PHILIPPE LABAUNE Opera posthuma

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c’est une maison sous la peau c’est une réalité mobile j’en ai une photographie en noir et blanc de briques rouges et fenêtres blanches deux arbres autour de la porte gravier blanc pans de toit et combles volets carrés c’est l’hiver probablement c’est une sorte de tombe un catafalque massif immobile dans le temps qui passe de l’autre côté du grillage sur la porte je lis la vertu est sans récompense dans les jardins de mon père les lilas sont fleuris pour tous les oiseaux du monde et dormir ne rien dire tout penser sous la peau oui la colère le transfert des forces actives essayer d’y aller oui quelque chose circule sous les tuiles et aux carreaux comme un cercle de confiance toujours l’autre dans la perspective c’est l’amitié et le bric‐a-brac des enchaînements de causes et d’effets je suis une variation dans un musée ouvert au public l’après-midi patience de la pensée comme tailler des lentilles et polir le regard je marche dans l’image et j’entends le travail de la lumière sous mes doigts et les choses du monde lointaines petites et claires j’entends le recul de l’invisible et les fruits secs et les olives ici personne à moins de quatre coudées la paix un établi dans les yeux comme un petit traité de l’arc-en‐ciel peint dans mes paumes presque totalement aveugles à force de corps étendus sur des cartes mentales en tension pas une visée pas une méthode non une tension oui tout ces mondes sont réels dans la carte dans le paysage sous la langue et dans les molécules et les atomes et les noyaux et les électrons et les protons et les neutrons et les quarks et voilà le désordre qui frôle et froisse le multiple et tord les cordes dans l’azur concave et convexe selon et engrenages leviers agencements structures juste tout dans un chiffon sur un verre à polir je pénètre vivant dans le jardin avec un regard d’éclats et de mosaïques j’avance vers le centre et spontanément je brise les symétries et écoute la voix dans l’arbre qui dit que tout ce qui est possible doit se produire se produire et se reproduire à l’infini tout ce qui est possible les lilas sont fleuris tant de manières d’ouvrir les yeux et de glisser les doigts dans les fentes du monde que je crée à l’infini en le décrivant ma maison mon tombeau est un édifice simple et stable la température y est assez basse pour que la lumière s’y propage librement du mardi au dimanche à l’étage la chambre et la fenêtre et rien juste la pensée à petits coups de marteau je glisse d’un océan l’autre sans propriétés dépossédé poussière de verre dans l’iris sable de mandragore sous les ongles le monde tout entier dedans et tous les autres

Ce texte, extrait du recueil Panoptikon*, est publié avec l’aimable autorisation de Philippe Labaune.

© Philippe Labaune – tous droits réservés, reproduction interdite.

 

*Ce recueil est à la recherche de son éditeur. Contactez-nous pour plus d’informations : correspondance@litzic.fr

 

Cheval Feu de Philippe Labaune

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