données complémentaires de Johan Grzelczyk

il a dédié sa vie aux ours grizzly. il a consacré son existence à construire une relation vraie avec cette espèce. à tenter de montrer que la distinction entre l’homme et l’ours grizzly n’est fondée qu’en apparence. selon des critères qui ne recouvrent rien d’essentiel. il avait baptisé cette région verdoyante le sanctuaire. (p.88)

Je connaissais déjà l’histoire de ce type (Timothy Treadwell) qui a vécu avec des ours pas du tout en peluche, à l’époque j’étais tombé sur un site putaclic qui relatait sa mort avec un titre du genre il vit avec des grizzlis qui le mangent ou alors c’était renouant avec la nature mais dévoré par des grizzlis ou encore il a consacré sa vie aux grizzlis jusqu’à ce qu’ils le mangent. J’étais tombé dessus sans le chercher particulièrement, juste paumé dans l’espèce de ramdam dawa d’une errance random sur le web. Irrémédiablement on finit toujours par faire du toboggan, blotti dans le flux, la tête dans le multi-tâche, des morceaux de sens par-ci par-là saisis par une cervelle perpétuellement stimulée.

On peut dire des données complémentaires de Johan Grzelczyk qu’elles forment une espèce de flux de conscience, en tout cas un ensemble de phénomènes déconnectés voir totalement hétérogènes (on y parle de grizzly, d’among S, de coiffure, de manifs, de pensée pure, de machine,..) mais fédérés par le langage qui les retranscrit. Ou même : qui les retraduit, dans la mesure où chaque donnée du recueil renvoie à un univers autonome doté à l’origine de son propre dialecte, médiatique mystique métaphysique mnésique météorologique (et j’en passe), un univers qui se débrouille bien tout seul mais que Johan va enregistrer, emmêler aux autres et redimensionner à sa propre langue.

On peut dire des données complémentaires de Johan Grzelczyk qu’elles forment un flux de phénomènes mais dit comme ça on perd le cœur (le petit pouls) de la démarche (la drôle de marche). Johan s’accapare ce qui lui tombe sous la main, ce qui le marque, puis le mâche amicalement-goûlument pour enfin le recracher en petites boulettes mouillées de poème (sauf qu’il utilise pas une bic vide pour se faire une sarbacane). Il met le monde dans son bain, dans le muscle trempé de ses méninges. De toutes les trombes pluvieuses d’informations qui nous rincent au quotidien, de toutes les données qui clignotent à la porte, qui font un bruit de malade, de toutes les intéractions qui engloutissent notre attention au creux de leur panse cyclique (le flux se répète) & cyclopéenne (le flux te voit), Johan Grzelczyk vient orchestrer un sabotage en règle, une petite déviation du lit principal, creusée à même le sillon de son style unique, sa façon à lui de réécrire le réel en dehors du langage officiel (médiatique mystique métaphysique mnésique météorologique et j’en passe), systémique et goinfré à la potée de sa propre liesse (le flux, toujours emporté par son propre emportement enthousiaste). Faire ça c’est le taff d’un poète, entre autre.

Je retrouve un mot que j’aime bien pour caractériser cette démarche : creuser une rigole. De ces petits sabotages, l’eau se barre, pour irriguer les plantes qui trainent libres.

“données complémentaires“, Johan Grzelczyk, illustration de Grégory Valentin, éditions ni fait ni à faire, novembre 2021.
Disponible sur le site : https://www.editions-nifaitniafaire.fr/donnees-complementaires

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