EP vrac 1 : de Courcheval à Sisterhood project
On vous parle, dans cette sélection, de différents disques parus et qui ont titillé notre curiosité. Parmi eux, Courcheval, A movement of return, Calcou, Donkey Kid et Sisterhood project. Cet EP vrac 1 ouvre sur des Eps ou mini-albums aux propos artistiques forts, qu’il ne faut surtout pas manquer.
Courcheval, Gymkhana (Upton Park)
Nous avions flashé sur son titre Danse Courcheval danse (voir dans notre sélection 22-10) et nous nous penchons à présent sur son 4 titres qui révèle bien des surprises. Parmi les premières, la qualité des textes. Mais à vrai dire, le single nous avait déjà convaincu du talent d’écriture de Courcheval (Guillaume Cantillon de son vrai nom). En effet, il raconte des mini histoires relativement assez vagues pour que nous les prenions en chemin et assez précises pour nous maintenir captifs. Le choix des mots est judicieux, personnel, appuie parfois sur des répétitions comme pour nous marteler un propos qui pourrait nous leurrer sur le sens profondément caché derrière.
Musicalement, c’est pop, mais très nuancé notamment par un superbe jeu sur les rythmiques. Le groove impeccable, très sensuel, de Labeur lorgne presque un funk décontracté, mais est plus orienté, d’une certaine manière, caribéen sur Mystère. Dans les deux cas, le fond sonore est relativement dépouillé, reposant sur une ligne de basse ultra présente et quelques apports d’harmonica par exemple, ou d’instruments plus indéfinissables donnant parfois l’impression d’instruments jouets (plus probablement du xylophone). Idem sur La Drague, qui donne quasiment l’impression d’un morceau électro-rock (grâce à quelques notes bien senties de guitare).
Le mélange douceur de la voix et relative rugosité musicale donne un mélange détonant, diablement addictif, très personnel et original. On adhère à 100 % à cette esthétique assez minimaliste, faite d’ajouts et de retraits d’instruments, tout en gardant un aspect pop, voire parfois chanson française (mais sans ce côté réaliste parfois, ou souvent, très chiant), attrayant, mystérieux. Une très belle découverte.
A Movement OF RETURN, Safe harbor Part two : Darkness (Les disques normal)
L’EP porte le nom de Darkness, et il ne l’usurpe pas car dès ses premières notes, fortement teintées de post punk/cold wave, nous sommes embarqués dans un univers dont la lumière de l’espoir semble absente. Pourtant, tout n’est pas si simple et les apparences sont grandement trompeuses. Si les sonorités sont plutôt froides, synthétiques, laissant sur le titre d’ouverture 54.Lacan une grosse part de la fête à l’électro (une constante sur l’EP), la voix possède encore ce relief propre à ceux qui ne veulent pas baisser les bras.
Par moments, elle nous évoque un peu, beaucoup, David Bowie. Cela ne joue pas en sa défaveur, évidemment, mais la réduire à cette comparaison serait une erreur tant sa personnalité s’impose au fur et à mesure des écoutes. Elle colle à la musique, à moins que ce ne soit cette dernière qui lui colle à la peau. Dans les deux cas, malgré la teneur noire de l’ambiance, un feu sacré en émane, contrebalançant son côté oppressant.
Nous sentons une sincérité évidente émerger de ce second opus qui, avec sa part lumineuse nommée Lightness (déjà sous la forme d’un EP), forme Safe Harbor, le troisième album du groupe. Cette sincérité est la résultante d’une introspection dévoilée au cours de cet EP, exploration intérieure peuplée d’images et de fantasmes. Musicalement, les teintes sont mineures, mais le caractère abrasif des guitares permet à un sentiment épique de nous envahir. En contrepartie, les rythmiques nous propulsent dans une course vers la lumière du jour, comme une fuite de nos mauvais penchants vers un exutoire utopique.
CALCOU, Places (MFRD-C )
L’électro de Calcou est de celle qui d’une écoute distraire devient plongée vertigineuse dans un univers dont on ne soupçonnait pas la beauté. Derrière des rythmiques qui invitent gentiment à la danse s’ouvre un univers en panoramique. Les images défilent, souvent porteuse d’une idée de douceur, de paysages vierges, de jeux d’enfants. La notion de nostalgie est présente, mais celle des rires innocents, des batailles de boule de neige, qui nous rappelle que la vie n’est pas que laideur et conflits.
Un souffle chaud se dégage de l’ensemble du disque, comme une profonde inspiration qui mettrait dans nos poumons la globalité du monde qui nous entoure, nous éveillant à sa beauté, à sa force, et nous rappelant surtout à quel point nous devons retrouver un peu d’humilité. Sensuelle mais surtout sensible, sa musique, osant l’ajout de quelques instruments acoustique, se révèle loin d’une pop aseptisée. Il suffit juste de tendre l’oreille et se laisser glisser dans ce torrent de notes salvatrices.
En 7 titres, Places nous transporte dans un pays de merveilles loin de toute mièvrerie, mais toujours espiègle et malin. Ce bain de jouvence nous permet aussi de pointer du doigt cet élément primordial qui est, pour ceux qui en douteraient encore, que la musique électronique ne cesse de proposer des univers forts et personnels, à mille lieues du simple déballage de beats endiablés. Une découverte qui fait un grand bien !
DONKEY KID, Distant shout (Euphorie)
Attention, talent ! Alors qu’il œuvre dans un style évoluant entre post punk et pop, l’allemand Donkey kid pourrait bien mettre tout le monde d’accord par l’évidence mélodique qu’il dégage sur son EP 5 titres, Distant shout qui sort ce jour. Âgé de 19 ans seulement, il impose une maturité artistique bluffante, avec ce petit grain de folie nécessaire qui évite de faire du réchauffé. Surprenante, tant dans ses structures que dans le choix des sonorités, sa musique met tout de suite le feu à la poudre.
Non seulement il est capable de nous faire danser avec le groove imparable qu’il instaure dans ses morceaux, mais il ose l’intelligence à l’heure où d’autres se contentent de singer le voisin. Si tout semble déjà avoir été dit, Donkey Kid décide de ne pas se taire et de proposer sa vision personnelle de la musique. Et il le fait sacrément bien ! Le plaisir est instantané, immense, et ne cesse de se régénérer à l’écoute du disque !
Et puis, il suffit de voir son clip ci-dessous pour s’en rendre compte, il a le truc quoi. Tout simplement. Il est taillé dans l’étoffe des grands, ni plus ni moins.
SISTERHOOD PROJECT, Garden of delight (Beautiful accident)
Ce mini-album a failli passer complètement hors de nos radars. Sa pochette (pas l’officielle, celle du cd promo) nous donnant l’impression d’une énième resucée rock psychédélique. Pourtant, la musique du duo composé de Marie de Lerena et de Dorothée « Doo » Rascle, si elle possède un soupçon de psychédélisme s’inscrit plus dans une musique entre new wave, world music, et chant guerrier et conscient (se posant sur certains passages proches de la dark wave). On détaille un peu. Le côté new wave intervient par certaines ambiances éthérées, comme sur Lakeside town et ses effets typés. Le côté world music surgit au détour d’un chant parfois en espagnol, parfois par des sonorités évoquant un orient fantasmé. Enfin, le côté guerrier ressort par un chant puissant, pas forcément violent, mais dont on sent qu’il porte des paroles qui font sens.
Ce mini-album est simplement électrisant. Il joue en partie le contre-pied en nous cueillant par des aspects hip-hop avant de retourner à quelque chose de plus pop, parfois au sein d’un même titre. En résulte une présence qui s’impose à la fois avec panache et une certaine humilité, comme une mise en avant qui se ferait presque sur la pointe des pieds. Les mélodies sont vite addictives, dévoilent, au fur et à mesure des écoutes, des éléments cachés qui prennent petit à petit tout leur sens. Tout cela est étudié avec finesse, posé sur disque avec une légèreté pleine de tact. Elle se ressent notamment au travers des différents arrangements qui, bien que se rapprochant d’une certaine idée de pop urbaine s’en détache grandement par un chant chargé en émotions et un usage modéré (et éclairé), de l’autothune.
Sensible, ce disque nous propulse auprès de ses autrices. Comme si elles voulaient nous faire prendre conscience de leur pouvoir de femme, comme si elles refusaient d’être juste des pions sur un échiquier. Pas de racolage, mais une force, terrienne, qui progressivement fait tomber nos défenses. Et nous finissons terrassés par la maîtrise artistique de ce disque comportant 8 titres, dont le fascinant Boob Traps (entre autres).