TRRBL. LES JUNGLES de Claire Von Corda
TRRBL CRTT GTTR LWDW LS VGL
j’avais demandé
à Claire Von Corda
qu’est-ce que
qu’est-ce ça foutait là
qu’est-ce que ça foutait là tous ces titres biscornus
qu’elle donne à ses textes
TRRBL CRTT GTTR LWDW LS VGL
qu’est-ce que
qu’est-ce que ça voulait dire
qu’est-ce que ça voulait bien dire de mal
j’avais tenté « ce serait pas des noms de médocs ? »
pourtant inspiré
j’y croyais
mais ratage complet
c’était pas ça
elle m’a pas dit
j’ai jamais su
je saurai jamais
TRRBL CRTT GTTR LWDW LS VGL
Et je flingue ma glande pinéale à coup d’acide en litre que je m’enfile sous le pan du mur coupé.
Pour que ça ne respire pas.
Des grammes de détergent coulent dans les veines et carbonisent l’anatomie.
Avec les additifs baignant dans le biliaire, je ruine mes ovocytes, si admettons je comptais enfanter.
Parce que les molécules des endorphines tombent en poussière quand ça se noie. (p.11)
des mélanges des dosages
posologies
panachages
pillule rouge pillule bleue
mixture des organes et des chimies et des perceptions et des songes d’une nuit déjetée et des pressentiments et des moirures et des fonds d’oeil et des gens et des rues et des ventres en compote de fraises et des jours vides et des ciels gris
chaque texte de TRRBL. LES JUNGLES
bien dosé
laisse un goût
dissoluble
bouillon concentré
une soif trouble
et salée
on est comme
dans
une piscine de slim irisé
(composition : colle, colorants alimentaires pour la couleur, fécule de maïs, poudre de borax, lessive ou mousse à raser)
on est bien là
pétri de doutes
extensible à l’infini
élastique et salivo-amoureux
en stase c’est ça en stase
ouais c’est le bon mot
Et le sucre des pommes d’amour devient la sève qui dégouline et colle aux doigts.
Il dit qu’il ne sait pas, j’entends l’écho des chiens, l’espoir tombe en fracas.
Alors je tente d’avancer. Et quand je marche dans les souterrains des couloirs sans fin, c’est par le grand rétroviseur que j’essaie de capter quel reflet de moi je vois. Et je m’engouffre en équilibre sur le rebord des quais privés pour approcher l’immense miroir à l’angle aveugle et obstrué. Je continue les pas, menace de déraper, mais ça n’est rien d’un attentat ou d’un suicide risqué. (p.24)
une chantier
de formulations
du monde
le plus immédiat
palpable et fumeux
alimenté
en
conscience pneumoventrax
(respiration)
(rythme du ventre)
(symphonie des poumons)
(adagio de la peau)
une errance
thaumaturgique
dans les symboles
qui fondent comme des
bonbons dans la bouche ou des cafards sous une machine à laver
les mouvements qui se
résorbent s’
absorbent
labyrinthe de presque-vie quasi-corps bientôt-réel
sur le bord de
faut que ça morde faut que ça détrempe
lecture détrempée
arôme citrique
double ration de
pain de mie moelleux qui étouffe au fond du sachet
C’est tard dans l’heure quand d’étagères en étagères, elle glisse dans le supermarché la nuit.
Son fantôme erre dans les bocaux de cornichons et je croise son iris à travers les biscuits qui se morcellent. Abandonnées depuis longtemps, elle a perdu le nord et cherche encore l’issue. (p.27)
pareil pour nous.
“TRRBL. LES JUNGLES“, Claire Von Corda, éditions ni fait ni à faire, 2021.
Disponible sur le site : https://www.editions-nifaitniafaire.fr/trrbl-les-jungles/
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