[ROMAN] THIERRY GIRANDON, Les faux cils et le marteau

les faulx cils et le marteau thierry girandonThierry Girandon, Les faux cils et le marteau, Chez Jean Pierre Huguet éditeur, collection Noirceurs Océanes.

Les faux cils et le marteau n’est pas le premier ouvrage de Thierry Girandon que nous chroniquons, pourtant il est son premier publié. Ainsi, c’est un peu comme si, avec Les faux cils et le marteau, nous remontions le temps le long de la plume de cet auteur à nul autre pareil.

Une sombre histoire de meurtre.

Jean Blême veut éliminer son ex-patron. Parce qu’il délocalise son usine, et son poste par la même occasion. Il veut l’éliminer et pour ce faire, prend contact avec un tueur à gages. Mais le gag du meurtrier meurtrié (variante de l’arroseur arrosé vous l’aurez compris), il ne s’y attendait pas. Et le voilà chargé par Dardini, un truand local, un dingue, fou dangereux et proxénète, bref mafia à lui tout seul, de tuer le fameux patron. Au cœur de la nuit, Jean, blême, rencontrera Vassila, et son destin.

Bien évidemment, le sel de cette histoire tient sur ce petit coup d’humour noir, grinçant, caustique, grain de sel dans un engrenage paraissant trop bien huilé, consistant à ce que Jean se retrouve pour ainsi dire condamné à tuer le patron par celui qu’il avait chargé de le faire. Vous nous suivez ? Bref, de commanditaire, Jean se retrouve exécuteur. Imparable.

Une poésie vertigineuse.

Si nous ne nous arrêtions qu’à cette histoire de meurtre, ses tenants et ses aboutissants, Les faux cils et le marteau ne comporterait qu’une vingtaine de pages. L’histoire, finalement, est assez vite résumée, mais sans tenir compte de cette plume ô combien lumineuse, exaltée et surtout poétique.

Inutile de dire que se sont les descriptions de l’auteur qui en sont les bénéficiaires. Il serait comme un pléonasme de l’évoquer. Parce que toute la beauté de la plume de Thierry Girandon réside dans ces courbes d’une linéarité parfois bousculée. Euh… Vous vous attendiez à des descriptions basiques, simples, mais vous avez là tout un monde invisible qui vous saute aux yeux, de façon absolument monstrueusement belle.

Plume virtuose.

Parce que la plume de Thierry Girandon est belle, vive, nous interpelle, nous extrait de nos schémas préconçus de pensées figées dans une idée d’écriture engoncées dans ses élans stylistiques. Ici, les mots nous bousculent, entravent une lecture sans aspérité pour nous amener des images plein les yeux, comme autant de pollen de pissenlit s’envolant au vent après qu’un enfant ait soufflé dessus. C’est aérien, tout ça, léger, jamais redondant, peut-être un peu déstabilisant pour qui a l’esprit étroit, euphorisant pour qui aime être surpris, charmé par ce joueur de flûte insensé.

La poésie de Thierry Girandon, nous la connaissions, nous la connaissons. Mais, dans ce premier livre, elle était à son paroxysme, car fraîche, neuve, inédite. Depuis, Thierry l’a travaillé, encore et encore, et si elle a gagné en concision, elle a peut-être un peu perdu en explosivité. Dans Les faux cils et le marteau, elle suinte de toutes les pages, se propage dans nos visualisations de ce qui se lit entre les lignes, de ce qui se trame dans cette sordide histoire de meurtre.

Comment conclure ?

Effectivement, comment terminer une telle chronique ? Dire des banalités semblables à une météo que se raconteraient deux vagues connaissances au croisement de deux rues fréquentées par des automobiles hyperactives ou bien évoquer encore tout le talent et le travail de cet auteur injustement peu connu, surtout au regard de ce que nous pouvons parfois lire et qui bénéficie d’une médiatisation aussi vomitive que les propos que tiennent leurs auteurs. Oh nous avons vu à qui vous pensiez. Toujours est-il que cet auteur mérite amplement que le plus grand nombre se penche sur ce roman (et sur ses autres également) car l’ombre de Boris Vian n’est jamais très très loin.

Une autre chronique d’un ouvrage de Thierry Girandon : La corde ou la cagoule

 

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