[EP] CHARLOTTE FEVER, Erotico // Caliente.
Erotico, objet artistique complet.
Il y avait Erotica de Madonna, il y aura, dès le 14 février (jour de la Saint-Valentin, est-il besoin de le rappeler?), Erotico du duo Charlotte Fever. Mais loin de ne sortir qu’un simple EP, Charlotte fever nous propose une exploration totale de l’univers artistique qui gravite autour des 5 titres de l’objet. En objet, ce disque s’accompagne d’un recueil de nouvelles, écrites par l’auteure Lucie Brémeault et d’illustrations par 5 illustratrices (La Fièvre production, Roussel Anna, Wanda Gogusey, Léa Chassagne, Adeline Schöne).
L’idée nous paraît excellente de prime abord. Et quand nous effeuillons le recueil de nouvelles (chacune d’entre elles est inspirée du morceau de l’EP, en est une prolongation, un développement), nous ne pouvons que constater que l’univers du duo possède des charmes multiples. Mais ce que nous apprécions aussi, c’est qu’il laisse d’autres artistes exprimer leurs ressentis, leurs idées, avec leurs mots, leurs sensibilités artistiques. Mais reprenons les choses dans l’ordre.
Erotico, l’EP.
Composé de 5 titres, Erotico nous parle de sensualité, d’amour (le sentiment et l’acte). Sur fond d’électropop, sonnant parfois « tropicale », notamment par ses sonorités de clavier, Alexandre et Cassandra mêlent leur voix pour un résultat suave, envoûtant, sexy. Les deux timbres en effet s’accouplent pour déverrouiller nos sens, créer une entité mouvante, ondulante, surfant sur des mélodies et tempo donnant furieusement envie de danser (ou autres facéties du corps).
Les textes sont explicites, mais ne sombrent ni dans le graveleux, ni dans la provocation de bas étage. Ils sont une expression de l’amour, de l’admiration de deux amants, de la découverte des corps. Le chant des Charlotte Fever apporte lui aussi sa dose de chaleur, en sachant se rendre désirable, parfois boudeur, parfois aguicheur. Porté par une basse groovy sexy, par des rythmiques qui nous prennent au bassin, l’effet « caliente » est réussi. Un petit goût de soufre se dépose sur nos lèvres (et dans notre cerveau, premier organe sexuel, n’est-il pas?) et nous conduit directement au pays des corps alanguis enfiévrés.
Les textes.
Forcément, les allusions pleuvent. « Divine cyprine », « J’ai froid et j’aimerai me coller à toi », « je t’aime, au soleil, toi et moi on est chaud », « aïe, je brûle/ça brûle, d’amour pour toi » autant d’éléments qui nous mettent la puce à l’oreille sur les intentions du groupe. Bien sûr, on est loin du scandale d’un « Je t’aime moi non plus », mais il faut dire que Gainsbourg, s’il avait choqué à l’époque, a pas mal dégagé le terrain. Néanmoins, Charlotte fever se fait suggestif, par ses soupirs, ses lignes de chant , par ce roucoulement émanant des cordes vocales mixtes. Mais les textes y font également pour beaucoup, éveille notre curiosité (pas que notre curiosité d’ailleurs) et attise le parfum de luxure qui règne en ces lignes (et surtout entre celles-ci).
Si une aura presque rétro futuriste se fait ressentir sur les morceaux, nous la retrouvons également dans le livre accompagnant le disque. Rétro futuriste ou érotico-fantastique ? Un peu des deux, mais cela ne rend pas l’ensemble incohérent, ou creux, au contraire. Lucie Brémeault, autrice des 5 nouvelles, semble être en totale harmonie avec le couple. Nous sombrons alors dans un plan à 3 artistique bouillant. Ou un plan à 8 lorsque les illustratrices se mêlent à la fête. Orgiaque il va sans dire.
Nous ne développons pas, volontairement, les aspects textuels de ce recueil. Sachez simplement qu’il y est question de rencontres de deux êtres qui étaient censés se rencontrer, d’une façon ou d’une autre, de sensualité, aérienne, ou liquide, et que tous les textes sont un développement de ceux qui accompagnent les musiques. Parfois sous la forme d’une dialogue, d’autres sous une forme de conte, Lucie Brémeault offre un corps plus vaste aux explorations premières (et musicales, car il convient de préciser qu’écrire des chansons et des nouvelles n’est absolument pas la même chose) de Charlotte fever. ils agissent là où la musique ne le pouvait pas. Au final, musique et texte de nouvelles forment un tout complet. Ou presque. Il manque juste les repères visuels.
Les illustrations.
Fort heureusement, Charlotte fever a de la suite dans les idées. Le duo a fait appel à 5 illustratrices pour mettre en dessin, en collage, en photo ses envies intimes. À l’image de la pochette de l’EP, c’est un esprit Bd, presque pop art qui s’invite dans les illustrations. Colorées, vivantes, elles dispensent de la nudité, de la mythologie, de la poésie. C’est toujours léger, toujours en prise avec les textes, ce qui renforce le lien artistique entre les différentes matières. Textes, musiques, images, l’ensemble dégage une cohérence totale pour un objet artistique complet.
Par les temps qui courent, cette idée nous paraît totalement en phase avec l’époque, et permet une synergie de talents, une collaboration qui permet à tout le monde de continuer à exister, à montrer son travail d’une façon autre que les traditionnels scènes, salons et expositions. Cela nous paraît aujourd’hui être la seule voix viable pour ne pas sombrer dans le marasme ambiant. Et Charlotte fever l’a bien compris et nous réchauffe l’âme et le corps avec cet Erotico qui fait du bien aux sens. À tous les sens (ou presque, mais on ne peut pas leur demander l’impossible non plus).
Revoir Kunigonde