STÉPHANE GALLAND & (the mystery of) Kem
Stéphane Galland est batteur de jazz et nous propose un disque sous son propre nom, album appelé (the mystery of) Kem. Nous précisons sous son nom car ce batteur navigue sur plusieurs océans, avec d’autres groupes (notamment Aka Moon que nous connaissions grâce à leur collaboration avec le DJ grazzopa’s DJ Bigband) et artistes (dont Maalouf que nous retrouvons en guest sur un titre), dans une ouverture totale quant à l’orientation que peut prendre le jazz dans la musique populaire d’aujourd’hui.
Stéphane Galland nous offre ici un album d’une puissance rare. Rare parce que son disque est une exploration du monde de la rythmique, ce qui ouvre des perspectives free par toujours évidentes à assimiler quand nous ne sommes pas (c’est notre cas) des pointures en matière de jazz.
Il l’explique lui-même dans le livret (sublime, qui explique tout quant à la signification du terme Kem, de sa symbolique, de l’esprit qu’il dégage pour Stéphane Galland…) du CD : « Kem fait référence aux aspects primordiaux de la nature, dont le rythme (le temps) fait partie. Dans ma recherche personnelle, c’est cet aspect, primordial, fondamental du rythme que j’ai voulu explorer, en revisitant les bases sur lesquelles nos sensations rythmiques se sont installées. »
Dont acte. Nous vous passons les aspects techniques quant à ses fameuses bases rythmiques (quintolets, triolets, 6/8, 12/8) pour ne retenir que cela : à l’écoute du disque, c’est la surprise qui prédomine car nous sommes totalement dépaysés, bousculés dans nos repères conventionnels.
Ici, la batterie n’est pas qu’un simple instrument, c’est une pulsation animale, terrestre (pour ne pas dire gravitationnelle). C’est la terre, la mer, l’univers. Cela semble peut-être grandiloquent mais ce disque est tellurique, emporte la raison sur la foi de quelque chose de plus ancré au fond de nous, un élément qui remonterait à la surface après des milliers d’années passées enfoui en nous.
Ce côté effectivement primordial du rythme est appuyé également par le choix des autres instrumentistes que nous retrouvons sur (the mystery of) Kem. Nous y retrouvons une basse (Federico Stocchi), un saxophone ténor (Sylvain Debaisieux), du piano (Bram de Looze) et Ibrahim Maalouf (trompette bien entendu) et un second guest sur 7 titres, Ravi Kulur (Carnatic flutes).
Si le côté tellurique est assuré par la basse et la batterie, les cuivres/vents apportent le côté aérien, celui des éléments naturels. Nous pouvons y inclure celui des mers tant le souffle donne cette impression de ressac d’un océan léchant les plages d’un littoral.
L’ensemble est cohérent, solide, magistral également. Le groupe nous cueille à froid, nous fait sursauter aux premières frappes des baguettes sur les peaux, puis ne relâche jamais cette tension. Les moments d’accalmie sont peut-être les plus propices à révéler toute cette richesse rythmique dont Stéphane Galland reste le maître d’orchestre et architecte, les plus rythmiques se contentant de nous propulser dans une forme de transe inconsciente, viscérale.
(The mystery of) Kem s’écoute sans a priori, car sinon, nous pouvons sombrer dans l’incompréhension et passer totalement à côté de son incroyable énergie. Tout n’y est que découverte, expérimentations, sensations nouvelles. Il ne faut donc pas refuser ce plaisir de laisser tomber nos barrières et se laisser emporter au gré des facéties rythmiques de Stéphane Galland.