[ ROMAN ] RENE DENFELD, La fille aux papillons
La fille aux papillons, nouveau roman de Rene Denfeld (Rivages/noir)
Nous retrouvons, dans La fille aux papillons, l’enquêtrice Naomi. Cette enquêtrice spécialisée dans la recherche des enfants disparus s’attache cette fois-ci à retrouver sa propre sœur, disparu il y a plus de 20 ans. Avec une écriture pleine de nuances et de force, Rene Denfeld nous conduit aux frontières les plus obscures de l’être humain, obscurité qu’elle éclaire d’une plume lumineuse.
L’histoire.
Un an a passé depuis que Naomi à retrouver Madison. Durant cette année, elle a sillonné les terres de l’Oregon, notamment une province où elle a été maintenue captive, enfant, avec sa sœur. Mais d’impasses en cul-de-sac, elle se résigne à rejoindre la grande ville où des jeunes filles sont régulièrement retrouvées mortes. Elle y fait la connaissance de Célia, une jeune fille à la rue suite au viol subit par son beau-père. Une amitié forte se noue entre les deux femmes.
L’univers décrit par Rene Denfeld est noir. La vie n’épargne personne, pas même les enfants, surtout pas eux. Leur innocence est un rempart à ce qu’ils vivent, comme l’imaginaire de Célia qui s’entoure de papillons protecteurs qui, comme un talisman, protège son esprit. Pourtant, face à la cruauté de certain, ses pensées de jeune fille se trouvent bousculées, mises à rude épreuve devant la barbarie de certains.
La plume.
Dans ce récit, comme c’est le cas aussi dans Trouver l’enfant (le premier tome de cette série consacré à Naomi, également chez Rivages/noir), Rene Denfeld utilise une narration en ping-pong, c’est-à-dire que durant un chapitre nous sommes en présence de l’enquêtrice, de ses pensées, de l’évolution de son enquête, pendant que dans l’autre nous sommes en présence de Célia. Les deux univers se croisent, se recoupent, donnent un dynamisme certain à cette histoire qui pourrait sinon traîner en longueur.
En effet, Rene Denfeld pourrait filer plus vite au but, rassasier notre curiosité, nous dire si enfin elle retrouve sa sœur disparue depuis si longtemps. Mais l’autrice, ici, prend le temps d’imposer une ambiance, pour que les rues des laissés-pour-compte deviennent une part de notre histoire, qu’elle nous devienne familière (mais pas pour autant acceptable). Elle met d’ailleurs en relief le manque de moyens qui malheureusement fait que des enfants se retrouvent à la rue, faute d’institutions pour les protéger efficacement.
L’horreur et la poésie.
Dans La fille aux papillons, l’horreur pure côtoie une beauté pleine d’innocence. Cette dualité provoque en nous des raz-de-marée émotionnels, entre la fascination de ses descriptions oniriques, talismans protecteurs d’un esprit et d’un corps ayant déjà subi la violence et l’indifférence. D’un autre côté, elle décrit sans fard la réalité d’une rue qui broie tout le monde. Entre SDF, toxico, enfants livrés à eux-même, le constat est sans appel et d’une fatalité cruelle.
Quand on sait que l’autrice travaille dans le milieu du social, nous en ressentons un frisson d’émoi. Tout ce qu’elle raconte n’est donc pas écrit dans le seul but de nous tirer des pensées d’effroi facile. Non, il y a là une vérité horrible, viscérale qui apporte une dimension sincère à cette histoire qui acquiert dès lors une dimension autre, celle d’une dénonciation d’un système derrière le prisme du roman noir.
Les remerciements.
C’est étrange car ce sont les remerciements qui nous achèvent. Dedans, Rene Denfeld évoque sa propre histoire, même très brièvement, et son travail. Nous sentons dès lors une vérité émaner de l’ensemble de son livre, un parfum de vécu incroyable. Nous retournons dès lors en souvenirs dans cette histoire sombre, en y voyant disséminés ici ou là des éléments pleins de bienveillance.
Et d’amour. D’amour des autres, d’amour de la vie aussi. Et cela donne une force incroyable, une vision de ce que pourrait être le monde si nous arrêtions de courir après des chimères, pour nous concentrer sur ce qui a vraiment de l’importance. Nous ne vous dirons pas si Naomi retrouve sa sœur, ni ce qu’il advient de Célia. Nous dirons juste que l’histoire se termine là où elle doit s’achever.