[rencontre] DJ CYRIL THAS, entrepreneur indépendant en crise.
Nous avons rencontré DJ Cyril Thas il y a peu. Cet indépendant dans l’événementiel nous a confié ses craintes pour le métier.
La crise, liée à l’épidémie mondiale de covid, fait des ravages, ce n’est une nouvelle pour personne. Parmi les plus impactés, les professionnels du spectacle, les restaurateurs/gérants de bar, mais également le monde de la nuit en général. À ce propos, nous avons rencontré DJ Cyril Thas et évoqué sa situation et celle d’un milieu en grand danger.
Loin de la bataille de clocher pour tenter de définir si les clubs et autres bars de nuit font partie du monde de la culture, nous dirons simplement ceci : que nous aimions ou pas, David Guetta a oeuvré dans des clubs avant d’être celui que nous connaissons. La question de savoir s’il fait partie de la culture ne se pose même pas. Il exporte non seulement sa musique mais l’image de la France partout dans le monde. Il fait partie intégrante du monde de la culture. Alors quid des lieux où il a pu se produire ?
Passée cette petite considération, et toutes proportions gardées, DJ Cyril Thas est lui aussi DJ, lui aussi passionné de musique et, forcément, mixer derrière ses platines, devant un public, lui manque. Comme tous les artistes et tous les intermittents qui gravitent autour, son monde est en danger. Aujourd’hui, les trésoreries sont à sec après dix mois (sauf si vous vous appelez David Guetta) de fermeture et d’arrêt d’activité forcée. Les clubs sont presque condamnés (certains ont déjà renoncé, d’autres sont sur le point de le faire) et pouvoir renouer avec ce frisson et le partage avec le public semble une hypothèse dont les contours ne sont absolument pas définis à l’heure actuelle. Alors, comment ne pas sombrer ?
Des idées.
Il y a d’abord eu les Dj set sur facebook (interdits depuis), les cagnottes en lignes (sources d’embrouilles car synonymes, pour certains, de prostitution) et des petits événements très restreints, dans des lieux autorisés avec jauges respectées*. Mais cela ne suffit pas. Cela ne peut pas suffire. Pour exister, il faut se montrer. Pour se montrer, il faut des projets. Et des projets, ça se finance. Mais comment les financer sans pratiquer son métier ? Casse-tête sans fin.
Pourtant, ce DJ ne manque pas d’idées. Outre celles qu’il a en tête et qui ne demandent qu’à se réaliser (on vous en reparlera le moment venu), il en a déjà réalisé une, très originale : mixer en montgolfière, au-dessus de la baie de Saint-Brieuc. Avec des entreprises locales, des spécialistes bretons également (le rayon des 100 km autorisés pour les déplacements étaient alors encore en vigueur), il réalise l’exploit logistique de survoler les environs pour un voyage sensoriel captivant. L’initiative, un succès malgré plusieurs reports liés aux conditions météorologiques, a fait des émules. Pour lui, il était question de montrer « qu’il était là, qu’il existe ».
Privations multiples.
Car le danger est là : ne plus être visible, ne pas être entendu sur la souffrance que vivent tous ces professionnels qui œuvrent à nous faire passer des bons moments, en rendant accessible, à tous, la culture. Car, sans élitisme aucun, ces « petits » DJ jouent partout, club ou pub de nuit, parfois pour des soirées privées également, mais amènent avec eux leur énergie et surtout leur connaissance de la musique. Ainsi, il savent doser l’ambiance, l’amplifier ou l’adoucir, en fonction de la réactivité du public. Qu’il mixe du rap, du rock, de l’électro, DJ Cyril Thas ne fait pas de différence : il offre à son public ce qui lui est bon.
Fini le frisson d’une foule qui, comme la houle, propage une énergie dingue, fini le partage, c’est chacun chez soi, et dieu (l’état) pour pas grand monde. Si les grosses structures garderont leurs subventions, les plus modestes n’ont pas le choix que de se débrouiller par eux-mêmes. En tant qu’artiste, la privation de public est une épreuve de tous les jours, jouant sur le moral de façon pesante. Mais en plus de cela, les démarches administratives pour demander des aides (la fameuse bataille de clocher citée en haut d’article est une constante pour remplir « les bonnes cases » des formulaires) sont chronophages et elles aussi démoralisantes.
Des actions, des idées.
Alors il y a des actions qui sont menées, des rencontres (voir en fin d’article), pour essayer de maintenir une profession à flot. Il ne faut pas oublier que les clubs, aujourd’hui, ne sont plus ceux qu’ils étaient jadis. Ils sont de véritables lieux de culture, de fête, de danse, de partage, avec tous les professionnels et surtout avec le public. Comme sur un festival (dont on parle tant), mais en dur, et toute l’année. Et dans quelques semaines, cela fera un an qu’ils sont tous en position latérale de sécurité, sans visibilité aucune sur une reprise d’activité (ils seront les derniers à reprendre, voilà la seule certitude). Alors il reste, encore un peu, l’énergie de faire parler de soi, de mobiliser les professionnels impliqués, principalement locaux, pour réinventer, au jour le jour, le métier.
Si tout cela paraît négatif dans sa globalité, le dernier point évoqué est lui une source de réjouissances. En effet, il permet, comme le dit DJ Cyril Thas, de prendre conscience que les bonnes volontés et que les savoir-faire techniques existent, partout autour de nous. Il faut les fédérer pour ne pas cesser d’exister, et le perpétuer même quand tout sera revenu à la normale (mais dans quelles conditions, avec quel public ?). Ce que s’évertue à faire cet entrepreneur avec tous les obstacles qui se dressent devant lui, avec aussi ces chutes de moral vertigineuses, qui ne l’empêchent néanmoins pas de penser que quelque chose est jouable, si tout le monde se serre les coudes.
Les différentes actions menées.
17 Mars confinement. 24 Live Facebook puis Instagram sur différents thèmes musicaux jusqu’au déconfinement du 11 Mai.
28 Mai : premier live extérieur dans la zone limite des 100 kms « La Chaumière » 35 Saint-Lunaire, diffusion en direct sur les réseaux du club et un peu partout en Bretagne
Mix club @ LA CHAUMIERE 35 Saint-Lunaire : https://www.youtube.com/watch?v=mN71pSOtf9g
6 Juin, interview par Riwall Le Menn dans le cadre de la réalisation d’un documentaire « Confinement et déconfinement en Bretagne » (en cours de production, diffusion France 3 et Tébéo).
12 Juillet : rassemblement aux Invalides à Paris, à l’appel du collectif des discothèques de France.
24 Juillet : premier mix en montgolfière réalisé en baie de Saint-Brieuc (première au moins européenne) décollage de la vallée de Gouédic, atterrissage Dahouët. Différentes entreprises locales impliquées, équipe technique 14 personnes.
Projet été 2020 : mix en montgolfière : https://www.youtube.com/watch?v=MyYMVyNYgjY
1er Août, diffusion du clip (15 000 vues) couverture médias exclu Le Télégramme, JT France 3 Bretagne Samedi 1er et Dimanche 2 Août.
JT : https://www.instagram.com/p/CDY8Bw8FOPJ/
9 Août : Live au château de Bogard à Quessoy en extérieur avec jauge limitée (organisation avec Boldry Prod)
15 Septembre : Réunion Collectif des discothèques de Bretagne au Taly’s Club à Yffiniac. Présence de Matthieu Lebrun porte parole des discothèques de France.
23 Septembre : rassemblement statique place de la Mairie à Rennes : patrons de discothèques et Dj’s de Bretagne.
30 Octobre : reconfinement / reprise des live : 4 live Facebook puis arrêt (blocages dûs a une nouvelle politique de non diffusion des sets DJ)
25 Novembre : rassemblement nuit + restauration + événementiel à Saint-Brieuc.
14 Décembre : rassemblement nuit + restauration + événementiel à Paris, avec Christophe Blanchet député du Calvados ayant pris position pour les métiers de la nuit.
20 Décembre : premier live MixCloud en direct de l’Hôtel Edgar à Saint-Brieuc / public déambulant dans la rue et sur la place / Hôtel fermé.
29 Décembre : première playlist partagée sur Spotify.
Nota (*) :
Il est important d’évoquer la rave party ayant eu lieu à Lieuron (35), qui n’est pas représentative de la profession, puisque elle est illégale par définition. Ce genre d’événement n’aide pas à crédibiliser tout ceux qui travaillent à respecter les règles sanitaires valables pour tous. On peut comprendre le manque et l’envie des participants, mais organiser un tel rassemblement en pleine pandémie mondiale paraît plutôt contre productif. Pas d’autre choix que d’attendre de pouvoir relancer des choses, quand les conditions le permettront.
Liens utiles :
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