JENNY WILSON Exorcism
Comment pouvoir se relever d’un traumatisme profond ? Quels sont les moteurs qui permettent à une femme de franchir les étapes vers leur propre reconstruction ? Voilà comment, en jouant de la musique, en posant des textes crus sur le viol qu’elle a subi, Jenny Wilson nous emmène dans son Exorcism sans aucune forme de pudeur, sinon de celle de qui a vécu pareil acte.
Alors qu’elle rentrait de studio lors d’une séance tardive, Jenny Wilson a été victime d’un viol. La faute à pas de chance, elle se trouvait au mauvais endroit, au mauvais moment (comme 100% des femmes ayant subi les mêmes sévices). Un homme, banal , semblable à mille autres, s’en est pris à elle.
Visite chez le médecin, à la police. L’humiliation ne prend pas fin au moment où l’homme l’a laissé, elle perdure dans la tête de cette musicienne auteure compositrice. Elle veut cracher son mal-être, suite à cet accident, et celui-ci prendra la forme de cet album de 9 titres.
Dès l’entame, Rappin met les choses au point. Sur un tempo lent, celui de la marche ayant précédé le viol, Jenny Wilson relate les faits. Soudain la musique s’accélère, sur les mêmes tonalités synthétiques, puis break. Sonnette. « I’m not at home » déclare-t-elle. Puis le refrain dans lequel nous percevons les mots victimes parce qu’il n’y avait personne aux alentours.
Les autres titres sont du même acabit. Pas de fausse pudeur, pas de formules stylisées pour évoquer la crudité de l’acte. Jenny Wilson y va franchement, décrit les processus comme un exutoire qui lui est propre. Il faut que ça sorte et ça sort, en bloc. C’est moche, ça dérange, mais ça fait du bien.
Enfin, nous disons c’est moche mais il n’y a rien de moche dans la musique de la suédoise. Si les textes y sont crus, ils n’en demeurent pas moins beaux et pertinents. Cependant, le malaise ne cesse de nous habiter durant le temps de l’album, sans doute à cause de la musique qui le peuple.
Celle-ci est électro, plutôt rythmée, du moins par moments. Nous avons envie de danser, mais nous nous souvenons de ce qui a été à l’origine de cet album et directement ça nous calme. Le malaise se poursuit quand nous pensons que certaines personnes, peut-être même des victimes de viols, peut-être même des responsables de viols, danseront dessus sans capter de quoi il retourne. Il y a là une certaine forme de cynisme, sans doute involontaire, mais bien présente.
Faut-il bannir le disque de nos platines pour autant ? Absolument pas. Parce que la parole est importante, qu’il faut la libérer. Et parce qu’Exorcism est sacrément bien fichu, qu’il ne laisse en aucune mesure place à la facilité, ni même à la victimisation facile. Ce disque s’avère donc important, dans son fond comme dans sa forme.
Outre le courage de Jenny Wilson, c’est son état d’esprit qui transparaît ici et qui retransmet de façon directe un des maux actuels de notre société. En ce sens il est nécessaire de l’écouter, de s’en imprégner et de s’en nourrir. Quitte à y prendre du plaisir. Les choses doivent bouger dans certains domaines et Jenny Wilson met les pieds dans l’un d’entre eux de façon magistrale. Espérons seulement que cet opus lui aura permis de se reconstruire un peu, beaucoup.
Nous, il nous a fait grandir.