Boat Songs, disque à emporter sur une île déserte
Dernier album de Frank Rabeyrolles sorti le 25 Novembre 2022 chez Wool recordings
Il y a des disques sur lesquels on revient inlassablement, sur lesquels on s’attarde, comme un lieu gardé secret, comme pour chaque naufragé il existe une île désert. Boat Songs est une invitation à trinquer avec la lune. L’ensemble du disque est comme miniaturisé dans une bulle, qui s’incruste dans la peau avant d’irriguer l’âme dans son intégralité. L’album est certes sorti fin 2022, mais appartient définitivement au patrimoine musical, c’est clairement le genre de disque qu’on garde pour soi comme un secret. Et puis, on se dit qu’il faut le partager. Telle est l’intention de Frank Rabeyrolles dans sa plus noble expression.
Si demain nous menace, les souffles que diffuse Frank nous délivrent, ils sont des appels d’air que Raining Sand sublime avec une telle beauté que l’on se surprend à rejouer plusieurs fois cette chanson fluide et cristalline, c’est aussi l’univers intimiste d’un artiste dont l’introspection est formulée comme une vérité. Fear of Happiness a tout de la ballade réconfortante, un soleil soudain qui jaillit d’un horizon brumeux.
Une suspension momentanée du réel.
Cet aspect onirique ne s’estompe pas, c’est un tableau sur lequel Frank grave chaque mot « I wish » puissamment évocateur ( i wish to disappear, i wish you could be here…I see you shining in my dreams). Réussir à faire coexister mélancolie et beauté est un art subtil, écrire de telles compositions sans artifices, sans complaintes théâtrales, c’est distiller la matière pour en préserver l’essentiel, oui ici tout est purifié dans une lumière immaculée. On a envie de prendre le large, et ça tombe bien.
Les parties de batterie et de basse se greffent sur le chant, marqueurs d’un univers personnel, la guitare électrique s’invite, avec ces choeurs, ces parties pop, qui approfondissent les multiples facettes musicales d’un disque où l’ascension se fait par palier, vers des sommets vertigineux, on se détache lentement de ce qui est futile. A travers le regard de Frank et de ses musiciens, c’est un tout autre monde qui se matérialise, où l’on ressent l’incommensurable envie de se rapprocher, lieux cachés, mondes éphémères, tout en s’éloignant de la folie des villes tentaculaires.
Il y a quelque chose d’intact, de préservé dans des titres comme Even Space ou Question of time. Nous voilà échoué sur une île. La cartographie dans laquelle Frank nous pousse, est celle d’un paradis mélancolique, presque inaccessible, mais à portée de mains. C’est l’album compagnon de nos solitudes. Le disque restera dans le temps jusqu’au bout de la route, jusqu’aux limites des océans.
Preuve est que de ces ingrédients artisanaux comme me l’écrivait Frank, ce long format révèle les talents d’un artiste au potentiel énorme. L’album est sorti en cassette, ce qui lui confère cette particularité de rareté. Alors, si vous êtes passé à côté, vous le trouverez chez Ground Zero Montpellier. Une production soutenue par le Vinyl Truck !
https://levinyltruck.bandcamp.com/album/franck-rabeyrolles-boat-songs
Franck irle
Elevé dès mon enfance aux vinyles, initié au piano et à la guitare, première révélation avec les Beatles à l’âge de 8 ans issue de la discographie de ma mère. Autre révélation avec Jack Kerouac, et la beat generation durant mon adolescence. Je me suis décidé à écrire des chroniques sur un blog dédié à la musique Francophone souterraine ( Jean Le Fennec, Wertheimer, Alain Kan…) et depuis ? Je dévore les disques au quotidien, participe avec WhatTheFest en tant que bénévole pour des concerts sur Montpellier ( Lingua Ignota, Anna Von Hausswolff). Ci-joint une photo polaroid un peu floue ! Je compose aussi et travaille sur un projet solo, Zero Circle : https://zerocircle.bandcamp.com/
Lire une autre chronique de Franck ici
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