[ ROMAN ] PATRICE GAIN, Le sourire du scorpion.
Le sourire du scorpion, nouveau roman de Patrice Gain (aux Éditions Le mot et le reste).
Une famille et leur guide, un ami. Une descente en rafting, au Monténégro. Le drame. Le deuil. Puis la vie qui continue, qui évolue. Des souvenirs, des événements d’un passé trouble ressurgissent. L’horreur de la guerre de Yougoslavie. Une famille dévastée. Amputée. Et un sourire énigmatique. Le sourire du scorpion.
Inspiré d’un fait réel.
Le roman de Patrice Gain se termine par cette note de l’auteur : « Ce roman est une fiction. Cependant, il s’inspire librement de l’histoire de Milorad Momic, arrêté à Lyon en 2011, accusé d’avoir participé au génocide de Srebrenica et de Trnovo. »
Ce nouveau roman, quelques longs mois après la sortie de Terres Fauves qui nous avait embarqués en terre hostile, en Alaska, nous raconte l’histoire d’une descente en rafting qui tourne au drame. Nous y retrouvons la plume particulière de Patrice Gain, une plume qui nous propulse dans une nature d’une beauté insondable. Et dans les méandres de la nature, humaine cette fois-ci, de protagonistes dont nous savons finalement peu de choses.
Nous retrouvons des descriptions précises des lieux, des espèces animales y vivants, pour une immersion d’autant plus profonde que le narrateur, Tom, le fils du couple parti faire cette descente en rafting, s’exprime à la première personne du singulier. Nous suivons donc le parcours de cette famille brisée, dont le « hasard » (1) prend un malin plaisir à tourmenter.
La nature humaine.
Tom est le seul des protagonistes dont nous parvenons à cerner la nature profonde. Ses doutes, ses interrogations, son deuil, sa force, tout nous est révélé petit à petit. Si au début nous croyons avoir affaire à un adolescent fragile (l’histoire débute alors que lui et sa sœur jumelle n’ont que quinze ans), peu à peu nous le voyons devenir un homme. Son histoire, recoupant celle de ce drame, de quelque chose de plus grand que lui également, lui font prendre conscience, même s’il l’ignore, que c’est lui l’être le plus fort de ce roman, sans en faire pour autant un super héros, juste un être humain plus vrai que nature.
Certains thèmes présents dans Terres Fauves sont à nouveau évoqués ici : la solitude, se retrouver seul face à soi-même dans un environnement hostile, le processus du deuil, la folie des hommes, la haine, l’amour aussi (mais les deux derniers sont évidemment liés). Mais dans Le sourire du scorpion, Patrice Gain y introduit une nuance inédite, celle de la guerre. En s’inspirant d’un fait réel, l’auteur nous tisse une trame complexe de sentiments humains contrastés, sans cesse bousculés, prenant appuie sur la trame encore plus complexe, celle de l’Histoire.
Un thriller qui ne laisse pas indemne.
La plume de Patrice Gain est diabolique. Nous l’avions découverte lors de la lecture de Terres Fauves, mais elle amplifie encore ses rouages dans Le sourire du scorpion. Elle paraît presque atone, son écriture. Elle ressemble presque à une litanie de lieux, d’objets, de personnages. Celui de Tom paraît presque inconsistant, peureux, peu sûr de lui, vouant une admiration sans failles à sa sœur. Mais tout est dans le presque.
La plume de Patrice Gain est effectivement loin d’être atone, elle possède son propre rythme, un peu celui de la Terre. C’est un rythme qui prend son temps, mais qui ne cesse de progresser, d’enfoncer ses griffes dans ce que l’homme renferme de plus profond en lui, sa force, sa beauté, comme leurs contraires. C’est un rythme qui paraît inoffensif mais qui vous cueille au creux de l’estomac, là où les émotions couvent.
Un roman d’une force peu commune.
C’est un rythme de bulldozer. Il n’est donc pas question, ici, de vitesse, mais bel et bien de puissance. Et ce livre l’est assurément, puissant. Il est d’une force peu commune car il éveille en nous des questionnements qui ne peuvent trouver de réponses nulle part ailleurs que dans notre propre connaissance de nous-même. Ce livre nous laisse donc en tête à tête avec nos émotions, avec nos repères, et nous retourne la tête jusqu’au dénouement final.
Le sourire du scorpion nous laisse avec un sentiment d’inéluctabilité, avec cette impression que nous ne pouvons pas tout gérer. Que la vie reprend ses droits, toujours. Que le mal ne l’emporte jamais, même si, paradoxalement, rien n’est juste en ce bas-monde. Ce roman nous a mis une gifle magistrale, et c’est pourquoi nous n’en disons pas plus sur ce qu’il renferme, pour ne pas gâcher ce qui ne peut s’expliquer, pour ne pas gâcher ce qui se vit et se ressens avec le pouvoir de la découverte.
Retrouver la chronique de Terres Fauves ICI
(1) NDLR : mais il n’est nullement question de hasard dans ce roman…
EXCLU ! Retrouvez le podcast de l’émission B.O.L (Bande Originale de livre), diffusée sur Radio-Activ, consacrée au roman Le sourire du scorpion. C’est ICI