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[JEUNESSE] MIDO, Les chemins d’Alana // Deuil et fantasy
Les chemins d’Alana, roman jeunesse de Mido (éditions Ex Aequo).
Alana vit avec sa mère, son beau-père et son petit frère. Son père a disparu en mer quand elle était enfant. Depuis ce temps, sa grand-mère paternelle, Rose, vit dans une bulle de tristesse de laquelle toute joie de vivre a disparu. La jeune fille essaye de lui faire retrouver le sourire à chacune de ses visites, en vain. Dans Les chemins d’Alana, nous suivons le quotidien de cette jeune fille jusqu’à ce qu’un événement totalement incroyable survienne.
Histoire de famille.
Souvent, quand un drame familial survient, il laisse des traces indélébiles. Tout comme les mots qui paraissent anodins aux adultes marquent durablement l’esprit des enfants. Ici, la disparition du père d’Alana, navigateur, laisse une famille explosée. La grand-mère d’Alana a perdu son fils et ne se remet pas de cette perte. Sa vie devient une non-vie, faite d’une solitude d’où est exempte toute « couleur ». Sa petite fille essaye pourtant de ramener un peu de son énergie dans le quotidien de la vieille dame, en la bousculant par sa vitalité et son désir de la voir à nouveau sourire.
Quand Alana ressort de chez Rose, elle remarque une étrange présence qu’elle associe au Bugul noz, « créature » de légende qui naît au début de la nuit et surprend l’enfant qui tarde à rentrer chez lui. Au fil de ses retours chez elle, la jeune fille sent cette présence de plus en plus tangible, jusqu’au jour où cette dernière lui parle. Et cela changera le cours de son existence.
Au plus près des ressentis.
Dans cette histoire conseillée pour les 9-12 ans (tranche d’âge indiquée sur la couverture du roman), Mido évoque le dur travail du deuil, en le mêlant à quelques légendes du pays vannetais (donc Bretonnes). Comme dans ses ouvrages dont nous avons déjà chroniqué les pages, nous trouvons que le tact de l’auteure est une nouvelle fois au rendez-vous. En quelque 50 pages, ce qui est finalement peu, Mido parvient à aller à la fois à l’essentiel et à l’os des sentiments et du parcours de vie. En ce sens, l’histoire touchera les enfants, mais aussi leur parents.
Si nous pouvions craindre qu’elle « survole » les problématiques de ce livre, il n’en est absolument rien. Aurait-elle écrit pour les adultes que nous aurions pu approfondir davantage, en explorant plus avant la psychologie de la grand-mère par exemple, mais dans Les chemins d’Alana, Mido s’attache principalement à retranscrire les émotions vécues par l’adolescente. Et elle le fait avec justesse (ce mot « bateau » qui nous revient à chaque fois en tête pour parler des écrits de l’autrice), tendresse et finesse.
Des personnages nuancés.
En peu de page, Mido réussit néanmoins à nuancer les psychologies de ses personnages. Une grand-mère renfermée sur elle-même, une mère ayant refait sa vie (même si on ne refait jamais sa vie, on se contente simplement de la poursuivre) avec un homme qu’Alana considère comme son père (elle s’interroge quant à son droit de l’appeler « papa », interrogation légitime qui doit traverser bien des petites caboches blondes ayant vécu une tragédie similaire), et qui a rompu toute relation avec sa belle-mère. Et puis Alana, au début de l’adolescence, pleine de vie qui veut que sa grand-mère sorte de sa léthargie endeuillée.
Ce livre est plein de couleurs. Celle de la mélancolie de Rose, dans des teintes sombres. Celle de la vie, rose, bleu, jaune, d’Alana. Pétillante, dynamique, encore enfant (sa peur du Bugul Noz) mais déjà adulte (son désir que sa grand-mère passe à autre chose et vive pour ceux qui restent). Les nuances sont multiples et précises, sauront parler aux enfants par leur simplicité d’autant que celle-ci n’est pas manichéiste pour un sou. Tout n’est pas tout blanc ou tout noir, et Mido réussit à instiller cette notion que rien n’est simple quand un accident survient dans la vie de personnes, que tous réagissent d’une façon différente, mais que rien n’est pour autant figé.
Avec respect.
Nous ne vous en disons pas plus. Nous nous contenterons simplement de dire que ce petit livre n’a pas pour vocation à être lu par les seuls enfants ayant vécu un deuil. Tous se reconnaîtront ou pourront vivre une expérience de lecture à l’orée du fantastique et en prise directe avec une conscience « sociale » qui existe. Toujours avec un souci du mot juste et sans accentuer les côtés tragiques. Une fois encore, le respect de l’autrice pour son jeune public fait des merveilles et nous conseillons donc ce livre susceptible de parler autant aux « petits » qu’aux grands.
Relire, de Mido : la chronique de 1, 2, 3… Noël ! et la chronique de Mut-Muk