SIR GREGGO, premier album explosif
Déjouer les pronostics.
Une courte, très courte intro annonce la couleur. Elle aura un grain particulier, rétro, psyché, mais pas que. En mêlant rock énervé, tendance punk ou hard rock psyché, avec des passages plus hip-hop, fondamentalement garage dans l’âme, Sir Greggo sonne comme personne d’autre. Le premier album du groupe breton est une pure déflagration comme ne renieraient pas des groupes comme Komodor ou Moundrag.
I won’t donne le ton. La présence est démoniaque et nous rappelle le meilleur de King Gizzard and the lizard wizard, en un peu plus énervé. Flûte traversière enfiévrée, spoken word hip-hop rappelant pourquoi pas un certain Anthony Kiedis, le titre déploie déjà une énergie dangereusement contagieuse, aidé en cela par une mélodie entêtante. Rien pourtant ne nous facilite la tâche, tant les ruptures rythmiques conduisent le morceau à l’orée d’un math rock à la fois cérébral et instantané.
Build the wall confirme la donne, avec ses choeurs collégiaux et la même folie destructrice. On sent une poigne de fer dans un gant de velours, un esprit incorruptible, une envie de proposer une musique ne ressemblant à aucune autre, une musique qui en impose sans ostentation, une musique qui permet à l’esprit de s’évader du corps pour accomplir sa destinée propre.
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Et ça continu.
Psychotic health poursuit le voyage sensoriel. Reposant sur une base musicale évoquant la perse antique, le pays des mille et une nuits, avec une ligne de chant tout de suite addictive, le groupe joue une relative accalmie. Bien sûr, elle nous fait mentir, cette accalmie, le jeu de batterie restant sur un fil ténu entre un rythme global plutôt indolent et un jeu sur les fûts trépidant. Le contraste est saisissant, nous conduit au bord d’une crise d’épilepsie psychédélique. Les images naissent d’elles-mêmes, éveillent les fantasmes d’ailleurs tout en restant très occidentales au fond.
Car ce disque est une sorte de rêve éveillé, entre une musique planante, censée ouvrir les portes de la perception et un heavy psych rock qui nous colle le cul au bitume. Ce n’est pas Golden prison, qui confirme que le groupe est aussi capable de moments apaisés, qui démontrera le contraire. Il démontre en revanche que l’art de la mélodie qui fait mouche, les Sir Greggo le possède corps et âme. Les chœurs sont magnifiques, colorés, et le morceau dégage un côté épique plutôt inattendu.
Le moins que nous puissions dire, c’est que le groupe nous emmène toujours là où ne nous y attendons pas. Art de la mélodie, plus art de la surprise, Sir Greggo tient-il là la formule magique pour un album réussit ? Sans aucun doute.
Un son aux petits oignons.
Le son, sur tout ce début d’album est aux petits oignons. Possédant un léger grain rétro, il fait des étincelles, sonnant vintage et analogique jusqu’au bout des médiators. Les distorsions et fuzz sont magnifiques, le travail sur les voix aussi. Ces dernières sont légèrement trafiquées sur les moments clés, par une distorsion et un effet chambre d’écho pas dégueulasse non plus. La flûte apporte sa couleur unique, sans jamais sombrer dans le kitsch. Forcément un groupe comme Jethro Tull viendra s’immiscer dans les références, mais on ne pense pourtant pas qu’elle soit plus prédominante que cela.
Bleeding lust poursuit l’aventure sonore de ce premier album, cette fois-ci main de velours dans un gant de fer. Le couplet nous évoque presque un groupe comme MGMT avec son côté collectif (sur le chant), son aspect festif, avant que les déflagrations sonores viennent bousculer la chose sur un refrain instrumental totalement abrasif et d’une « violence » indomptée. Le groupe aime le grand écart, le contraste, les antagonismes et parvient à les marier en un tout cohérent dont le charme est indéniable.
Une fin plus planante.
Dream blow est peut-être le morceau le plus « faible » de l’album mélodiquement parlant. Il reste par contre efficace dans ses aspects abrasifs et son dynamisme explosif. Il se rapproche presque du post punk, notamment par son chant véhément, acéré. Répétitif et aliénant, il nous conduit d’une certaine manière au seuil d’une folie sans nom. Sensation de léger malaise, de sentiment de claustrophobie à l’écoute du titre, et ce n’est pas les quelques notes de flûte qui viendront contredire cette idée de spirale descendante introspective.
S’il n’est pas le plus facilement mémorisable, il est en revanche celui qui provoque les sensations les plus pures, même si cette pureté est pervertie par les affres d’une psyché dérangée. Pour les deux derniers morceaux de l’opus, à savoir Samsara et Sweet tired, Sir Greggo nous propose des ambiances plus aériennes, planantes. Les titres prennent le temps de poser les choses, également de manière répétitive, mais plus progressive. Samsara est notamment un trip purement psychédélique aux allures de messe noire, comme une invocation à un quelconque démon (même si le terme samsara, dans l’hindouisme et le bouddhisme correspond au cycle de la vie, de la mort et de la renaissance).
Sweet tired poursuit plus ou moins sur cette voie et correspondrait à la fin de la progression du morceau précédent, avec une assise moins planante, comme si le « rêveur » redescendait sur terre pour un ultime baroud d’honneur. Seules les voix possèdent encore cet aspect aérien, ainsi que quelques nappes au second plan, tout comme cette fin de titre reposant sur quelques arpèges de guitare et une présence plus appuyée des claviers. La progression crescendo en intensité et en volume sonore de la dernière minute du titre nous laisse essoufflé, mais ravis.
Un album jouissif.
L’album nous aura portés d’un bout à l’autre, sans que jamais la lassitude ne survienne, sans que jamais nous trouvions une faille dans cette musique parfois cosmique, mais toujours fermement orienté vers un groove tellurique parfois poisseux. Rien de tel pour les amateurs de gros sons, comme pour ceux qui aiment la finesse des arrangements et de compositions ambitieuses.
Sir Greggo tape un gros coup avec ce premier album fort, coloré, mélodique, dramatique et simplement jouissif. Un must have dans son genre !
LE titre de l’album.
Pour nous, celui qui nous fait la plus forte impression, c’est Golden prison. Plus long titre du disque, il embarque véritablement l’auditeur dans une odyssée fantastique (dont les relents sociaux semblent pointer ici ou là). Les nappes de clavier lui donnent une ampleur mélodique et fantasy certaine. Le chant + choeur en léger décalage lui donne une rythmique particulière pleine de personnalité. Laissant de belles part à l’instrumental (notamment dans sa partie finale), le titre possède un charme de fou. L’intensité est au rendez-vous après chaque couplet, avant une nouvelle phase de sérénité. Montagnes russes émotionnelles, Golden prison est d’une redoutable efficacité, sans pour autant répondre aux sirènes de la facilité.
On note aussi une mention très bien à Samsara, ainsi qu’au morceau qui nous a fait découvrir le groupe, à savoir Bleeding lust qui nous fait pénétrer dans la folie de Sir Greggo de la plus convaincante des manières.