RÜDIGER, The dancing King
Sorti le 30 novembre (Usopop Diskak, Forbidden Colours / Believe)
Rüdiger, c’est l’alter ego de Félix Bluff, musicien provenant du pays basque. Il nous revient avec un deuxième album, The dancing king, qui démontre une maitrise incroyable de l’art de la pop. En convoquant d’illustres ainés, le musicien n’oublie pas de tracer sa propre voie et nous livre un album de toute beauté, à la patte bien personnelle.
On pourrait croire qu’au bout de 60 ans la pop n’avait plus grand chose à nous offrir de nouveau, mais c’est mal connaître le génie de certains musicien. C’est ce que nous prouve Rüdiger en 9 titres, tous aussi somptueux les uns que les autres. Après un premier album Before It’s Vanished qui laissait déjà entrevoir les qualités du jeune homme, The dancing king enfonce le clou et nous laisse radicalement sur le cul.
Pop onirique bien dans son temps.
Tout commence, et c’est risqué, par Memories, titre le plus expérimental de l’album. Long de plus de 5 minutes, ce morceau rebutera sans doute les moins courageux des mélomanes par son approche presque âpre. Ressurgit dès l’entame du titre cet effet de bande passée à l’envers qui instaure un climat presque oppressant. sur lequel Félix Bluff impose sa voix hachée, doublée-trafiquée qui donne un effet saccadé au titre, presque schizophrène. La rythmique minimaliste et un synthé répétitif amplifie la donne, jusqu’au moment où des violons apparaissent. Si Memories rappelle l’electro à la Radiohead de Kid A, on sent déjà poindre des arrangements lumineux, plus pop. L’entrée en matière, assez casse gueule, nous donne plutôt les crocs pour découvrir la suite de l’album.
Et c’est une bonne chose car Breath nous propulse, avec sa guitare acoustique, dans un monde qui nous paraît plus « balisé ». La voix de Rüdiger séduit car sa délicatesse, portée par une mélodie entêtante. Derrière, le musicien accouche d’une musique ample, légèrement mélancolique, qui laisse pourtant entrer la lumière. Le sentiment qui nous saisit dès lors et celui d’une forme d’extase optimiste, comme un shoot de beauté qui ne nous quittera pas vraiment de l’album. Complexe dans sa construction, le titre est en revanche limpide et simple à l’écoute. Breath se développe donc avec maestria. Les arrangements, pointus, s’avèrent parfaits, tout comme le mix, irréprochable. Le bonhomme à du savoir-faire, mais nous étions loin d’imaginer à quel point.
Les références aux ainés.
S’entrechoquent tout au long du disque, les références aux ainés, à savoir par exemple les Beatles, Neil Young, Robert Wyatt, Pink Floyd et tant d’autres. Les uns pour leur art de la composition, d’autres pour leurs ambiances intimistes, d’autre pour l’expression de la musique sans concession. Car en effet, The dancing king, s’il laisse la parole aux textes, n’oublie jamais de laisser parler la musicalité exceptionnelle qui nait de ceux-ci. A moins que les deux se nourrissent réciproquement.
Quoiqu’il en soit, l’ensemble se tient admirablement, avec un goût indéniable en matière de composition. Qui plus est, Rüdiger est capable de surprendre son monde avec un titre d’obédience jazz sur laquelle sa voix apparaît plus belle que sur tous les autres morceaux. En effet, sur Once I was away, sa douceur nous frappe de plein fouet, sans doute dû au fait que l’orchestration soit plus minimaliste (piano voix, une basse qui apparaît discrètement, une sonorité de clarinette pour conclure le titre).
Il surprend aussi avec l’entame presque Bossa de The receiver (le plus long morceau de l’album avec ses 7 minutes au compteur) qui laisse place, en son milieu, à une partie transe, à deux doigts de virer techno. Pourtant, malgré des grands écarts stylistiques, l’album ne perd jamais en cohérence et éblouit par une forme de candeur optimiste qui fait du bien à l’âme.
Magnifique et indispensable.
Comme les illustres Beatles qui les premiers osèrent l’apport d’instruments classiques dans des compositions pop, Rüdiger en insère ici et là pour donner une dimension classieuse à son album. The dancing king est cependant un disque bien dans son époque car il s’avère aussi moderne que respectueux du passé.
Tour à tour pop, folk, osant les incursions électroniques ou plus rock, il s’impose ainsi comme un disque magnifique que l’on prend plaisir à réécouter dès que le spleen nous envahit tant sa beauté redonne simplement foi en un peu tout. Un must have que nous voulions absolument mettre en avant tant il fait du bien, tout simplement.
Patrick Béguinel