Playlist 19, personnalités profondes et musiques extrêmes.
Nouvelle playlist du 07 mai 2021
Ne vous trompez pas quand nous mettons dans le titre le mot extrême pour définir la musique que vous trouverez dans cette playlist 19. Pourquoi ? Parce que quand elle vient du fond de soi-même, quand les artistes musicaux vont à ce point au cœur de la (ou leur) matière créatrice, il en résulte un caractère fondamentalement intime, extrême de pudeur mais également de mise à nu. C’est le cas de tous les musiciens, dont d’ailleurs beaucoup de musiciennes, ce qui n’est pas pour nous déplaire puisque, enfin, elles réussissent à avoir un éclairage à la hauteur de leur apport créatif.
Nous essayons de ne jamais classer les artistes dans une playlist, de dire le premier est notre coup de cœur absolu, mais nous sommes conscients que la première place a malgré tout une place particulière. Il ne fut donc pas aisé de placer un groupe cette semaine. Si nous pouvions les placer horizontalement et non verticalement, tous ces groupes seraient ici sur la première ligne, signe d’une playlist de très haute qualité. On vous laisse désormais en découvrir la teneur.
SOMEONE
Nous commençons cette playlist 19 par une artiste que nous aimons beaucoup par sa proposition artistique multiforme. Souvenez-vous : nous avions succombé à son album Orbit II qui mêlait univers musical et créations graphiques, le tout étant basé sur une pop propice aux rêves et aux évasions spatiales. Elle nous revient en septembre avec un tout nouvel album (on a hâte de le découvrir) dont voici le tout nouveau et premier single Strange world.
Nous retrouvons, dès les premiers accords de guitare, une production de très belle qualité, chaude et aux basses profondes. Des premières impressions folk nous dérivons lentement vers une pop une nouvelle fois pleine de légèreté sur laquelle la voix de la chanteuse, pudique, nous donne l’impression de nous conter des secrets dans le creux de l’oreille. Elle évoque ce « Strange world », ce monde étrange dans lequel nous gravitons et qui , soudainement, peut s’arrêter totalement. Mais loin d’être plombant, ce qui aurait pu être le cas, faute à cette pandémie calamiteuse, le titre dégage une tendresse se tournant vers un optimisme rassérénant.
Cordes, sitar, et orchestrations plus traditionnelles donnent corps à ce morceau aux contours classiques que magnifie la personnalité incroyablement inventive, et solaire, de la musicienne. Elle véhicule, malgré une presque mélancolie, une énergie folle. Le clip, mélange de prestations dansées et d’onirisme surréaliste (les lumières y sont fantastiques) contribuent à une plongée, en apné, dans l’intimité des ressentis de Someone. Et c’est simplement beau. Et pur.
FOAMS
FOAMS n’est pas un groupe qui nous est totalement inconnu. Nous vous avions en effet parlé de ce groupe qui, suite à une inondation survenue dans leur local de répétition a perdu l’ensemble de son matériel. Qu’importe, plutôt que de baisser les armes, le groupe a non seulement acquis un nouveau matériel mais a surtout évolué dans sa proposition artistique, passant du rock des débuts à une électro sombre où le chant est mis en valeur de façon totalement voulue.
Le caractère numérique des instrumentations trouve une contre-mesure organique par le chant de Sophia qui, ici, amplifie le caractère torturé des orchestrations de ses acolytes Paul, Ferdinand, Alexandre et Anatole. Filmé en live, dans l’atelier d’une sculptrice, Roseline Granet , Ghost Town a été écrit alors que la chanteuse se trouvait en Norvège. Face à l’immensité du silence dans ces étendues sauvages, a réalisé la cadence folle de sa vie parisienne et à ce manque de sens qu’il génère.
Les silhouettes sculptées renforcent l’idée d’une solitude emmurée dans une foule sans âme, programmée à accomplir ses tâches métro boulot dodo en oubliant de donner corps à sa vie, à ses rêves. Chose que le groupe se refuse à lui-même car, même quand l’existence se joue de lui, il avance et rebondit. Il sortira son 1er EP Are you satisfied le 13 juin.
DARIA ARKOVA
Encore une femme aux avant-postes sur ce titre. EN effet, Daria Arkova vous propose de découvrir son univers rock/folk/dreampop avec Castles of stones, deuxième single d’un EP qui verra le jour en fin d’année. Sur ce titre débutant au piano, la voix de l’autrice compositrice interprète nous plonge directement dans un univers aux contours s’ouvrant sur un ailleurs entre sentiments intimes dévoilés et universalité des sentiments ressentis face à une société allant toujours plus vite, en perdant de vue le sens premier de la vie.
Comme Someone, les ambiances dévoilées ici nous proposent un voyage sonore envoûtant. La production, osant les apports de cordes, prend le temps d’imposer leur thème et leur progression qui gagnent en corps avec l’apport de la guitare. Cette jeune artiste Alsacienne pose les bases d’un univers sensible qui ne nous laisse pas du tout indifférent. Nous reparlons d’elle à coup sûr lorsque son 1er EP verra le jour.
AKYAL
On vous reparle d’Akyal qui vient juste de sortir un deuxième titre, Clap de fin, hommage des plus appuyés à Fauve dont le groupe reprend ici quelques titres, quelques expressions, et même le nom, dans ses paroles. Dans Clap de fin, il est question de ses sentiments qui nous assaillent lors d’une rencontre qui s’avère fondamentale dans la vie puisqu’elle change profondément les choses, nos manières de penser, de réfléchir et d’appréhender les autres, et surtout soi-même.
Un sentiment onirique survole ici, comme un état d’après rêve, qui nous laisse avec un drôle de goût dans la bouche. Porté par une électro pleine d’espace, Clap de fin ressemble à un grand début, celui de l’âge où enfin nous grandissons. Il est aussi ce moment charnière de l’existence où l’enfance s’efface progressivement pour laisser place à la maturité. Le clip, plus réaliste, ne nous perd pas dans nos ressentis, les magnifie au contraire. Le choix de ne montrer aucun visage revient à les montrer tous et nous rappeler ces êtres qui ont façonné notre identité.
LIONESS SHAPE
Nous terminons cette playlist 19 par un morceau, capé live, 100% féminin puisque le trio Lioness Shape est ici composé de Manon Chevalier, chanteuse, compositrice et ses deux complices, Ophélie Luminati à la batterie et Maya Cros aux claviers et Fender Rhodes. Et autant dire que pour ses nanas là, la musique c’est une affaire de sérieux, de plaisir et de feeling. En effet, si le trio déboule avec du jazz bien senti, les atours trip-hop voire électros s’imposent dans une progression digne des meilleurs groupes (progressifs il va sans dire) du genre.
L’entame est plutôt classique, voix/clavier. Pas de fioriture, une voix qui impose ses couleurs, le clavier se contentant de l’accompagner. Puis la batterie entre en jeu. Et les choses basculent. Déjà, cette entrée en matière se fait pleine de sensualité et de présence et, comme une décharge électrique, cette fougue se transfère aux claviers. La voix se tait et laisse place à un instrumental plein de groove d’inventivité. Les 3 musiciennes prennent a priori beaucoup de plaisir à dérouler leur univers, les sourires sur les visages en témoignent, sans pour autant que ce plaisir ne gâche la virtuosité technique.
Quand Manon Chevalier reprend voix, l’électricité se calme, pour une phase de redescente, comme si l’orage s’était éloigné pour laisser place à une accalmie, qui nous reste en tête très longtemps. Impermanence, le premier album sous cette forme trio, sort aujourd’hui même chez Laborie Jazz, label dont on vous reparle avec le présent album mais également avec celui de Rouge.
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