VANDERWOLF, DAITHI, M’Z

VANDERWOLFVANDERWOLF, 12 little killers

Hyperactif de la musique (il a sorti 11 albums sous son propre nom ou sous celui de divers groupes auxquels il a participé, mais il est également comme programmateur musical et producteur de concerts dans certains des clubs et des salles de concert les plus célèbres du monde), Vanderwolf a sorti son nouvel album durant l’été. Mélange de pop et de folk, avec évidemment quelques incartades électriques plus rock, 12 little killers s’impose comme un album maîtrisé de bout en bout, à l’univers prenant.

Le premier élément qui nous surprend ici, c’est cette voix caméléon, capable de s’engager dans un chemin crooner comme sur la grande voie rapide rock. Pour cela, Vanderwolf tire et étire ses cordes vocales pour en obtenir la vibration parfaite, celle qui s’accommode à la perfection à la composition qu’elle porte. Avec un timbre nous évoquant par moments celle d’un certain David Bowie, mais avec un mordant parfois plus incisif, Vanderwolf montre ici tout son talent de conteur chanteur.

Les compositions jouissent toutes d’une excellente production. Elle se ressent surtout sur les compositions les plus folks, lesquelles dégagent une sensation d’espace relativement vaste, mais dans laquelle nous ne sommes jamais perdus. Les pistes enregistrées en acoustique sont simplement parfaites, taquinent les prises électriques quant à leur impact. Les deux forment un être bicéphale totalement équilibré, faisant que la folk du musicien peut s’emballer vers un rock presque old school qu’il modernise par sa science des arrangements.

Dans son temps.

Chaque titre est une surprise en soi. Si l’entame de certains morceaux nous évoque mine de rien une sorte de classic rock maintes fois rabâché, Vanderwolf ne s’encroûte jamais et parvient à lentement, mais sûrement, rendre sa musique totalement dans l’air du temps, voire même un peu en avance sur celui-ci. Ainsi, il nous harponne sur des sonorités connues, avant de développer ses thématiques avec une précision et une acuité rare. Là aussi, la comparaison avec Bowie s’avère juste tant le musicien ne se laisse jamais submerger par des automatismes passéistes.

Excellente surprise, 12 little Killers s’avère un album surprenant, dynamique, à bien des égards addictifs, et ouvre la voie vers une pop folk débarrassée de ses poncifs. Un album à découvrir absolument, et sans bouder son plaisir !

DAITHIDAITHI, I’m here now

À mille lieues de la folk (quoi que…), Daithi explore les sonorités électroniques nous propulser, avec son nouvel album (disponible depuis début septembre) I’m here now dans une musique à la fois aérienne et viscérale. Ces tessitures en effet dégagent cet aspect organique qui permet de ne pas désolidariser l’homme de la machine, mais plus de se fondre en elle, pour la rendre la plus humaine possible.

Le son est enveloppant, chaud, joue sur une sensation de légèreté qui pourtant reste prenante tant elle se loge quelque part au milieu du ventre. Parfois mélancoliques, voire délicatement flippantes/obsédantes (comme le terrible Like the water, presque jazzy par certains aspects, tout en restant deep house), les compositions ne répondent à aucun schéma préconçu, mais s’inscrivent néanmoins toute dans le même mouvement.

Celui-ci s’avère posé, délicat, propice à l’évasion sensorielle. La production aide en cela en créant un environnement sonore accueillant, capable de mettre nos ressentis et émotions en ébullition. Jamais en revanche il ne nous amène à fuir, nous retenant par une science de la mélodie cool et des arrangements pointilleux, inventifs. Si quelques aspects jazz apparaissent ici et là (l’usage du piano, ou d’une contrebasse notamment), l’ensemble reste plus orienté vers une forme d’électropop élégante et raffinée, évitant le piège facile des sonorités actuelles, souvent bâclées.

Véritable horloger du son, Daithi (musicien irlandais comme son nom ne l’indique pas) nous propose sa vision d’une musique à la cool, enivrante, sensuelle, et qui nous place instantanément hors du temps et de l’espace. Si certains titres sont chantés, ce sont véritablement ses morceaux instrumentaux qui nous sautent aux oreilles et qui placent cet auteur compositeur sur un pied d’égalité d’un Bonobo par exemple, et cette comparaison n’est en rien usurpée. À découvrir sans tarder.
M'Z

M’Z, La civilisation de la graine

Mais de quelle graine nous parle M’Z dans La civilisation de la graine ? Un coup d’oeil sur l’illustration de la pochette nous donne une idée plus précise du genre de petite plantation dont il s’agit. Pour la faire courte, disons simplement qu’il s’agit de ce genre de pensée insidieuse qui, sans cesse nourrie, finit par prendre une importance démesurée. Et cette importance vise souvent une catégorie de personnes, d’idées plus ou moins puantes, mais dans tous les cas elles gangrènent l’intelligence de tout être pour en tirer le pire.

Passé ce constat, comment appréhender la musique de M’Z ? Ce rock progressif distille au fur et à mesure des secondes qui défilent une idée du poison qui s’infiltre dans les moindres recoins de notre cerveau. Les thèmes s’imposent progressivement, au long de plages durant, pour la plus courte de l’album, 5’46. M’Z se fait plaisir en déroulant un rock fort en images, et dont les sonorités, parfois, ne sont pas loin d’évoquer certaines séquences de films d’horreur.

On y voit comment une idée de base peut évoluer, se transformer, et partir d’une mélodie plutôt anodine en une autre qui l’est beaucoup moins, ou qui s’avère même purement violente. Les constructions des différents morceaux sont labyrinthiques mais ne perdent jamais le fil de leur narration première. Tout se construit/déconstruit avec une déconcertante facilité, rappelant le rock progressif, le jazz rock, voire des passages éclair au metal ou évoquant des thèmes légèrement fantasy. Sans être particulièrement dans l’air du temps (certaines sonorités semblent même parfois datées, notamment quelques synthés chelous), La civilisation de la graine n’est pas non plus totalement hors sujet.

Pour les oreilles non chastes

Expérimental par instants, cette musique est une bande originale à elle seule du film de nos sociétés actuelles, lesquelles courent à perdre haleine vers leur propre fin (réchauffement climatique dont tous les politiques se foutent, résurgence des courants fascistes…). Heurtées, chaotiques, et foisonnantes d’idées à la pelle, les compositions n’en sont pour autant pas moins mélodiques et évocatrices d’images. Sans paroles, c’est notre imaginaire qui fonctionne à plein régime, qui se laisse aller à imaginer le pire mais aussi, parfois, à se saisir des moments d’accalmie pour laisser poindre une légère lueur d’espoir.

Intrigant, mais à l’univers tranché, pour ne pas dire radical, La civilisation de la graine suit sa propre route et sa propre idée. Sans doute ce disque peut-il être un peu perturbant pour ceux qui aiment les morceaux s’écoutant d’une oreille distraite, mais ravira ceux qui cherchent des narrations plus complexes. Dans tous les cas, ce disque reste une exploration assez unique en son genre de thématiques actuelles, hélas trop présentes.

Patrick Béguinel

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