EL PERRO, Hair Of El Perro
Premier album chez Alive Natural Sound (dispo le 24 juin)
Quand le leader d’un groupe de rock connu et reconnu se lance dans un nouveau projet, on peut craindre qu’il ne soit pas à la hauteur de sa précédente reconnaissance. Mais avec ce nouveau groupe, El Perro, Parker Griggs, chanteur et guitariste des déjà très bons Radio Moscow, ne tombe pas dans le piège et nous sort un album rock, à tendance psychédélique latine haut de gamme.
Accompagné dans ce groupe par le batteur de Radio Moscow, Lonnie Blanton, le bassiste Shawn Davis, et le guitariste Holland Redd, Griggs laisse libre cours à leur créativité et nous offre simplement un album époustouflant.
Si Funkadelic semble une référence manifeste, on trouve aussi dans cet album des parties que n’aurait pas reniée non plus un certain Carlos Santana. Pourtant, El Perro brille avant tout, et surtout, par sa personnalité propre.
Garage 70’s.
Les belles années 70 sont remises sur le devant de la scène. Guitare et fuzz s’en donnent à cœur joie, la paire rythmique est irréprochable d’efficacité et de feeling, les mélodies sont géniales et l’apport de percussions donne une teinte world music superbe. Elle nous évoque effectivement une fièvre latine incandescente, un boogie monstrueux, tout en chaleur et en sensualité. Le titre fleuve Black days, de légèrement plus de 12 minutes en est l’un des exemples les plus criants tant nous sentons une inspiration divine l’habiter.
C’est simple, si la première partie de celui-ci semble écrit, bossé et potassé par le quatuor, la deuxième partie donne quant à elle dans une improvisation divine, où le groove, le rythme, la vie s’écoule liquide à travers les notes de guitares. Les rythmiques occupent toute la place, semblent nous ramener vers une ère primale, tribale, où la célébration d’un quelconque dieu païen mettait en pâmoison toute une tribu d’apôtres extatiques. Nous retrouvons foi en ces temps révolus, en ce pouvoir de la musique à édifier un temple pour chacun, d’où qu’il vienne et qui qu’il soit. Mais ce qui est vrai pour ce titre s’avère également juste pour l’ensemble du disque, à une ou deux exceptions près.
L’instrumentale en réponse au chant.
Si les parties instrumentales sont légion, elles sont là en réponse au chant vibrant, gorgé d’un trémolo parfaitement maîtrisé qui lui en donne les aspérités. Les lignes de chant sont redoutables de précision, le chant est habité juste ce qu’il faut pour nous entraîner dans sa suite dans des hymnes qui n’en sont pas mais qui pourraient aisément en devenir (à l’image de ces mantras répétitifs de Breaking free qui pourraient fédérer un public en transe).
Jamais agressive, la voix appelle juste à une vie rock n’roll, une vie à brûler la chandelle par les deux bouts, en s’en foutant d’un lendemain quel qu’il soit. Sans âge, sans frontières, il est cri de nourrisson, capable de s’ébahir de toute la beauté du monde. Sauvage mais jamais incontrôlable, il est la caution d’un rock abrasif qui, sans lui, perdrait un peu de son mordant. Car sans lui, pas de réplique aux riffs de guitare, par de répondant au congas martelés, juste un vide criant.
Démoniaque salsa.
Mais ce qui fonctionne le plus, outre le rythme trépidant, la vibrance des distorsions et fuzz, le décalage de ce léger delay, c’est cet apport percussif qui nous placerait en plein cœur d’une salsa démoniaque (rien à voir avec la fameuse salsa du démon de triste mémoire). Non, ici, il s’agirait d’une célébration à deux doigts d’être vaudoue, d’une magie noire pleine d’une sensualité poisseuse, mais o combien jouissive. Pour dompter un tel rythme, il faut assurément des magiciens musiciens, de ceux qui savent diriger le feu là où il doit éclairer les ténèbres (ou inversement).
Alternant passage de folie furieuse avec des passages plus chargés en groove (mais moins en électricité), El Perro maintient la tension, le tempo, sans éloigner de ses prérogatives rock psyché. Nous sentons en chaque composition le potentiel dévastateur qui doit être le sien sur scène, ce brasier infernal dans lequel le groupe peut plonger l’auditoire, sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, à aucun moment.
En nous étourdissant par les décibels et le rythme, c’est à un train d’enfer échevelé qu’El Perro nous conduit au bord de l’asphyxie, ou de la syncope. Plus puissante qu’aucune drogue existante, cette musique du diable nous envoie au septième ciel, illico presto, en oubliant forcément de nous comporter comme de gentils garçons. Hair of El Perro est simplement une merveille du genre. Formidable.
LE titre de Hait of El Perro.
Nous l’avons cité, il s’agit de Black days, qui nous rappelle les longues improvisations ethno rock-jazz et guitaristiques d’un Santana alors au meilleur de sa forme. La partie percussive en « pont » du titre est simplement magistrale. Un pur orgasme de sensualité et de groove, sans aucune faute de goût, sans aucun élément nocif. Avec qui plus est un effet stéréo du plus bel effet. Et le pire, c’est que ce titre, point d’orgue de l’album, est talonné de très près par l’ensemble des titres. Car l’album est d’une rare homogénéité et cohérence. Comme un long trip de 41 minutes. Immanquable.
Eric
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Il est vrai que ce disque est assez « viril » et vintage et tout ce qui est rythmique et solos est dévastateur mais j’avoue avec du mal avec le chanteur plus gueulard qu’autre chose.
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Patrick Beguinel
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Propos qui peut se défendre. Là où vous voyez un chanteur gueulard, je vois plus quelqu’un qui s’exprime avec fougue. La frontière est très mince entre les deux. J’ajouterai simplement que le chant est presque minoritaire par rapport aux passages instrumentaux et que, s’il avait été plus présent, peut-être aurais-je aussi ressenti un forme de lassitude quant à celui-ci. Bref, cet équilibre là fait pour beaucoup dans ce coup de coeur, mais ça se joue à rien effectivement.
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