THOMAS ANIDO, Jouvence (auto-édition)

thomas anido jouvenceUn roman de combat.

Il est dit en quatrième de couverture que « pour son auteur, qui entend bien tracer sa littérature envers et contre tout, c’est aussi un livre de combat ». Pourtant, Jouvence, de Thomas Anido n’est pas à proprement parler un livre sur un combat, ou alors pas sous la force que nous l’imaginons. Au contraire, ce roman « fourre-tout », dans le bon sens du terme (c’est-à-dire qu’il ne s’égare jamais en chemin et reste toujours dans la ligne qu’il s’est fixé), brasse les thèmes de l’étranger arrivant chez les autochtones d’une petite île grecque, farce social et politique, critique d’un système consumériste à outrance, problématique des migrants, mise en abîmes du travail d’écrivain et aussi, un peu, livre horrifique.

Si tout ce mélange vous effraie, rassurez-vous, Thomas Anido s’y prend plutôt bien pour incorporer tous ces thèmes dans ce roman plutôt espiègle, bourré d’un humour parfois macabre. Une fois encore, comme c’était le cas notamment pour notre auteur du mois de septembre Jérémie Ferreira-Martins, la question demeure du « pourquoi ce livre n’a pas trouvé éditeur ? »

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Arriver en terre inconnue.

Aurélien est rédacteur web. Son métier est un pis-aller pour lui qui se dit écrivain. Lassé de ce job ne lui apportant aucune satisfaction, il met les voiles, un petit pécule en poche, pour une petite île des Cyclades nommée Anafi, dans le but d’y écrire un roman. Une fois sur place, hors période touristique, il découvre un lieu paisible et fait connaissance avec Echidna Papadopoulos, la gérante d’un hôtel où il établit ses quartiers.

Petit à petit, il fait connaissance avec le reste de la famille, le mari, Priape, ex-compagnon du Commandant Cousteau avec qui il a servi sur La Calypso, Dénis, le fils « prodigue » et Perséphone, la fille, au corps de rêve mais au visage ingrat. Très vite, ces derniers deviennent envahissant, plongeant Aurélien dans une sorte de malaise à chaque fois qu’il se retrouve en leur présence. Lorsque la saison touristique commence, il remarque d’étranges comportements (de la famille mais aussi des vacanciers). Ceux-ci atteindront leur climax lors des élections municipales.

Un peu comme dans certains livres plaçant un homme « normal » dans un environnement inédit (on pense à un livre comme Cul-de-sac de Douglas Kennedy, ou Cinq matins de trop de Kenneth Cook), Aurélien, cet antihéro, gentil loser timide et relativement mal dans sa peau, ou du moins qui se cherche, se trouve confronté à un système qui lui est étranger. Ici, la mainmise des Papadopoulos sur l’île relève du système mafieux, propre à certaines petites villes où certains locaux possèdent un peu tout. Ici poussé à son paroxysme, Jouvence joue la satire, et tout le monde en prend pour son grade.

Horreur et système D.

Sans vouloir en dire trop, nous dirons que le malheur des uns, à savoir les migrants naufragés, fait le bonheur des autres, à savoir la fameuse famille Papadopoulos. Lors de la saison touristique, les hordes de vacanciers (qui, soi dit en passant, représentent également une forme de migration non-souhaitée par certains), on assiste, impuissant comme Aurélien, à la transformation de la population en une horde dégénérée, dont le seul but est de se goinfrer comme des porcs des charmes locaux. Sans foi ni loi. La critique est sévère, mais juste (aussi juste que peut l’être une satire) : les Hommes ont la fâcheuse tendance à se sentir chez eux n’importe où, allant même jusqu’à voter pour les élections municipales.

La critique sociale est certes exagérée, c’est une volonté de l’auteur, mais elle montre néanmoins une réalité, celle d’une soif de pouvoir, celle d’ego surdimensionnés, comme peut l’être celle de nos dirigeants. Avec une plume perverse et drôle, Thomas Anido va jusqu’au bout de son délire, portant l’ensemble vers une fin apocalyptique que n’aurait pas renié un maître du genre horrifique, à savoir Georges A.Romero dont on devine le même esprit critique.

Une plume mordante.

Ainsi, la plume est mordante, trempée au vitriol. Si on passe quelques petites longueurs et peut-être une envie de trop bien faire, elle reste toujours dans une justesse de ton bienvenue. Le roman dévoile son intrigue par petites péripéties successives, avant que celles-ci ne deviennent plus importantes par la suite, lors de l’accélération finale (la fameuse soirée des résultats électoraux). Nous apprenons à connaître Aurélien, pour qui nous ne pouvons qu’éprouver une sorte d’affection un peu tordue (on aurait bien envie de lui dire de se bouger un peu le cul quand même). Il nous reste, comme tout « loser », forcément sympathique.

Jouvence est donc un roman bien ficelé, plutôt addictif, bourré d’un second degré assumé, se terminant par un joli clin d’œil. La question posée en introduction reste donc valide : pourquoi ce livre n’a-t-il pas trouvé éditeur ? Sans doute quelques petites corrections sont nécessaires (pour alléger notamment la mise en route de la lecture), mais rien de bien conséquent. Il possède des qualités qui en font un vrai bon roman, qui derrière des aspects « farce » montre à voir notre société telle qu’elle est aujourd’hui, à peu de chose près. Une fois encore, l’anonymat de l’auteur reste un frein.

Tant que les éditeurs préféreront sortir des livres de Nabila, nous ne découvrirons que trop rarement, et sur des malentendus, des petites perles cyniques de ce genre. Fort heureusement, ces malentendus seront heureux et mettront en joie des lecteurs avides de mauvais esprit et de sarcasme (pas du tout gratuit). Bref, nous, on valide totalement.

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