[ ROMAN ] GUY TORRENS, La nuit de l’aube.
La nuit de l’aube, roman de Guy Torrens, déjà disponible (Publibook)
Guy Torrens a été durant quelques semaines l’invité (en tant qu’auteur du mois) de Litzic. Mais nous n’avions pas tout découvert de cet auteur talentueux. Avec La nuit de l’aube, nous découvrons une pièce de plus de l’œuvre globale de l’auteur marseillais, à travers l’histoire d’une agression, d’une quête de soi, sur fond d’homophobie et de racisme « ordinaire ».
L’histoire.
Alexandre est battu à mort et laissé pour mort. Pourquoi ? Parce qu’il est homo, et qu’il a eu la mauvaise idée de s’enticher de Giacomo. Giacomo… Cet homme qui le prend et le repousse comme un vulgaire jouet, comme une honte collée à sa peau. Alexandre se mure dans le silence. Hospitalisé, il est « supervisé » par Claire, une infirmière déçue par la vie, blasé par les hommes, détruite par ses rêves perdus.
Alors qu’il est alité, nous voyageons dans sa psyché, dans ses souvenirs, dans ses hallucinations (qu’est-ce qui est réel ? Qu’est-ce qui ne l’est pas?). Nous y faisons la rencontre d’une vieille punk, sa (bonne ? Mauvaise?) conscience, d’un nain factieux, d’un rasta philosophe, d’une histoire en dents de scie. Le tout nous portant vers la résurrection d’Alexandre, vers l’émancipation de Giacomo, vers un final inattendu.
La plume.
Une fois encore, l’écriture de Guy Torrens nous fait un effet terrible. Elle est ici relativement abrupte, n’utilise pas ou très peu de pronom personnel. La narration est celle d’Alexandre, qui se parle à lui-même, ou celle de Giacomo, se parlant à lui-même (ou celle de Claire, idem). Il y a de la colère, du dégoût. Il y a également le combat, contre eux-même, contre leur histoire intime, contre l’histoire de leur lignée. L’un est fruit d’une famille bien française, même plus qu’elle ne devrait l’être. Raciste, homophobe, cette famille rêve d’une France blanche, débarrassée de ses parasites que sont les Juifs, les Arabes, les pédés.
Mais, pas de chance, le fils, lui, est pédé. C’est comme ça. Mais il ne l’avoue pas, il est marié, a des gosses, pour faire plaisir à papa-maman, même si au fond de lui il sait qui il est. Il lui faut juste s’affranchir du poids familiale et historique. Il est fruit pourri (aux yeux de fruits encore plus pourris que lui), mais il aime Alexandre. On ne le leur pardonnera pas.
Une quête de soi.
La nuit de l’aube est en quelque sorte un road-movie intérieur, se déroulant principalement dans une chambre d’hôpital. Dans celle-ci, l’hospitalisé revient sur sa vie dans un cirque, sur les camps, sur ses errances. Est-il conscient ? Tout cela s’est-il effectivement passé comme il le montre ? Impossible de savoir où se situe la frontière exacte entre réel et imaginaire, entre pensées conscientes et pensées altérées par les drogues médicamenteuses. Qu’importe, la plongée dans les entrailles de sa mémoire nous révèle une poésie trash, une philosophie punk, et des fragments d’une personnalité libre, mais cabossée par le poids de la vie (comme tout un chacun, ou presque).
Autour de lui gravitent des personnages eux aussi perturbés. Celui qui paraît le plus à l’aise dans ses baskets, dans sa peau, dans ses idées et sa connaissance de lui-même est Adhémar, le nain. Totalement affranchi, c’est le personnage qui ramène les autres à la vie. Peut-être pas celle qu’ils avaient espérée, mais celle qu’ils auront. Il est le catalyseur, la lumière qui guide chacun vers sa propre destinée. Il est celui qui a osé dire non et qui incite les autres à suivre son exemple, pour vivre. Simplement. Libre.
Une aube nouvelle.
La nuit de l’aube s’avère être un très grand roman. Car il ne sombre jamais dans les clichés qui auraient pu lui tendre la main. Guy Torrens démontre avec une sensibilité punk que les hommes restent des hommes, que leurs errances ne sont pas leurs pertes, mais au contraire leurs voies de sortie. Après la nuit vient l’aube, et toutes ses promesses. Le livre se termine effectivement sur cela, une promesse. Une promesse qu’il convient de saisir quand elle se présente…
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