Chronique livre chronique roman, nouvelles, récit
MURIEL MEUNIER, Julie, matricule 247
Une histoire de femme (roman historique déjà disponible aux éditions Favre)
L’auteure Muriel Meunier est romancière biographe et auteure jeunesse. Littéraire de formation et passionnée par l’histoire, elle façonne des intrigues grâce auxquelles elle captive ses lecteurs et les propulse des années ou des siècles plus tôt. Elle connaît de l’intérieur, et depuis des générations, le destin des ouvrières de sa région, la Normandie. Son roman, inspiré par le destin d’une vraie bagnarde dépasse cependant les frontières car il est avant tout un bel hommage aux femmes, trop souvent victimes de l’esclavage moderne.
Muriel Meunier s’est inspirée d’une histoire vraie, celle de Julie Binay. Née dans une famille ouvrière, orpheline de père, elle se retrouve très tôt à l’usine pour aider sa mère afin de s’en sortir. Mais Julie rêve d’une autre vie. Elle prend la décision de quitter sa famille, sa Normandie, prend la direction de Paris et, enfin, la vie commence à lui sourire.
Vient le mariage, les belles années, puis soudain tout s’écroule. Plus de travail, son mari la pousse à vendre ses charmes. Commence alors sa descente aux enfers. Elle commet de nombreux larcins, jusqu’à celui de trop : cette fois elle ne peut plus échapper à la prison, à laquelle succède la relégation collective.
Travaux forcés.
On ne veut plus de Julie en France. C’est l’exil, direction la Guyane, à Saint-Laurent-du-Maroni. Le bagne, un endroit impitoyable, où Julie va se battre pour survivre. Pour cela, comme un rappel de qui elle est, elle garde sur elle son trésor, la seule chose qu’il lui reste de la France, à savoir un dessin de Vincent Van Gogh qu’il a fait d’elle à Paris. Elle repense à sa famille, sa mère et surtout son frère avec qui le lien est immensément fort et inaltérable.
Elle tente à maintes reprises de s’échapper. Il faut dire, même si cela est évident, que la vie est extrêmement dure au bagne, avec un quotidien lourd, rythmé par le travail, les prières, les repas. La rivalité entre les détenues est quotidienne et les bagarres sont très fréquentes. Souvent à cause du peu de nourriture. Chaleur écrasante, maladies, autorité arbitraire des religieuses sont également de la partie. Malheureusement, ses tentatives d’évasion échouent et à chaque fois c’est un retour au bagne ponctué de châtiments et privations de nourriture.
Elle n’est plus qu’un matricule, le numéro 247. Un numéro comme marqué au fer rouge, indélébile, gravé dans sa tête pour toujours , alors elle veut tenir coûte que coûte, pour garder un peu de dignité.
Est-ce que l’on pense à elle en France ? Tout ce qu’elle veut, c’est pouvoir un jour retrouver sa Normandie, sa famille.
Mais pourra t’elle tenir ici seule face à tous ces dangers ?
Empathie.
C’est avec beaucoup d’émotion, de tendresse, que Muriel Meunier nous dépeint la vie courageuse de Julie Binay. Et à travers elle la place de la femme en 1890. Une place bien peu enviable car aucune liberté n’existe, pour cause de l’emprise écrasante du dictat masculin (on peut faire facilement le rapprochement de ce quotidien dans de nombreux pays, aujourd’hui encore. Le mouvement Me too, par exemple, en témoignent hélas).
L’écriture pleine de sensibilité de l’auteure nous touche en plein cœur, sans tomber dans la facilité. Elle nous décrit un destin émouvant et souligne avec beaucoup d’humilité les ravages de l’exclusion. A travers cela, elle nous enseigne également le courage et la compassion, ainsi qu’Un pan de notre histoire resté bien caché, honteux.
Un roman qui peut totalement faire écho aujourd’hui ici ou ailleurs.
Adonis Brunet
Adonis est poète. Il a commencé à écrire suite à un voyage en Corse en 1987, des poèmes d’abord, puis des contes pour enfants. Aujourd’hui, il continue à écrire mais plutôt des poèmes brefs (haïku). Il est originaire de Romorantin dans le loir et cher. ll travaille à la maison du Mochi en Touraine.
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