AMAMI, Soleil, inventivité inclassable et débridée

amami soleilPremier album déjà disponible chez Bonjo joe records.

S’attaquer à Amami est une entreprise délicate, pour la seule et unique raison que nous ne savons jamais à quelle sauce va nous manger le trio suisse. Ce premier album, après l’EP Giant, ne vient pas corrompre la donne puisque, dès son entame, Amami prend un malin plaisir à brouiller les pistes de sa musique électronique. D’ailleurs, ce qualificatif a-t-il encore lieu d’être ? Eh bien, honnêtement, non, parce que Soleil va bien au-delà des définitions.

L’opus s’ouvre sur Highway Delhi, morceau que nous imaginons illustré de sonorités indiennes. Si tel est effectivement le cas en début de morceau, notamment par le choix de cette rythmique légèrement chaloupée et cette ligne de chant ondulante (chanté dans une langue que nous ne savons définir, soit indienne, soit arabe), le morceau nous démontre qu’Amami se refuse à l’idée de nous livrer tout cuit ce que nous attendons de lui.

L’inconscient collectif nous ramène, c’est indéniable, sur les rives du Gange, ou bien aux abords du taj Mahal. Mais les tessitures électro, elles, nous ramènent plus à la ville de Delhi et à sa fourmilière humaine. Pourtant, outre cet aspect « indien », ce même titre nous conduits également aux abords des pays arabes (sur une descente de gamme répétée 5 fois en fin de deuxième couplet) et vers des pays plus occidentaux par la présence d’une guitare électrique, ou d’un clavier donnant l’impression d’une guitare, très américaine dans l’esprit.

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Melting pot d’influences.

Ce titre donne le la de Soleil. Pourtant, il n’en est pas le mètre étalon puisque les titres qui lui succèdent brouillent les pistes en gommant cette notion indienne. Demeure en revanche les ajouts d’une âme africaine et moyenne orientale forte. Celles-ci sont pourtant diluées dans des morceaux qui évoquent les dancefloors plus ou moins underground, avec des rythmiques transes, hypnotiques, une certaine idée du punk (la ligne de chant de Soleil, seul titre avec quelques paroles en français en est une des preuves flagrantes), et tout un imaginaire presque SF.

La science-fiction se présente à nous sous la forme de ces sonorités à la fois rétro et futuristes, traditionnelles et incroyablement modernes. D’ailleurs, pourquoi toujours opposer le traditionnel au moderne alors que les deux se nourrissent et apportent leurs bénéfices communs. Le traditionnel modernisé attirant à lui un public qui y retrouve du sens, le moderne « traditionalisé » gagnant lui en épaisseur et en âme.

Sur un titre comme Atlas, c’est bien des rythmes afro-beat qui s’imposent à nous, mais le tout joué aux synthés cosmiques. Une métronomie tribale (mais numérique) amplifie l’effet. Rehaussé d’onomatopées qui elles n’ont aucune appartenance clairement nommée, ce titre donne un résultat détonant. Les danses trad trouvent un écho à même de relier les continents dans une fête commune, même si, étrangement, l’idée de fête n’est pas forcément l’une des gageures de ce disque que nous sentons finalement grave par moments (sur le titre Dangerous flowers notamment).

Street spirit et hymne de nos campagnes.

Nous avons aussi, sur l’ensemble du disque, cet effet dub qui habite chaque morceau. Si le dub est parfois stéréotypé, il est ici, presque étrangement, très pur, jamais surjoué, jamais appuyé de façon outrancière. Le mélange prend, de façon homogène, cohérente, malgré la très vaste palette d’influences brassée par le trio. Soleil, loin de jouer les clivages, réussit le pari de lier l’esprit urbain et celui plus rural, évoqué par certains des aspects plus traditionnels qu’il propose à travers les lignes de chant, par cette énergie terrienne forte.

Le trio nous déroute, c’est un fait. Mais surtout il nous enchante. Nous voyons, à travers sa musique, des personnalités ouvertes sur un monde en constante mutation, qui fait fi des frontières, à la fois entre les genres musicaux, mais également celles, physiques, qui tiennent les gens à distance les uns des autres.

Tous du même monde.

En réussissant à unir, sur les 8 titres de ce premier album, toutes ses influences, en expérimentant sur ses sonorités électro, Amami gomme tous les clivages entre nationalités et styles musicaux. L’ouverture d’esprit est grande, sans doute parce que les origines des trois musiciens sont très différentes les unes des autres (érythréennes pour Gabriel Ghebrezghi aux rythmiques/percu/boîtes à rythmes, italienne et suisse pour Raphaël Anker qui officie à l’EVI, bulgare et marocaine pour Inès Manzoune qui assure le chant).

Mais nous sentons aussi et surtout une farouche volonté d’exploser les règles édictées ici et là par des gens qui n’en ont pourtant pas les compétences. La liberté folle qui émane de Soleil, celle d’oser inventer un langage qui est propre à Amami, est une pure bouffée d’oxygène. Passé un léger temps d’adaptation (nous ne sommes plus habitués à être libres), une seule sensation demeure, celle d’un plaisir inoxydable.

LE titre de Soleil.

On aurait tendance à citer le morceau titre. Sans doute pour ses aspects punk. Pourtant, nous lui préférons Mystery, peut-être le morceau le plus pop de l’album (et il s’avère aussi le plus long avec ses 6 minutes au compteur). Démarrant sur des nappes aériennes, une rythmique enjouée, nous évoquant la musique malienne, prend place. Le dépaysement est fort, mais dès que la voix prend place, nous sommes cajolés par une douceur pop. En anglais dans le texte, elle nous ramène à quelque chose que nous avons plus l’habitude d’écouter d’ordinaire.

Pourtant, la base électro épileptique contraste avec cette ligne de chant très « dream ». Le paradoxe fonctionne à merveille, nous rappelle un peu, mais de très loin, certaines compositions des Chemical Brothers. Lysergique, le trip fonctionne sans qu’il soit besoin de gober du LSD, et nous partons très loin avec ce titre « spatial ». Il ouvre aussi la voie au dernier morceau de l’album, Fresh, de très bonne facture également, et qui referme cet album sur une touche de « revenez-y » imparable. Résultat, on remet le disque en route. Et nous l’écoutons en boucle, jusqu’à la fin de la nuit (ou du jour, c’est selon).

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