BROKEN WALTZ, …and disasters (réveiller les morts)
Nouvel album déjà disponible chez Beast Records.
La suite était attendue, annoncée, elle est d’ores et déjà dans les bacs. …And disasters reprend les choses là où Broken Waltz et A mysterious land of happiness… les avaient laissées, à savoir quelque part au fond d’un marécage sur lequel flottait comme un parfum de magie noire, de vaudoue, et de rites pas très catholiques.
La formule est la même, mais la couleur diffère. Là où la joie, ou du moins une certaine forme de joie, régnait, c’est désormais la dévastation qui squatte la place. Déjà traduite par les teintes des pochettes (blanche et colorée de rose, de vert pour A mysterious land of happiness…, on passe au fond noir et aux teintes plus sanguines sur …and disasters), les couleurs évoluent aussi musicalement.
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La voix, pièce maîtresse.
Déjà marquée sur le premier volet de ce diptyque, elle acquiert ici des aspects plus sinistres encore. Rauque, provenant de cet endroit qui ne voit jamais la lumière du jour (le ventre, l’antre de la bête), elle se fait à la fois menaçante et rassurante. Quand elle n’est pas habillée de cette distorsion qui la rend étrangement caverneuse, elle peut se faire séduisante. Souvent murmurée, elle pourrait être comparée au ronron d’un gros matou (genre lion ou tigre), c’est-à-dire jolie a entendre mais dangereuse en diable.
D’ailleurs, il ne doit pas être bien loin celui-là (le diable). À fomenter des coups pas possibles, des pactes sordides. Jamais clairement visible, mais jamais totalement invisible, il confère à la musique du groupe une aura inquiétante, plus que troublante, à la frontière du dérangeant. Le boogie vaudou de Broken Waltz dégage dès lors des charmes toxiques, mis en valeur par une esthétique « jour des morts » plus que crédibles.
Inutile de préciser que le rock, blues rock, sauce garage du groupe semble en prise directe avec les bas-fonds de la Louisiane, terre où les sortilèges règnent en maîtres. Les incantations de Clément Palant, sur des intermèdes simplement parlés, ressemblent à des prières émanant de messes noires auxquelles il est vain de préciser que personne n’aimerait véritablement assister.
Le tourbillon des instruments.
La tension est évidente. Elle habille presque tous les titres de ce deuxième volet et est mise en exergue par des motifs répétitifs, presque au bord de l’abstraction. Mais quand les instruments se déchaînent, leur dimension atteint un volume rarement atteint, un volume poisseux, lourd comme un orage sur le point de crever le ciel, libérant ses démons sur la surface de la Terre.
La basse de Xavier Solabail maintient le soleil au niveau du sol, le sax de P.A Rault symbolise lui le souffle de la tempête qui dévaste tout, emporte tout dans sa spirale habitée. Les claviers de Joaquim Blanchet (Fauxx), ne sont pas en reste. Si la lumière qui émane d’eux éclaire certaines compositions, c’est par le truchement de l’éclair. C’est le déluge qui sévit, ciel qui nous tombe sur la tête, ou dans les intestins.
Pourtant, toute cette tension n’éclate jamais véritablement, ou par à-coups. Elle reste maintenue dans des compositions denses (mais fines dans leurs arrangements, dans l’imaginaire qu’elles déclenchent), oubliant la formule complet refrain pour se poser de tout leur long, imposer leur magnétisme, leur folie intrinsèque.
Au revoir la joie.
Ainsi, …and disasters enterre son jumeau, le relègue aux jours heureux et insouciants désormais devenus histoire ancienne. C’est l’heure des ténèbres, de la désespérance, des âmes en peine ou perdues. Il est symbole de l’existence, de ces bons aspects comme des ses mauvais. Cette pièce à deux faces symbolise également l’être humain, ses qualités, ses défauts, son humanité mais aussi ses démons intérieurs.
Seul, …and disasters marque l’apparition de tout ce qui est « mauvais ». Techniquement irréprochable, il n’empêche pourtant pas les ténèbres de s’infiltrer partout dans notre être. Fort heureusement, il est le deuxième volet qui donne aussi du relief à son prédécesseur. Ensemble, ils nous donnent à voir une œuvre fortement cohérente, marquant de son sceau une époque des plus troubles, où l’hystérie collective risque fort de nous mener au seuil du précipice. Tout sauf anecdotique donc.
LE titre de …and disasters.
White gown. Parce que ce morceau, parfaitement placé en milieu d’album, est aussi l’un de ceux sur lesquels tous les instruments sont réunis et dégagent une inertie dingue. Lancé, rien ne peut l’arrêter, ni les expérimentations, ni la faille que nous sentons sous le point de s’ouvrir sous les pieds des instrumentistes. Ce morceau donne l’impression que chacun des instrumentistes aurait pu jouer sa partie seul, de son côté, sans idée de ce que joue le voisin. En résulte un effet assez génial de décalage, pourtant fortement dans le même tempo, dans la même énergie. Et ça marche à plein régime.