De Wendy Martinez à Gaby Duboisjoli, incandescente playlist
Sélection de nouveautés du vendredi 06 novembre.
Abrasifs, inventifs, bouillonnants. Nous vous proposons ce vendredi une sélection de morceaux à l’écriture subtile et à la musique incandescente. Ils mettent tous en avant ce que chaque artiste possède d’unique, à travers un univers bien à lui, avec une intensité lui étant très personnelle. Chaque artiste prouve ici son caractère et la foi en son art, avec ce feu impétueux et incontrôlable inhérent à tout créateur. Ceci est vrai qu’il s’agisse d’une pop langoureuse comme celle de Wendy Martinez ou d’un clubbing mélancolique (ou du moins en phase de redescente) comme le titre de Gaby Duboisjoli.
Et puis entre ces deux femmes, du blues rock ou une rock pop (en mode trio) pour Sonora Cry et Mind affect, une pop élégante, raffinée pour Aliocha, une disco punk pleine de groove pour Lui Hill, comme un graine de révolte intime pour Akyal et enfin, un titre à la cool pour Unda sway. Bref, du beau, du très beau monde, que nous devons soutenir parce que l’art, et la musique en particulier, est un mouvement de vie incoercible. Bref, sélection incandescente !
WENDY MARTINEZ, La chevauchée électrique.
Gros coup de coeur pour Wendy Martinez. Un petit quelque chose du Je t’aime moi non plus de Gainsbourg nous accueille sur La chevauché électrique, une basse présente, ronde, sexy, sur laquelle la voix de Wendy Martinez se pose soudainement et délicatement. Timbre chaud, grave, sexy (oui ça fait deux fois que nous utilisons le mot sexy, mais que voulez vous, ça ne se contrôle pas), lignes de chant roulantes et enivrantes, Wendy Martinez propose un texte riche, aux images puissantes, nimbée d’une grâce sixties absolument géniale.
On pense à Nico, à Grace Slick (pour des raisons évidemment iconiques), mais surtout ce qui nous plaît, c’est cette façon de parler d’amour sans sombrer dans les lieux communs. L’écriture y est pointue, aventureuse, comme cet emballement qui se saisit de nous quand nous « mélangeons nos ventres ». Lascive, sexuelle, la rythmique de La chevauchée électrique nous embarque dans un trip amoureux d’une puissance poétique rare.
Nous manquons de mots pour vous dire à quel point Wendy Martinez nous fait forte impression. Nous attendons avec fébrilité le premier EP de la dame, prévu pour février 2021. En attendant, c’est en boucle que nous écouterons La chevauchée électrique, comme pour nous repaître de tout l’amour qui en transpire (amour du bel ouvrage musical, textuel et amour, encore et toujours, du bel ouvrage de la nature). Ah ! L’amour !
ALIOCHA, C’est tout, c’est rien.
Nous avions adoré Eleven songs, le premier album d’Aliocha (qui remonte déjà à 2017). Durant le confinement, il a sorti son troisième album, Naked. C’est tout, c’est rien, est le premier single d’Aliocha depuis la sortie dernier effort, single en français là où l’artiste nous avait plutôt habitué à l’anglais. Le résultat de ce passage en français est d’ailleurs des plus réussis car le chanteur ne perd en rien de sa classe discrète.
Pour cette vidéo, Aliocha dit s’être inspiré des films réalisés par Andy Warhol. Regard face caméra, pellicule 16 mm, le charisme de ce chanteur, par ailleurs comédien, dégage une intensité incandescente. Mais un petit quelque chose nous trouble, un détail à peine perceptible qui se révèle à nous lorsque la caméra s’éloigne un peu.
On y voit une danseuse classique, Naïs Duboscq effectuer une glissade dans le mauvais sens. Ce qui nous intriguait était en fait que toute la séquence précédente, et qui continue par la suite, est passée à l’envers. Aliocha, pour les besoins de ce clip a appris son texte en verlan, ce qui crée un décalage presque imperceptible mais pourtant réel.
Pour le reste, nous aimons la délicatesse de ce chanteur, les ambiances feutrées de sa pop. Nous sommes ici dans un univers élégant, finement défini, où les apports acoustiques servent toujours de base à des chansons dégageant un infime sentiment d’intimité. Nous reviendrons vite sur Naked qui nous était passé sous le nez (parce que nous réitérons que nous aimons beaucoup cet artiste).
AKyAL, Comme une graine.
Autre propos, autre écriture incandescente. Il ne vous échappera pas que nous retrouvons chez Akyal cette fougue qui nous avait tant plu chez Fauve, ce mélange de spoken word, pas vraiment hip-hop, sur des musiques proches d’une urgence rock. Sur Comme une graine, la voix se fait vectrice d’interrogations personnelles fortes, sur la société, sur l’amour, sur le bonheur. Motifs répétitifs à la guitare, rythmique électro, tout est fait pour pénétrer, de gré ou de force, dans notre tête.
Si un décalage étrange entre le chant et l’instrumentation règne sur le refrain, nous mettant un peu en porte-à-faux, nous aimons cette rage adolescente de jeunes adultes, basée sur la constatation d’un monde dans lequel le narrateur ne se retrouve pas (trop romantique ? Trop « old school » ? trop…bien pour cette société ultra consumériste ou l’amour se prend, se jette?).
Ce single ne manque pas de nous faire réfléchir sur la propre route que nous nous traçons quotidiennement, sur celle que nous souhaitons emprunter, et pourrait fort bien créer quelques émois/réactions chez ceux qui s’identifient encore un peu à des valeurs sur le point d’être ensevelies pour toujours sous un bourbier de contradictions et d’incitations à toujours plus consommer (même les sentiments). Un nouveau morceau est prévu pour très très bientôt, on ne manquera donc pas de vous reparler du duo (Valentin Sauton, Laurent Imbeaux) très rapidement.
UNDA SWAY, Changes
Nouveau duo, mais un style encore une fois différent. Nous avouons que d’ordinaire, ce style mêlant hip-hop, chant « reggae », inclusion world music nous laisse souvent de marbre. Mais ici, ce petit instrumental inspiré d’un rock 50’s fait immédiatement mouche. Porté par une rythmique à la cool, nous faisant penser à un groupe comme Fun lovin criminal, le morceau nous entraîne dans son univers sans brusquer les choses.
La voix nous invite à la rejoindre, de façon très amicale, à passer un moment tranquille à ses côtés. Alors que cela est vivement déconseillé pour cause de covid, l’envie est de s’inviter chez Unda sway, d’échanger avec eux, de refaire le monde, comme si la musique de Changes était en fond sonore, distillant cette chaleur inhérente à toute réunion amicale, autour d’un verre ou d’une bonne bouffe. Cette sensation de proximité fait tout de suite le charme de ce morceau et nous donne envie d’en connaître plus sur Unda Sway tant cet accueil nous paraît chaleureux. Et ça fait un bien fou par les temps qui courent.
LUI HILL, Creatures.
Rythmes discoïdes, nous influençant fortement à venir sur le Dancefloor, Creatures de Lui Hill nous possède avec une basse qui nous prend au ventre instantanément. Dessus, se pose une voix au chant nous rappelant comme ça, vite fait, James Murphy de LCD soundsystem (sur les couplets principalement). Jouant l’entre-deux groove possessif et épure disco punk, Lui Hill nous entraîne dans son univers bipolaire de façon plus que convaincante.
Nous aimons ce rythme presque indolent, cette évolution, tant dans le clip qui l’accompagne que par l’ultime solo de guitare, qui pourrait se dérouler à l’infini en proposant des variantes toujours inattendues et inventives. Bref, Lui Hill renvoie Daft Punk au vestiaire en s’imposant comme futur titulaire d’une électropop inspirée et sortant des sentiers (re)battus.
SONORA CRY, Bleach & prayers
Blues rock à la guitare abrasive, ressuscitant, une fois encore, le mythe de la musique du diable et du fameux pacte conclu entre le Malin et Robert Jonhson, Sonora Cry nous fait forte impression avec sa musique. Groove intestinal, puissance à peine masqué par une batterie inspirée, la musique du groupe nous ramène à un passé fantasmé pas si éloigné que ça de nous, un univers de poussière, de cow-boy et tout ça.
Mais ce qui fait l’originalité de ce morceau, c’est la présence du didgeridoo qui nous propulse en terre vaudoue, là où règne un parfum de magie tendue, à deux doigts de faire rompre les digues derrière lesquelles toutes les frustrations actuelles sont contenues. Puissant, terrien, blues dans l’âme, le morceau nous ravit au plus haut point.
MIND AFFECT, Pure.
Il y a quelque chose qui fait mouche tout de suite chez Mind Affect. Le trio parisien nous convie , avec Pure, dans une histoire d’amour (fortement) contrariée. Ce truc qui fait mouche, outre la formule power trio nous évoquant Muse et Placebo (pour ce dernier, nous trouvons dans le chant un petit truc à la Brian Molko, en beaucoup moins nasillard et énervant), c’est ce petit grain qui survient en fin de ligne de chant (super maîtrisées les lignes de chant) et qui possède un charme rock insolent.
Si le groupe joue effectivement dans une catégorie rock/pop, il le fait de façon plus contenue que Muse (bien moins irritante également, notamment parce que Matthew Belamy chante comme un asthmatique qui aurait perdu sa Ventoline), jouant sur une tension qui nous place dans une situation d’attente presque insupportable. Il est très dur d’imaginer que le groupe est français tant ses influences, parfaitement digérées, sont anglo-saxonne. La composition est efficace, la production léchée, et nous sommes en droit d’espérer que ce titre soit le prémisse d’une belle carrière. Pure est extrait d’Emma, album déjà disponible sur lequel nous essayerons de revenir dans les jours/semaines à venir.
GABY DUBOISJOLI, C’était pas la bonne.
Ce titre nous a appelés à lui. Nous avouons également que cela nous a surpris. Cette ambiance club en général nous fait nous tenir à distance, mais, ici, quelque chose retient notre attention. C’était pas la bonne (cliquez sur le lien pour être dirigé vers le titre) possède un truc imparable, un rythme lancinant qui nous électrise et nous fait bouger quand bien même nous ne le désirerions pas. Les sonorités de claviers, sombres, jouent le contraste avec cette rythmique pénétrante, lendemain de fête qui déchante et coeur en morceaux.
Le travail de production est plutôt inventif, très personnel, possède presque un côté feutré, lounge, loin de ce qui se propose d’ordinaire (grosse basse et BPM à la charge). La voix, nimbée d’écho, propose un texte aux tournures bien léchées, c’est-à-dire à la fois léger mais pas creux (comme c’est très majoritairement le cas dans ce style où les paroles n’ont souvent aucun intérêt). L’effet que nous fait C’était pas la bonne serait celui d’un after où les illusions portées par un esprit de fête montrent leur réalité, souvent bien loin des paillettes et de l’ivresse.
Alors nous ne pouvons qu’adhérer au propos de Gaby Duboisjoli, parce que son morceau est malin comme tout, dansant et réfléchit, un vrai morceau pop en somme, fait pour danser et oublier cet état de descente post soirée. C’était pas la bonne est le versant français de Tonight was not the one qui sort également aujourd’hui.