chronique roman, nouvelles, récit
OLIVIER FENESTRAZ, Une vie punk (éditions du joyeux pendu)
Les petits mouchoirs version keupon.
Le nom d’Olivier Fenestraz n’est pas inconnu des mordus de punk. L’auteur d’Une vie punk est en effet connu pour avoir été , de 1991 à 2009, chanteur des formations Coma prolongé, Georgette 2 et CPPN. Il s’attarde, dans son roman, à décrire la vie d’une bande de potes à la fin des 80’s, époque bénie des cieux par tous les amoureux de rock alternatif et du do it yourself. Avec une forme de bonne humeur communicative, Olivier Fenestraz nous replonge dans une époque où tout semblait possible, c’est-à-dire entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte.
On va tout de suite écarter ce qui pourrait chagriner. Ce livre ne sera jamais en lice pour un quelconque prix littéraire pour ses qualités d’écriture. En effet, celle-ci vient du bitume, de la banlieue, des vieux briscards qui ont fait les 400 coups. Pour autant, si nous ne sommes pas dans une « grande » littérature, il s’avère que le bouquin comble haut la main ce petit déficit par son ton enjoué, par la force évocatrice de son propos, ce qui en fait un livre foutrement sympathique, comme la joyeuse bande des Déch’haine.
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Les Déch’Haine.
Tout commence à la fin du lycée, où les 5 amis n’ont pas forcément brillé par leurs performances scolaires. Ils passent leur journée à glander devant leur ancien lycée, à picoler des bières, à refaire le monde. On retrouve, par ordre alphabétique Dany, Dragon, Kroune, Polo et Stroy. Ils vivent tous en banlieue parisienne et se font pas mal chier, pour tout dire. Mais surtout, ils sont mordus de punk rock, au point qu’ils décident un jour de monter leur propre groupe. Celui-ci, après quelques discussions, se baptisera Déch’Haine, comme ils sont toujours dans la dèche et qu’ils ont la rage. Mais surtout, ces 5 types sont liés entre eux par une amitié indéfectible.
Nous suivons donc leur parcours parsemé d’embûches.. Oh, pas de grosses embûches, juste celle d’une bande de poissards. Il faut dire qu’ils ne sont pas très doués, les gus. Entre bagarres, soirées défonce (alcool principalement) et concert, leur vie se résume en gros à se la couler douce. Le jour où ils décident de former leur groupe pourtant, tous vont devoir bosser pour se payer des instruments de musique. Ce qu’ils font la mort dans l’âme. Mais grand bien leur en a pris car, petit à petit, le nom de Déch’Haine s’impose sur Paris, et même en province.
Une vie Punk.
Avec sa plume légère, parfois un peu ampoulée néanmoins, Olivier Fenestraz nous tire donc le portrait de cette bande de gamins qui possède des rêves plein la tête, rêves qu’ils décident d’assumer, comme des grands. Entre petites galères du quotidien et insouciance, entre énergie créative et folie punk rock, on se prend au jeu des souvenirs du chanteur, punk rockeur lui-même. Car, s’il s’agit bien d’un roman, nous ne pouvons nous empêcher d’y lire en creux un peu, beaucoup, du vécu de ce musicien aujourd’hui devenu professeur de français en Bulgarie.
Alors, forcément, le livre se teinte de quelques touches nostalgiques d’une époque pas si lointaine, celle des fanzines, des cassettes dupliquées de démos, celle d’une époque où les téléphones portables n’existaient pas, où l’on jouissait, malgré tout, d’une certaine liberté. La sincérité qui coule des mots d’Olivier Fenestraz est plus que touchante, parce qu’elle sent bon la vérité. Amitiés et musique sont au centre de ce parcours presque initiatique sur le chemin de la vie. Il est surtout un majeur tendu face à tous ceux qui vous rabaissent sans cesse, vous disant que jamais vous n’arriverez à rien.
Car oui, s’ils ont tout des losers, qu’on les imagine facilement devenir des punks à chien, les 5 amis de Déch’Haine avancent sur leur chemin avec une obstination qui force le respect. L’univers scolaire les a en quelque sorte broyés, tout comme la vie en banlieue, pourtant, ils ont la rage. Pas forcément celle contre les flics (qu’ils détestent néanmoins), mais surtout celle de prouver, et de se prouver, qu’ils peuvent eux aussi réussir dans quelque chose dans la vie. Ici, il s’agit de la musique, refuge de ceux qui ont des choses à dire, refuge des laissés-pour-compte.
Site officiel des éditions de joyeux pendu
Anecdotes et amitiés.
Le bouquin est une source d’anecdotes presque inépuisables, allant des souvenirs de concerts vus à ceux vécus en tant que musiciens, souvenirs des galères de tournée, souvenirs de ces soirées passées à rêver à un avenir meilleur entre deux bouteilles de vodka et un joint. Souvenirs des amours passées. Et enfin souvenirs d’une époque où, finalement, nous pensions que tout était possible, avant que la réalité nous rattrape aux alentours de la quarantaine.
Tout cela fait d’Une vie punk un livre presque générationnel, en tout cas pour une frange de la population, celle des ouvriers, des tâcherons, des banlieusards, des « pas nécessaires », des « pas premiers de cordée », celle des losers, des quantités négligeables, celle de ceux qui ont le cœur généreux mais qui ont pris des coups, celle de ceux qui sont relégués en marge d’une société qui écrase tout sur son passage.
Si le propose d’Olivier Fenestraz est avant tout de relater l’histoire de cette bande de potes, force et d’admettre qu’il décrit aussi avec finesse une époque particulière. D’ailleurs, son roman s’arrête alors que le groupe perce enfin sur la scène rock nationale, soit au début des années 90. L’épilogue, lui, se situe à la fin des années 2000, après que le groupe a splité et que tous ses membres soient rentrés dans le « droit chemin ». Bien qu’une légère pointe d’amertume y pointe le bout de son nez, le livre, qui se termine sur une phrase énigmatique, reste un feel good book qui plaira à tous les (punk)rockers qui se respectent. Et reste un putain de bon moment !
NDLR : le livre est préfacé par Pat, chanteur des Rats et quelques illustrations de Pat Pujol y sont présentées.
Retrouver aussi les ouvrages des éditions Chez Simone