BASTON, La martyre (disponible chez Howlin Banana records)
Baston, Ça cogne.
Dire de Baston que ça tabasse, ça paraît presque un euphémisme vu le nom du groupe. Pourtant, la réalité est bien là puisque, avec son nouvel et deuxième albumm La martyre sorti il y a peu, le groupe nous laisse sans souffle au terme des 8 titres qui compose le LP. Pour rappel, Baston avait déjà sorti un premier album fin 2019, nommé Primates, qu’il aura mis 6 ans à préparer. Fort heureusement, pour ce deuxième opus, il leur a fallu moins de temps, mais pas moins de talent, pour nous rétamer direct.
Dès les premiers accords de Flash, nous plongeons dans un bain post punk plus vrai que nature, possédant, contrairement à bien d’autres groupes du genre, un éclat lumineux particulièrement intense. Celui-ci répond au nom de passion, qui semble irradier de chaque titre. Elle rend chaque morceau totalement lié au précédent, mais surtout toujours gorgé d’une intensité qui lui est propre. Le groupe finistérien tape donc d’emblée un grand coup qui fait que non seulement nous accrochons de façon totalement volontaire à son album(mais aussi contre toute attente, les groupes post punk étant légion, à croire que l’époque est trouble), mais qu’en nous y restons scotchés jusqu’à la fin (et même après celle-ci tant les mélodies restent imprégnées en nous).
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Pures eighties !
Les codes du genre sont respectés à la lettre, notamment ces sonorités totalement synthétiques, quand bien même les instruments analogiques donnent de la voix. Lignes de basse ultra présentes, ultra dansantes, guitares instinctives, batterie métronomique, basique, efficace à 100 %, voix légèrement trafiquée à l’occasion, juste ce qu’il faut pour ne jamais la déshumaniser, Baston joue l’orfèvrerie respectueuse, mais avec cette dimension supplémentaire qui rend sa personnalité unique, fière, indomptable.
Cette dimension, c’est celle totalement année 2020, à savoir proche de l’électro (parfois proche du clubbing), avec des ritournelles qui s’étirent à l’infini, qui tournent et retournent jusqu’à l’obsession pour nous marteler un thème qui finit par devenir simplement évident, comme étant une partie de nous-même. Un titre comme Capri en est un parfait exemple. Mais là où Baston se dégage du bourbier fangeux des copieurs, c’est qu’il ose sans cesse une évolution dans ses titres, apportant toujours l’élément différent et incisif qui fera la différence. Sur le même Capri, c’est l’apparition d’une guitare crépusculaire qui viendra apporter le contrepoint organique (et orgasmique).
Triste période sombre.
On l’aura bien compris avec cette vague post punk qui ne cesse d’affluer de partout, la tendance n’est guère à l’optimisme. Moral en berne depuis une crise sanitaire et une guerre aux portes de chez nous, crise financière, où est l’interrupteur pour rallumer, un peu, la lumière ? Avec un côté assez dark, sans virer gothic, Baston exprime via sa musique un malaise qu’il devient urgent de résoudre. Ainsi, il intègre dans ces compositions une très légère pointe d’espoir, qui s’exprime par un côté vaguement épique. Celui-ci arrive bien souvent après un moment plombé, et est porté par cette basse impeccable et ces voix distantes mais jamais absentes.
L’alchimie entre les deux fonctionne à plein régime, comme si l’une motivait l’autre, et inversement, pour permettre à La martyre de rester droit dans ses bottes. Les quelques mélodies plus « joyeuses », toutes proportions gardées, vont dans ce sens. À la fin de l’album, nous nous trouvons dans un étrange état de presque allégresse, relativement complexe à expliquer. Parce qu’en sonnant la charge d’une réalité que nous refusons le plus souvent de voir, Baston nous place face à notre passivité. Comme un électrochoc, La martyre nous réveille d’un bon coup de pied au cul.
Atmosphères, et impressions.
C’est souvent à l’orée de la nuit, en bord d’un chemin dangereux que l’on prend conscience du danger qui rôde. La musique de Baston nous éveille à cela. Les paroles sont parfois désabusées, nous évoquent une nostalgie pas si lointaine où l’insouciance guettait. Comme si, aujourd’hui, tout nous paraissait impossible ou insurmontable, voire joué d’avance, sans pour autant que nous ayons tenté la moindre action pour y remédier. Le groupe, lui, ne baisse pas les bras, se montre héroïque, surtout en début d’album, avant qu’un sentiment ténébreux ne l’envahisse petit à petit.
Mais, diablement efficace, le disque ne nous laisse pas sombrer dans un apitoiement, ou un repli sur nous-même. Au contraire, prêchant le faux pour faire ressurgir le vrai, il nous dit simplement « ne baisse pas les bras ». Conseil que nous prenons au pied de la lettre, pour continuer à affronter le présent.
LE titre de La martyre.
Le premier titre est dans la pure lignée d’un groupe comme Squid. Très anglais dans l’âme, la musique y déploie sa force attractive comme pour mieux nous inviter à rester là, au chaud, tout à côté d’elle. Ainsi Flash est une excellente entame de disque, parmi les meilleures entendues cette année. Pourtant, nous lui préférons Neptune comme titre de l’album. Sans doute parce qu’il est très différent des autres.
Avec ces collages de conversations, en mode « interview, reposant sur une musique obsédante, à la basse hypnotique et tripante, aux éclairs de claviers qui posent des nappes ressemblant à des avions qui décollent, le titre pointe une triste réalité. Désabusée disions-nous plus haut, et le terme n’est pas usurpé. Seul titre avec du français dedans, il est une réussite du genre, au thème qui reste longtemps en tête, comme pour mieux nous faire ouvrir les yeux, et voir un peu plus loin que le bout de notre nez.
Il nous paraît aussi être le titre le plus symptomatique d’une jeunesse en perte de repères, une jeunesse qui ne croit plus en rien. Un constat qui n’a pas évolué depuis bien trop longtemps…