[ALBUM] Abdullah Ibrahim, piano solo aérien.
Nouvel album du pianiste jazz Sud-Africain Abdullah Ibrahim, Dream Time (déjà disponible, Enja records).
Il y a des albums qui s’offrent à vous sans que vous vous y attendiez. Des disques d’une rare intensité qui vous mettent K.O par leur extrême délicatesse et par leurs émotions vibrantes. Dream time, album piano solo d’Abdullah Ibrahim, porte bien son nom, c’est un rêve éveillé, une odyssée de l’infiniment précieux.
Un récital en une prise.
Ce disque, c’est une prise, en public. On y entend du piano, forcément, mais également tous les à côté résultant d’un enregistrement en live. Il y a des toux contenues, des frottements de chaises sur le parquet, des bruits de vêtements qui se froissent et se défroissent quand quelqu’un réajuste sa position sur sa chaise. Et il y a l’intensité qu’Abdullah Ibrahim met dans son art, palpable, qui lui fait pousser de petits jappements, comme si, tellement pris dans sa musique, qu’il la vivait de façon égoïste, lui, rien que pour lui.
Mais il n’est rien d’égoïste dans ce concert capté en Allemagne. C’est tout le contraire. C’est un partage immense, un partage d’émotions, un courant, ou un fluide, qui circulerait entre l’auteur et le spectateur, comme une électricité bienfaisante qui transporterait chacun au pays des notes bleues.
Des mélodies pures.
Ici, les mélodies sont pures. Elles s’écoulent naturellement, portées par le courant de l’imagination du pianiste. Des motifs ressurgissent par moments, des thèmes qu’Abdullah Ibrahim modifie de façon presque imperceptible, en y ajoutant un zeste d’intensité, une nouvelle couleur s’additionnant à sa palette par le biais d’une nouvelle combinaison d’arpèges. Le pianiste est ici peintre, et son tableau prend vie et forme devant nos yeux ébahis.
Ils sont ébahis parce qu’il n’y a pas de redite, il n’y a aucune faute d’intention. Si les notes parfois coincent, elles n’en dégagent que plus d’émotions. La faille nous rend ce jeu de piano totalement touchant. Comme si nous plongions dans la fébrilité de l’âme de ce pianiste à la sensibilité à fleur de peau.. Comme s’il se mettait totalement à nu, exposait ses doutes, ses peines, ses joies et ses amours. Comme pour mieux contrebalancer cela, il hausse le ton et la cadence, joue plus fort, plus intensément, comme pour nous dire : « oui ! J’existe et je le prouve ! »
Aérien, sans équivalent.
Dream Time est une petite merveille du genre, à nulle autre pareille. Il nous place en spectateur privilégié d’un moment de grâce, d’un instant de partage abolissant toutes distances. Nous ne formons qu’un avec le pianiste, nous sommes à côté de lui, nous sommes une part de son inspiration, de sa technique, de son talent. Même si ceux-ci, bien évidemment, n’appartiennent qu’à lui.
Ce disque est une surprise, un cadeau, un temps suspendu dans un domaine où les notes portent espoirs, joies, ferveurs. Il nous est impossible d’y repenser autrement qu’en scs termes élogieux, sans doute parce que ce Dream Time est simplement hors du temps, de l’espace, et qu’il n’est pas simplement musique. Il est partage et émotions.
Site officiel Abdullah Ibrahim
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