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JULIE-ANNE DE SÉE, Désirs et désordres
Recueil de nouvelles publié chez Tabou éditions, collection Les jardins de Priape.
Voici un bien étrange recueil, étrange car, si nous nous en tenons simplement au nom de la maison d’édition ou à celui de la collection, nous sommes assez loin du compte de ce que peut renfermer Désirs et désordres. Évidemment, nous n’allons pas vous cacher qu’il y est question d’érotisme, mais il n’est pas uniquement question des choses du sexe.
En effet, si le désir à une connotation sexuelle, il est aussi, comme le définit le dictionnaire (Larousse dans le cas présent), et c’est sa définition première : Action de désirer, d’aspirer à avoir, à obtenir, à faire quelque chose ; envie, souhait. Exemple : Avoir le désir de voyager. Synonymes : appétit – aspiration – besoin – envie – goût – soif – souhait. Julie-Anne De Sée a parfaitement pris le mot au pied de la lettre (lettre n’étant pas un X) et nous délivre des textes à la fois sensuels et d’autres plus spirituels.
Des désirs, des fantasmes, et l’amour.
Forcément, il y est en grande partie question de désirs sexuels. Les textes y ayant trait occupent une grosse moitié du livre, tandis qu’une plus petite moitié est consacrée à une autre forme de désir, plus dominateur, mais pas sexué, celui de la tauromachie. D’ailleurs, à ce propos, Periquito de Jaén, la première nouvelle traitant de cet art (ou sport, ou discipline) a été finaliste du prix Hemingway 2018. On comprend aisément pourquoi tant l’autrice déploie un imaginaire propre à vous placer directement au cœur de l’arène, en Espagne ou en France, à en avoir la sensation de pouvoir caresser les « toros » directement derrière les oreille (ou au niveau de la queue, mais nous risquons vite de déraper).
Il n’est pas question ici d’aimer ou non la tauromachie, mais d’y lire le désir de réussir à dompter l’animal, le désir de devenir une idole, le désir de jouer avec la peur, avec la mort. Éros et thanatos, encore et toujours, mais peut-être ici exacerbé par cette lutte contre soi-même, ces instincts, et contre l’animal. La danse, la sensualité, le charisme, tout y passe en revue, et surtout cette envie de se dépasser, de devenir plus qu’un homme.
Bien souvent, cela est vu au travers du regard de la femme du toréador. La passion brulante l’habite, tout comme elle est contagieuse. Ce désir-là n’est pas sexuel. Il est désir pur, comme un or pêché dans une rivière. Il n’y a rien de plus brillant que ce désir de surpassement même de la femme qui veut être à son homme. Pour le meilleur, un peu, pour le pire, beaucoup.
Et du sexe.
Forcément, le sexe est ici majoritairement présent. Il est ardent, brulant, parfois fantastique, magique, toujours mystérieux. Chaque texte y dévoile ses charmes, souvent dévoilés par un fin couperet qui bien souvent nous étonne, nous déstabilise, notamment quand nous pensions tenir en nos mains les tenants et aboutissants de ce qui nous est raconté.
La langue est vive, habile, manipulatrice, soumise ou dominatrice, nue ou habillée. Elle est sensuelle, animale, féline. Elle dévoile aussi, autant qu’elle cache. Il arrive qu’elle nous embarque, qu’elle nous intrigue, nous laisse de marbre ou au contraire nous mette en fusion. Il lui arrive d’avoir des courbes, d’aller au but, de prendre les virages à la corde, ou au large. Parfois elle déclenche des palpitations, des frissons, des tremblements. L’imaginaire se met en branle (hem), les images naissent car le désir les crée à son image, à son histoire, à son vécu.
Vous faire désirer.
Alors ce recueil cherche à nous faire désirer. Et puis aussi à comprendre. Parce que le désir ne s’explique pas, il se ressent, il s’exprime, mais avec ces images justement, Julie-Anne De Sée parvient à nous offrir sa définition du désir. Les désordres, eux, arrivent de ce que le caractère incoercible est incapable de maîtriser. Le désordre est ce grand de sable qui fait enrayer la machine, lui ouvre une autre prote d’accès, pour finalement arriver au même résultat.
Avec un thème reposant sur un seul mot, nous aurions pu croire que Désirs et désordres tournent un peu en rond sur lui-même, pourtant il permet un large spectre d’actions, de réactions. Il ne nous laisse jamais insensible et même si toutes les nouvelles n’ont pas le même degré d’intensité, elles dégagent toute une cohérence de ton, d’écriture, pour au final dresser un inventaire au plus juste de ce que signifie le désir.
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