[ ALBUM ] HEALTH&BEAUTY, Shame engine/Blood pleasure
Nouvel album d’Health&Beauty, Shame engine/blood pleasure (Wichita recordings/Pias).
Il s’agit là du septième album d’Health&Beauty, le deuxième chez Wichita Recordings. Il nous propulse dans un folk rock, rehaussé d’une touche de blues poussiéreux. En dix titres, le groupe nous entraîne dans son sillage, dans un faux rythme, pour reprendre une comparaison footballistique, qui nous conduit vers une transe chamanique.
Un morceau d’ouverture fantastique.
L’album s’ouvre sur Saturday Night, un morceau blues plombé dans la poussière. Ce genre de morceau poisseux qui possède tout ce qu’il faut pour nous ravir. Rythmique alanguie, écrasée par un soleil à son zénith, vrillée par des éclairs fugaces de guitares et une batterie qui sort bientôt de sa léthargie. Le titre déploie une énergie phénoménale, tellurique, qui nous ramène bien vite à notre condition animale en réveillant nos instincts prédateurs (ou ceux de proie, comme bon vous plaira).
Nous craignions une déception dès le deuxième titre, mais il enfonce le clou, toujours avec cette guitare bien menée, trafiquée par une légère distorsion et un son juste ce qu’il faut de rocailleux pour nous séduire. Dès que le chant prend la relève de l’intro instrumentale, un paradoxe nous secoue. Si l’entame est du plus bel effet blues-rock, le chant qui lui succède évoque pour nous celui de certains titres plus classic rock. Cependant, l’équilibre penche, grâce aux parties plus instrumentales, majoritaires, vers le premier. Le groupe s’en tire bien.
Et puis…
Petit à petit, l’album glisse vers autre chose, délaissant ce côté viscéral et poussiéreux, pour une introspection plus proche d’une certaine idée du folk (électrifié n’en déplaise aux puristes), voire de la country (toujours électrifiée). L’ensemble n’est pas particulièrement désagréable, au contraire. Un aspect chamanique, proche d’une transe sous peyotl, ressort sur quelques compositions, aspect chamanique induit par un rythme lancinant, des motifs répétitifs, un chant parfois à peine plus que susurré. Nous tombons alors dans le piège de la torpeur, celle voulue par Health&Beauty.
C’est un peu comme si le groupe décidait de faire tomber nos barricades. Il se livre doucement, intègre des cuivres dans ses compositions, des choeurs, lorgnant toujours aux abords du classic rock, sans jamais véritablement basculer dedans. S’il évite ce basculement, c’est avant tout par ses arrangements, parfois surprenant, jamais ronronnant (on pense notamment à Bottom Leaves, à la croisée du free jazz et de la chanson pour midinette). Les compositions s’étalent de tout leur long sous le soleil du désert de Mojave, ce qui n’est pas peu dire car trois des dix titres atteignent les dix minutes, pour un seul flirtant avec les trois minutes.
Health&Beauty aimes les Faux rythmes.
Un faux rythme, en sport, signifie qu’une équipe impose un rythme pour endormir l’autre. Nous ressentons un peu cela à l’écoute de cet album. Un peu comme si Shame engine/blood pleasure cherchait à nous faire dire ce que nous taisons d’ordinaire. Comme s’il cherchait, également, à nous faire sortir de notre coquille, en venant, petit à petit, nous chercher dans nos retranchements. Pas forcément évident à l’écoute, car générant une certaine frustration, il n’en demeure pas moins que nous y retournons à chaque fois, ne sachant pas véritablement si cet album nous plaît de ouf ou nous horripile (de ouf aussi).
Bon, nous avons quand même un élément de réponse dans le fait que nous y retournions. Sans doute est-ce cette électricité latente qui se fait pressante, cette voix qui nous cajole, cette impression de grands espaces à investir, ceux de nos propres pensées, ceux de nos propres histoires. Il y a, malgré tout ce que nous pouvons dire, un charme irrésistible dans cet enchaînement de titres, un élément indiscernable mais vénéneux, présent en filigrane sur chaque morceau et qui nous file la chair de poule. Peut-être est-ce celui d’écouter un disque qui se fout un peu des modes, du temps qu’il faut pour en appréhender toutes les rugosités, toute la magie également. Prendre le temps semble être le mot d’ordre de Shame engine/blood pleasure et de Health&beauty, et c’est tant mieux, car il nous sort de notre routine effrénée l’espace d’une heure.
LE titre de l’album.
Pour nous, il paraît évident qu’il s’agit ici de Saturday Night. En seconde position, Bottom Leaves nous fait également forte impression en jouant le contraste douceur violence et qui vient dynamiser le milieu de l’album tel un électrochoc salvateur !
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