GWENAËLLE ABOLIVIER, Marche en plein ciel.
Nouveau roman/récit paru aux éditions Le mot et le reste.
Marcher, c’est quoi marcher ? La marche, cette activité quotidienne, banale, possède des vertus, des pouvoirs dès lors qu’elle est pratiquée en pleine conscience. C’est-à-dire que nous marchons tous, chaque jour, mais pas forcément en ayant en tête l’idée que, précisément, nous le faisons. À l’heure où la société nous ronge de partout (temps, espace, physiquement et moralement), Gwenaëlle Abolivier, déjà responsable du très beau Tu m’avais dit Ouessant (déjà chez Le mot et le reste), a décidé de couper avec la frénésie du monde qui l’entoure. Marche en plein ciel est le récit de cette expérience.
En quoi consiste-t-elle, cette expérience ? Partir sur les routes des Cévennes, avec pour tout bagage de quoi s’alimenter et un sac à dos. Le but ? Couper avec l’omniprésence de l’information, couper avec les rythmes infernaux faits d’injonctions, de charge mentale, couper avec le bruit, le tout pour retrouver un peu de quiétude, de sérénité, et puis aussi pour calquer ses pas dans ceux de Robert Louis Stevenson. En effet, le célèbre auteur écossais (L’étrange cas du docteur Jekyll et de Mr Hyde, L’île au trésor) avait, en son temps effectué un périple similaire, sur ces mêmes sentiers, pour s’émanciper de sa famille et de sa propre condition sociale.
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Seule sous le toit du ciel.
Cette expérience est pour l’autrice une reconnexion à la nature. Marcher déclenche tant de mécanismes chez elle que nous ne citerons que les plus évidents : lâcher prise, introspection, découverte du monde vivant qui l’entoure où qu’elle se trouve, émulateur d’inspiration… À chaque pas, les mots naissent dans la tête de l’autrice/journaliste/poétesse, lui apportent le sentiment d’être dans le vrai de sa démarche, d’être totalement en phase avec elle-même.
Si la marche possède également d’autres forces symboliques (la marche contestataire, la marche blanche en étant deux), elle est ici hissée au rang de philosophie. Nous n’allons absolument pas contredire l’autrice sur ce fait, ni sur ses observations/constatations de cette région du monde qui nous apparaît très « exotique » pour le coup.
Si Gwenaëlle Abolivier avait décidé de faire le trajet seule, il se trouve que son parcours est constitué de rencontres, dont celle avec Marvejols qui, accompagné de son âne, fera un bout de chemin avec elle. Leur relation, pleine de compréhension et de respect mutuel, nous décrit un monde en dehors du monde, une sincérité humaine désarmante. Nous y retrouvons également également un véritable vivier d’informations sur R.L Stevenson dont la biographie est esquissée lors des échanges entre les deux marcheurs.
Poésie foudroyante.
Avec ce petit livre (par son nombre de pages), nous renouons avec la plume poétique de Gwenaëlle Abolivier. Elle émane de l’observation de ce qui l’entoure, combinée avec la force des émotions qui l’habite. À la fois très concrète et précise, elle met à jour des sentiments/émotions décrites elles aussi avec une vérité première, nue. Ces descriptions s’avèrent précieuses car elles sont parfaitement justes, compréhensibles, universelles aussi. Nous nous y retrouvons totalement parce que jamais elles ne sont évoquées « à blanc ». Elles reposent toujours sur une surprise du vécu, de l’instant, et cela touche sa cible avec grâce.
Marche en plein ciel (titre évocateur du sentiment de légèreté provoqué par la marche assidue et répétitive) nous plonge avec délice dans cette pérégrination presque mystique. Comme pour son précédent livre, il mélange récit et caractère romanesque (par l’utilisation de la poésie) et nous donne une seule envie : chausser de bonnes chaussures et emprunter un chemin qui nous conduira juste ailleurs, mais toujours au plus près de qui nous sommes au fond de nous. Et son humanité, son regard posé sur le monde, sans être moraliste ou autre, en fait un grand livre. Magnifique.
Podcast (émission diffusée le lundi 03 janvier sur Radio-activ.com)
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