[BIOGRAPHIE] Frédéric Tallieux nous raconte Daho
Frédéric Tallieux, Étienne Daho, l’Éden retrouvé aux Éditions Le mot et le reste.
Étienne Daho est devenu, au fil d’une carrière forte de 12 albums studio (si l’on inclut Le condamné à mort, disque où Daho et Jeanne Moreau déclinent le poème de Jean Genet comme un disque à part entière de la discographie du chanteur), la figure incontournable de la pop en France. Une partie de la jeune génération se réclame de lui et la presse spécialisée l’encense.
Pourtant, ce chanteur n’a jamais cessé de se remettre en question, abordant ses disques de la façon la plus honnête qui soit. Frédéric Tallieux revient, dans Étienne Daho, l’Éden retrouvé, sur ce parcours jalonné de succès et à la droiture artistique sans détours.
Un fou de musique.
Tout commence par un juke-box, à Cap Falcon (Algérie), ville qui a vu grandir Étienne Daho. Ce juke-box trône dans l’épicerie-café de ses tantes et le jeune garçon y découvre pêle-mêle le yéyé et le rock n’roll, la pop aussi. Ses artistes de prédilection ? Les Beach boys, Françoise Hardy. Il les chante, il les danse sur les tables du troquet, se façonnant ainsi une sérieuse culture musicale qui aide l’enfant solitaire qu’il est à s’épanouir. Le départ du père de ce foyer, et le rapatriement en France lors de l’indépendance du pays le marquent profondément. Si de l’un il ne dira quasiment rien, de l’autre il met un pied dans la faune musicale rennaise, par l’entremise des Marquis de Sade.
Avec eux, il tisse de solides relations amicales, notamment avec Franck Darcel, le guitariste, qui produira ses deux premiers albums. Étienne Daho, en fan de musique, et des Stinky Toys d’Elli et Jacno, organise une soirée concert et fait la connaissance du célèbre couple. L’alchimie opère, il leur fait découvrir ses textes et, hasard, destin ou juste récompense au talent du chanteur, en découle une carrière faite de succès et de prises de risque artistique.
La biographie.
La première constatation que nous pouvons faire, c’est que les analyses de Frédéric Tallieux sont absolument passionnantes. Bien écrit, exploré jusqu’à la moelle, le sérieux de sa démarche biographique n’entrave en rien le plaisir de sa lecture. En effet, qu’il s’agisse de revenir sur le caractère technique de la réalisation des disques de Daho ou sur les éléments ayant déclenché l’inspiration pour les entamer, jamais la plume de l’auteur ne vient alourdir le propos.
Ses avis sont objectifs, ses décortications du comment du pourquoi s’appuient sur une analyse fine, passionnée mais toujours écrite avec le souffle de celui cherchant à transmettre son savoir sans l’imposer. Qu’il s’agisse de musique, des visuels des albums ou des vidéos clips appuyant tel ou tel single, Frédéric Tallieux observe, agence ses idées de façon à ce que tout entre en corrélation. Il n’hésite pas, par exemple, à critiquer un vidéo-clip dont l’essence lui échappe, mais sans le faire de façon gratuite.
Ces qualités d’écriture, de vocabulaire également, apporte tout le relief nécessaire à un ouvrage de ce type, c’est-à-dire savoir rester informatif, tout en y inculquant assez de souffle pour que l’histoire qu’il raconte reste accrocheuse (sans jamais être racoleuse). Avouons-le tout de suite : nous ne sommes pas fans d’Étienne Daho mais cette bio, nous l’avons dévorée, preuve que Frédéric Tallieux possède de sérieux arguments littéraires et journalistiques.
Ce que nous en retenons.
Comme nous venons de le dire, nous ne sommes pas fan d’Étienne Daho dont l’univers musical nous laisse relativement de marbre. Pourtant, à travers quelques interviews que le principal intéressé a donné il y a quelque temps, l’envie d’en connaître plus sur lui nous a titillé les méninges. Ce bouquin tombe donc à point nommé et nous permet d’approfondir le sujet Daho de façon très sérieuse (pour ne pas dire quasi exhaustive). Cette biographie évoque entre autres un homme tenace, discret certes, mais avec une volonté de fer (de faire?).
Par exemple, son parcours n’est pas un long fleuve tranquille. Outre les inévitables pièges de l’industrie musicale obligeant le chanteur à s’adapter, outre les inévitables rumeurs et autres langues de vipère, Daho a toujours su répondre de la plus belle des manières : en gardant son intégrité artistique au beau fixe, en surprenant là où d’autres seraient restés sur la voix tracée par les succès passés.
Daho ose les contre-pieds, l’exploration de nouveaux territoires musicaux, les remises en question profondes, les explorations tous azimuts (il est un mélomane acharné dont la curiosité insatiable de nouveautés lui permet de nourrir son inspiration) tout en restant d’une fidélité à toute épreuve, conscient que seul on n’arrive à rien, tout talentueux qu’on soit.
Jamais il n’a remisé aux oubliettes ceux qui lui ont fait aimer la musique, ceux qui l’ont inspiré et ceux qui l’ont accompagné dans l’élaboration de ses différents albums et/ou projet. Nous citerons ces quelques mots de Frédéric Tallieux dans la conclusion de cet Éden retrouvé (p. 436) :
“[Étienne Daho] a compris ce qu’oublient souvent les critiques de la presse spécialisée : le talent ne suffit pas pour assurer longévité, créativité et succès. Le public seul décide du destin de l’artiste populaire. »
Preuve s’il en est de toute la clairvoyance de ce chanteur à part dans le paysage musical hexagonal.