DANA Hillot, Un Débarras
Un Débarras, paru chez L’Orpailleur
Dans Un débarras, Dana Hillot entrepose les pensées et états d’âme de son narrateur dans un style étourdissant.
Rarement roman aura aussi bien porté son nom. Le débarras, c’est cette pièce dans laquelle nous entassons tout ce que nous jugeons plus ou moins inutile mais que nous nous refusons de jeter. Ce livre est cette pièce. Dans ces pages, nous découvrons un tas de cartons dans lesquels sont stockés des écrits. Mais le narrateur ne nous dit pas ce qu’ils contiennent (ou du moins il le fait en creux), simplement qu’ils sont là, qu’ils sont entreposés et qu’ils renferment d’autres aspects de son être qu’il dévoile dans le présent ouvrage. Vous nous suivez ?
Tout commence après un divorce, dans un café aux pieds d’un tribunal. Ensuite, le narrateur déroule le fil de sa pensée, en commençant par ce qui l’a amené à divorcer. S’ensuit son auto-critique, ou plutôt une forme d’autobiographie où sont décryptés le couple, la littérature, la solitude, la place dans la société, les couacs quotidiens, le sens de la vie.
Une plongée dans la psyché du narrateur.
Tout cela est exposé, avec pudeur, dans une écriture au long cours. Pas forcément évident de s’y plonger car l’auteur ne ponctue son roman que par des virgules, éventuellement par quelques points d’interrogation ou de : . Le livre invite donc à se dévorer d’une traite tant le rythme est enlevé, presque oral, avec des répétitions qui montrent que le narrateur cherche ses mots, un peu comme nous tous, pour développer au mieux son idée. D’ailleurs, elles y sont tellement foisonnantes (les idées) qu’il est difficile de ne pas prendre un temps de recul pour bien les ingurgiter et digérer. Dans notre cas, il nous a fallu un bon mois et demi pour en venir à bout.
Sans doute parce que ces idées entrent souvent en résonance avec des aspects concrets de notre réalité (nous parlons de notre réalité à tous et toutes). Dana Hillot fore très loin la psychologie de son personnage, en fait ressortir des aspects sombres entrecoupés de passages lumineux. On n’apprend pas tant que ça de sa vie, mais on connait tout, ou presque, de ses tourments
Peut-être qu’une des réponses à nos questions sous-jacentes se trouve dans les toutes dernières pages du roman, mais hors du cadre de celui-ci puisque y est noté que « Dana Hillot vit et travaille dans le Cantal. Il partage sa vie entre l’exercice de la psychanalyse, l’écriture et la marche » . Doit-on cependant en déduire que Un débarras est un livre de psychanalyse ? Pas du tout. D’une part, l’auteur et le narrateur sont dissociés (même si nous savons que nous retrouvons toujours de l’auteur dans ses personnages), mais surtout le roman dépasse le cadre de la simple persona. Nous voyons une universalité émerger des écrits,
Des questions élucidées.
Ainsi, ce débarras de Dana Hillot se trouve être un peu le nôtre également. Nous nous y projetons, y déposons quelques bagages, piochons dans ceux déjà entreposés pour nourrir notre propre réflexion. Qu’elles soient concordantes ou divergentes, les idées du narrateur (et en partie celle de l’auteur) et les nôtres (celle du lecteur) trouvent à se nourrir, à se compléter, se développer. Comme un dialogue intime et muet qui se mettrait en place un peu par magie entre tous les protagonistes.
On ressort du bouquin avec cette sensation d’avoir compris certaines choses, certains concepts. Ça libère tout en posant des socles pour des questionnements à venir. Cela vaut bien la peine de prendre du temps pour lire ce roman pas tout à fait comme les autres, et pourtant si familier au fond.
Patrick BEGUINEL
Du même éditeur : Les petites choses.