OJOS, Volcans, violente éruption sentimentale
1er EP disponible le 02 juillet.
Nous vous avions parlé très vaguement du duo Ojos dans une brève évoquant la websérie accompagnant chaque single de ce debut EP. Appelé Volcans, son nom traduit à merveille le foisonnement inventif, créatif du duo. Composé d’Adrien et Élodie (par ordre alphabétique), Ojos met un bon coup de pied dans la fourmilière pop en français dans le texte. Comment ? Par une liberté de ton, par une liberté de traitement qui les place directement en haut du papier en matière d’intelligence d’écriture (et donc loin d’une musique balisée et sans âme).
Car ici, l’âme à toute son importance. Elle provient de la péninsule ibérique puisque Élodie, au chant lead, parsème son propos de « slogans » en espagnol. Cela donne un corps et une implication toute particulière aux textes, les renforçant d’une aura un peu mystérieuse, un peu sulfureuse (et d’un dynamisme volcanique). En tout cas, nous qui ne sommes pas fans de cette langue dans la pop music, elle trouve grâce à nos yeux dans le cas présent puisqu’elle colle à la peau d’Ojos.
La musique.
Si le duo s’ébat joyeusement dans une pop fortement rehaussée d’effet électro, ne vous attendez pas à ce qu’il vous caresse dans le sens du poil. Pourquoi ? Simplement parce que la recherche des tessitures sonores est ici un solide pilier de leur musique. Un titre comme Le volcan qui dort voit par exemple des synthés fragiles s’exprimer en totale communion avec la voix, elle-même passée dans un filtre lui donnant une couleur nostalgique du plus bel effet. Si elle transmet également une certaine fragilité, c’est le trémolo des claviers qui pourraient fort bien nous faire monter les larmes aux yeux (mais les paroles n’y sont pas pour rien, nous y reviendrons).
Ce morceau relativement minimaliste n’est qu’un exemple pour décrire la main mise d’Ojos sur les aspects « physiques » de sa musique. Si nous devions décortiquer chaque morceau, nous trouverions à chaque écoute de nouveaux éléments à mettre en lumière. La voix, légèrement en avant des instruments, montre une assurance combative, reposant souvent sur des rythmiques savantes, évitant toute platitude. Les aspects pop les plus traditionnels nous évoquent les Beatles, d’autres groupes comme Abba (si on fait exception de l’espagnol, la dernière partie de Seule (Sola) nous fait effectivement penser au groupe Suédois).
Les textes.
Majoritairement, ils sont en français. Ils évoquent l’amour, les nouveaux codes de ce sentiment dans les années 2020. Si ce thème récurrent ne lasse jamais, c’est peut-être qu’à la lueur d’une langue qui évolue, il prend des formes inédites à chaque génération, même si le sentiment, lui, n’en finit pas d’être le même et de générer les mêmes douleurs/bonheurs. Pour reprendre l’exemple de Le volcan qui dort (oui on aime beaucoup ce titre, le plus bref du 5 titres), nous y entendons une déclaration d’amour d’une pureté absolue. Elle évoque toujours la beauté de ce sentiment, mais avec une énergie toute actuelle, avec une certaine dose de hargne, de violence latente, qui ne demanderait qu’à exploser si un élément faisait en sorte que la « bagarre » commence.
Il y a énormément de pudeur dans ce texte, une véritable mise à nu, que l’on retrouve dans les autres textes également. Mais pas forcément sur le même thème puisque Ojos aborde aussi la question de la position de la femme dans la société d’aujourd’hui. Le changement, par rapport à la génération précédente, étant peut-être qu’après avoir avalé des couleuvres depuis des lustres, la patience de la femme est à bout, et que la colère latente explose petit à petit, fissurant la toute-puissance masculine. Autrement dit, avec la libération de la parole, la femme, aujourd’hui, est audible (même si encore trop peu même si le processus semble bien engagé).
Inventivité.
Dans Volcans, cela se traduit par un côté expansif à la fois dans le vocabulaire mais également dans l’explosivité des parties finales des titres (comme sur Mystère (mysterio) par exemple). Le choix des mots est marteau, qui cogne fort pour faire rentrer les idées. Parce qu’à toujours être poli(e)s, on passe pour des cons. Alors, quitte à s’exprimer, autant le faire de façon fracassante en mêlant fond et forme avec le même brio.
Cet EP est tout sauf un long fleuve tranquille. Les sentiments y sont sous pression, qu’ils soient l’expression d’émotions positives ou négatives. À l’image de la société qui est la nôtre, nous sentons chez Ojos, ainsi que chez certains autres groupes conscients, hélas encore très minoritaires, que nous sommes arrivés à un point de bascule qui pourrait fort bien bouger les lignes. En osant une musique liant avec brio une certaines abrasivité dans le son, une douceur dans ces aspects pop, et en combinant l’ensemble de textes forts porteurs d’idées l’étant tout autant, Volcans nous embrase de l’intérieur.
Nous ne savons pas si le groupe cartonnera ou pas. Nous savons juste qu’il possède un talent qui fait mouche, qui touche au but, avec une acuité maligne sur qui nous sommes. À la fois puissant et doux, Volcans remue et nous amène à nous interroger sur nos propres ressentis, nos propres combats, de façon subtile grâce à une écriture (musicale et littéraire) intelligente. Bref, nous ne pouvions que succomber au talent d’Ojos.
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