le pote qu’on rêve tous d’avoir, enfin nous on en rêve), et surtout un livre d’amour à cette chienne de vie ! Cette autofiction a su perforer notre carapace, en allant bien plus loin (enfin pas dans le même registre dirions-nous plutôt) que certains autres grands livres de notre panthéon bibliographique intime. Il nous a mis à poil ce livre, vis-à-vis de nous-même, simplement parce qu’Arthur (ou Zingaro) nous montre ce qu’il a de plus beau à voir : son humanité.

On pense à Erreur 404.

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«  Puis elle s’approche avec un jouet, un genre de fusée miniature.
Papa, j’peux mettre ça dans tes fesses ?
NON MAIS CA VA PAS LA TÊTE !?
C’est pour de mine ! C’est pour voir si t’as de la fièvre…*
Quand on l’a conçue, on était bourrés…
Le ciel a beau faire grise mine, son visage rayonne d’insouciance et de joie. Son sourire est en fleur. La pièce elle-même semble bénéficier d’un micro-climat favorable. Le paradis perdu, c’est l’innocence, me dis-je… »

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EXCLU / On parle de Même les extincteurs rêvent de gloire dans B.O.L (Bande originale de Livres sur Radio Activ. Découvrez le podacst de la chronique

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