[ VIDEO + INTERVIEW ] FORM, Waterfall feat.La Chica.
Form sort sa nouvelle vidéo, Waterfall, petit bijou cinématographique plein de sens. Nous vous en parlons avec, en bonus, une interview du groupe quant à celle-ci.
Leur EP C.W.T nous avait fait forte impression. Juste avant sa sortie, la vidéo de Trigger nous avait mis une claque, prouesse que parvient à renouveler celle de Waterfall, démontrant que le groupe porte autant d’importance à sa musique qu’à l’univers visuel qui l’entoure.
Ici, nous voyons un homme qui semble perdu, un peu hagard. Il semble attendre quelque chose, tout dans son attitude le révèle. Il arrive dans une pièce, face à un piano dont il caresse les touches, avant de se relever et de fracasser l’instrument. Nous le sentons à bout, vide de sa sève, de son inspiration. Et c’est exactement de cela que parle le clip de Waterfall, du combat au corps-à-corps entre l’homme et l’artiste (et contre la page blanche). Celle-ci est d’ailleurs personnifiée par La Chica qui pose sa voix de façon plus que convaincante, comme en une réponse à la fois rassurante et fantomatique.
Sens.
La lumière, la mise en scène, tout est magnifiquement agencé pour coller au son du groupe. La production du morceau, comme l’était celle de C.W.T est assez loin des standards actuels, avec un vrai souci du son qui, d’entrée, démarque le groupe de la masse. Bien qu’il s’épanouisse dans l’électro-pop, il s’éloigne de celle pratiquée de façon qui devient redondante sur nos terres. Nous trouvons qu’elle s’approche de celle de certains américains, comme, par exemple, d’un Elliot Moss. Chaude, racée, sublimement mixée pour laisser la voix étirer une émotion jamais trompeuse, ses rondeurs nous amènent à nous reposer en leur sein.
Le groupe y évoque ce qui le touche, ce qui saute littéralement aux oreilles dès les premières notes. Et ce combat entre l’homme et sa création nous en est d’autant plus parlant qu’elle nous touche tous, un jour ou l’autre. Le résultat est plus que magnifique et nous prouve que les vidéos ne sont pas (toujours) un faire valoir à la musique (ou vice-versa).
L’interview.
Litzic : Salut Form ! Première question, bateau : Comment allez-vous ? Comment avez-vous vécu l’étrange période qui vient de se dérouler ?
Form : Pour être honnête, on a vécu cette période de manière assez magique, on a eu la chance de pouvoir respecter le confinement en étant ensemble, ça a donc été une période très productive.
D’un point de vue plus général, ça nous a fait beaucoup de bien. D’avoir le temps. Le temps de penser, le temps de prendre soin de soi, de ne pas courir. Et évidemment artistiquement, ça aide.
L : Vous sortez votre nouvelle vidéo Waterfall. Pouvez-vous nous parler un peu du titre, de sa signification ? Comment vous est-il venu l’idée de collaborer avec La Chica ? Qu’est-ce que sa voix vous a apporté ?
Form : Dans Waterfall, il était vraiment question pour moi (Hausmane) de parler de cette notion de retour aux sources.
À des moments difficiles, quand les nerfs lâchent, quand la fatigue se fait sentir, je crois que nous avons tous une source vers laquelle nous nous tournons pour reprendre des forces, ou même juste retrouver ses esprits. Il peut s’agir d’une personne qui nous fait du bien, d’une activité qui nous aide, d’un endroit paisible..
J’ai donc imaginé un dialogue avec ma propre waterfall, la musique, comme si on discutait. Qui a ensuite fait venir cette notion d’inspiration.
Ce qui a été génial, c’est que le timing a fait que nous avons rencontré La Chica vraiment en même temps que la création de ce titre. Elle-même avait été une artiste qui nous a beaucoup inspirés, par sa musique, sa force, et cette image forte et mystique qu’elle représente. Elle a pris la décision de me répondre dans cette chanson, comme si notre source d’inspiration nous répondait. On a adoré.
« Mais si, si. Ça m’a brisé le coeur de casser ce piano »
L : La vidéo est magnifique, très cinématographique. Tout comme l’était Trigger du reste. Pouvez-vous expliquer de quoi elle parle et comment s’est déroulé le tournage ?
Form : Tout d’abord, que ce soit pour Trigger ou Waterfall, tout ça n’est possible que grâce au travail incroyable de Mehdi et Yanis Hamnane qui sont très présents pour nous et qui arrivent à mettre en images et à scénariser des choses basées sur les paroles, et l’énergie des titres.
On discute beaucoup des idées, et ils parviennent ensuite à imaginer tout le déroulé à l’image. Nous travaillons ensuite avec Dissidence Production, qui fait un travail monstrueux sur la sélection de l’équipe de tournage (steadicamer, chef-op etc..) Et gèrent toute l’organisation du jour j.
Vient ensuite le soutien très précieux de notre label Nowadays Records, qui nous aide, nous drive et nous conseille tout du long.
L’idée sur ce clip était donc de mettre en avant l’artiste devant sa peur, devant son manque d’inspiration. Et ce symbole donc de l’auto-destruction avec l’artiste qui détruit son propre piano.
Ça a été très intéressant de voir comme le chef-op, Yoann Suberviolle, a eu une idée très précise de la lumière, qui appuie ce renfermement sur soi, le contraste.. nous sommes vraiment très touchés parce que nous avons réussi à créer tous ensemble.
L : Ca ne fait pas un peu mal aux tripes de détruire un piano (rires) ?
Form : Mais tellement.. si vous saviez. haha
C’était aussi toute l’idée de cette séquence. Ça me brisait tellement le coeur de le faire que ça me prouvait bien à quel point il fallait être à bout pour en arriver là.
Évidemment, nous avons pris le temps de trouver un piano complètement hors d’usage, qui était voué à finir à la benne.. nous l’avons juste immortalisé en images. Et avons gardé la carcasse d’ailleurs, qui est sublime.
Mais si, si. Ça m’a brisé le coeur de casser ce piano, j’ai dû vraiment me mettre en condition mentale. Ça a été très intéressant.
« Nous avons tous les 3 un désir profond de véhiculer de l’émotion à travers notre musique »
L : Question peut-être un peu tirée par les cheveux mais… Le clip de Waterfall parle de la solitude de l’artiste face à la page blanche, au manque d’inspiration, place l’homme en opposition avec l’artiste. Croyez-vous que, d’une certaine façon, l’artiste est confiné en permanence avec cette peur de l’inspiration qui s’enfuit ?
Form : Je pense, oui. Inconsciemment la plupart du temps.
Il y a cette contradiction entre l’artiste qui a besoin de temps pour évoluer, s’inspirer, et l’industrie qui va très vite et qui demande une présence permanente.
Nous n’avons pas encore cette peur de la page blanche, parce que nous sommes un jeune groupe, et que nous sommes seulement au tout début des idées que nous voulons exprimer, mais nous sommes déjà conscients que certaines choses ne se contrôlent pas, que certains jours, la créativité ne sera pas au rdv, même si rien de logique l’explique. C’est cet aspect-là qui nous effraie je pense.
L : À propos d’inspiration, qu’est-ce qui nourrit la vôtre ? Qu’il s’agisse de Waterfall ou Trigger, on vous imagine très sensible aux émotions qui vous traversent. Sont-elles votre matière principale ?
Form : Très clairement.
Nous avons tous les 3 un désir profond de véhiculer de l’émotion à travers notre musique, comme beaucoup de gens, a priori.
J’ai personnellement (Hausmane) un grand besoin d’écrire sur des choses vécues, et essayer de les appliquer à des idées plus générales.
Les rapports sociaux aujourd’hui me fascinent, et nous sommes d’une génération dans laquelle ils se multiplient.
Nous n’avons pas la prétention de donner des leçons ou de nous prononcer sur quoi que ce soit. Cependant, lorsque nous le ressentons, nous gardons la liberté de parler de sujets qui nous semblent importants, comme nous l’avons fait sur Trigger, par exemple.
Les émotions nous guident tous.
L : Nous avions chroniqué votre EP C.W.T. (il nous avait fait forte impression). Préparez-vous un nouvel opus ? Si oui, avez-vous quelques révélations à nous faire sur celui-ci ? Gardera-t-il cette même empreinte électro-pop hyper léchée ?
Form : Ce que nous pouvons vous dire, c’est que nous avons composé beaucoup de nouvelles choses, et que nous sommes très heureux de ce que nous avons. Nous sentons que nous avons pris plus de liberté, plus de temps pour explorer.
Nous essayons de ne pas penser en « sortie d’opus » mais nous allons sortir de la musique, très vite. Nous en avons l’envie profonde.
Pour ce qui est de l’empreinte nous avons l’impression d’avoir ouvert un spectre plus large quant à notre proposition. Très naturellement d’ailleurs.
Nous ne nous sentons pas (ou plus) appartenir à l’électro-pop seulement. Ça en fait partie, c’est certain, mais beaucoup d’autres choses s’y insèrent. L’envie de laisser s’exprimer ma culture libanaise notamment, qui s’est manifesté dernièrement, dans les harmonies, les sons.. Et beaucoup d’autres choses. Très pressé de partager tout ça.
L : Quels sont les groupes qui, en ce moment, vous font rêver ou vibrer ? Et ceux qui depuis toujours vous inspirent ou vous ont donné envie de faire de la musique ?
Form : En ce moment, nous écoutons beaucoup de choses, parfois différentes tous les 3 selon les phases de chacun:
Adrien en ce moment écoute plutôt des albums piano d’artistes comme Ryuichi Sakamoto ou Chilly Gonzales.
Hausmane écoute beaucoup de Moses Sumney, Billie Marten..
Aksel est beaucoup sur du Yussef Dayes, et Clap! Clap!
Pour nous 3, nos inspirations très fortes depuis le début sont bien sûr:
– Radiohead // Thom Yorke
– James Blake
– Fink
– Moderat // Modselektor
L : Merci d’avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions.