[ALBUM] EGGY, Bravo ! // s’en foutre royalement.

Bravo !, nouvel album d’Eggy (déjà disponible chez Spoilsport records).

Ils sont australiens. Cette seule information doit déjà vous mettre le cerveau au court-bouillon, non ? Donc Eggy est un groupe australien, qui produit un rock comme nous n’en entendons pas assez, c’est-à-dire ce genre de rock qui envoie tout balader, mais genre vraiment tout. Les compositions en prennent un coup dans l’aile, enfin ps exactement la bienséance des constructions couplet refrain pont. Ici, les structures sont du chewing-gum collé sous la semelle de nos Converse, ce genre de truc collant dégueulasse qui nous fait bien pester, mais qui ne nous empêche pas, quand nous en mastiquons un depuis longtemps, de la jeter sur la voirie là où un autre quidam ne manquera pas de marcher à son tour et de s’écrier : « Ah ban Bravo ! »

Bon, cette introduction risque de vous donner envie de fuir comme la peste cet album, alors que notre envie est toute autre. Nous, on aime Bravo !. Bon, nous l’avouons, il nous faut quelques écoutes prolongées pour nous faire à ce joyeux foutoir de pop, de rock, de punk (dans ce sens ou dans un autre) qui déroute, qui crée aussi de nouvelles connexions dans notre pauvre cerveau atrophié à cause de pommades étalées dans le bon sens du poil. Ici, tout se fait à revers, comme partir d’une mélodie pop d’une limpidité incroyable et d’y balancer soudainement quelques digressions parfaitement hors-sujet qui nous font gravement nous remettre en question. Mais oui, parfaitement ! Pourquoi ils font ça les joyeux drilles d’Eggy ? Peut-être pour nous faire prendre conscience que nous vieillissons et que, ce faisant, nous sommes moins partants pour les expérimentations bien barrées comme il faut.

Vieillir, c’est moche.

Parce qu’il faut bien l’avouer, quand on vieillit, on a tendance à aimer le rock qui ronronne, qui ne désarçonne pas trop violemment. Alors quand un groupe comme Eggy débarque, rangez la faïence car il risque d’y avoir de la casse. Et cette casse, c’est juste celle des codes bien établis. Sous prétexte d’envoyer le jus pour une pop qui passerait bien sur RTL2 (Nooooooooooon!), les trublions balancent un grand coup de doc dans le derche des convenances. Motifs répétitifs, très lègèrement criiiiiiiiiiiiisppants, dissonances multiples giclant comme une sauce tomate réchauffée trop longtemps au micro-onde et qui explose à n’importe quel moment (mais jamais au bon), éclats de rythmes imprévisibles, et puis douceur d’une voix de velours sur une base mélodique l’étant tout autant pour faire avaler la pilule, nous sommes sans cesse embarqués là où nous ne l’espérons pas.

Car c’est le mot d’ordre de Bravo !, surprendre, déjouer les pronostics, maintenir la tension (l’attention aussi) en piégeant l’auditeur se prenant à rêvasser. Ce dernier en effet se réveille d’un coup de sa sieste, en se disant « merde, j’ai dû louper un chapitre là ». Bref, ce merveilleux foutoir a le mérite de nous faire prendre conscience que nous zappons bien trop vite d’un sujet à un autre, consommateur lambda que nous sommes, sans prendre le temps de véritablement écouter la musique qui nous est proposée.

So british.

Les atours pop d’Eggy sont très Britanniques dans la forme. Le savoir-faire pop est indéniable. En fil rouge, il apparaît du début à la fin et est, quoi qu’on en dise, quoi que nous pensions de la pop, absolument génial. Certes, ce n’est pas là où Eggy fera la différence, des groupes en déroulent au kilomètre de la pop anglaise. Néanmoins, la leur est loin d’être médiocre. Notamment parce qu’un petit côté Do it yourself, lo fi qui plus est, l’irrigue brillamment, et fait surtout ressortir un peu du Grand Syd Barrett (The nest, notre titre de l’album en est une preuve irréfutable).

Alors, pour s’extraire d’une masse puante qui ne cesse de s’auto-pomper/alimenter, le groupe joue les contrastes, parfois violents, parfois irritants. Comme pour nous dire « eh oh, vous nous prenez pour qui là ? Pour un de ces énièmes baltringues qui régurgitent la bonne vieille recette à Mémé Albion ? » (plus très perfide il va sans dire). Les sonorités de guitares en viennent à nous gratter les aisselles, les claviers à suivre la ligne de chant, jusqu’à un caractère obsessionnel parfois repoussant (mais forcément, comme nous sommes nous-même un peu détraqués, on en redemande).

Les couacs de guitares rappellent le Bike du premier Pink Floyd, les claviers évoquent une fête d’Halloween qui tournerait mal, passant de la pochade pour ado à un truc un peu plus flippant. La base rythmique est prise d’épilepsie quand nous nous y attendons le moins, ce qui a le don de s’avérer particulièrement saisissant. Et puis, sur un titre comme Simon Says, une rayure sur le vinyle se fait entendre, à part que le vinyle n’est pas du tout rayé, si vous voyez ce qu’on veut dire. Bref, Eggy, c’est du poil à gratter puissance dix. Et c’est tant mieux !

Ben oui !

Forcément, il n’en fallait pas plus pour nous titiller le tympan, pour nous appesantir plus que de raison sur ce disque incroyablement riche, excitant, surprenant, drôle aussi, par certains aspects. La bonne humeur semble habiller tous les titres, avec ce petit truc taquin mesquin qui fait que le disque devient très vite incontournable dans la platine. Parce que, musicalement, il faut être sacrément balaise pour faire coller tout ça sans perdre à la fois en cohérence et en personnalité.

Quelque part, si nous pensons à Barrett, un autre nom nous vient vite au bord des lèvres, celui de Frank Zappa, pour ce même génie à aller là où personne ne va, comme si l’idée même de carrière n’existait pas dans l’esprit de ces jeunes gens. Comme s’ils s’en tapaient royalement de vendre ou pas. Et forcément, ça les rend encore plus attachants et indispensables. Alors on dit quoi à Eggy ? Bravo !

LE titre de Bravo !

Nous vous l’avons dit plus haut, le titre de l’album est pour nous The nest, même si la concurrence est rude (un temps nous préférions Another day in paradise, titre « instrumental » obsédant qui nous évoque un lendemain de cuite… oui une gueule de bois avec bide retourné et kangourou dans la tête). Mais c’est The nest qui revient à chaque fois sur le devant de nos préférences.

Avec ces 4’09, c’est le deuxième plus long titre de l’album (qui en comporte 11, pour 33 minutes). Le combo prend donc le temps de nous placer dans un contexte post punk mélodique, avec ligne de chant pop imparable. Et puis, léger break sur le refrain, avant d’incorporer une sorte de pont noir, psychédélique aussi, dont on attend l’explosion qui ne survient pas, ou pas dans la forme que nous attendions. Ce pont est martelé de façon atone, sans qu’on puisse s’extraire du bourbier qui semble naître sous nos pieds. Et ça repart pour couplet, refrain, re-pont, re-motif répétitif agrémenté de distorsions, de couleurs sauvages,indomptables, de ces couinements de canards asthmatiques… Bref, on adore !

eggy bravo !

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