CÉLINE DUTT, Les racines de la honte (auto-édition)

céline dutt les racines de la honteDécouvrir son histoire à travers l’Histoire.

Les racines de la honte, premier roman de Céline Dutt, revient sur l’histoire d’Éléonore, tout juste trentenaire, dans les années 70. Le jour même de son anniversaire, ses parents l’informent par téléphone qu’ils doivent la voir pour lui parler de quelque chose d’important. Cette discussion la conduira en 1940 où l’histoire de sa mère lui sera racontée, puis dans les années d’avant-guerre où celle de sa grand-mère.

Deux histoires qui mettront la jeune femme face à la sienne, inextricablement liée à celles ayant secoué la première partie du XXé siècle. Avec ce jeu de retour dans le passé, Céline Dutt nous offre un roman historique, pure fiction qui revient en grande partie sur la période trouble de la deuxième guerre mondiale.

La forme.

Le livre se décompose en trois parties. La première se déroule dans les années 1970, en 74 pour être plus précis. Nous y suivons Éléonore, trentenaire célibataire travaillant comme journaliste au Monde. Sa vie est bien rangée entre son boulot et ses amitiés. Le jour de ses trente ans, elle reçoit un appel de ses parents qui l’invitent le week-end qui vient chez eux afin de parler d’une affaire importante. Dans le même temps, elle fait la connaissance d’Yves, jeune homme avec qui elle lie une histoire d’amour.

Avec lui, et suite aux révélations de ses parents, elle fera les démarches que, peut-être, elle n’aurait pas assumées seule. La romance côtoie ici une révélation qui remet tout en cause de la personnalité de la jeune femme. Nous voyons dans cette première partie le portrait d’une femme dynamique, forte et indépendante, qui ne se contente pas de vivre la situation, mais qui au contraire cherche à retrouver ses racines (celle de la honte comme l’indique le titre du roman), lesquelles sont pourtant noyées dans un bourbier pas forcément très reluisant.

La guerre et ses horreurs.

Les parents de la jeune femme lui dévoilent son histoire. Celle-ci embrasse celle de la seconde guerre mondiale. Sa mère et son père vivent près de Chantilly, à Lamorlaye, lorsque l’Allemagne nazie commence ses méfaits. Très vite, la France entre en guerre et son père est démobilisé pour combattre les Allemands. Sa mère reste seule avec son frère, ses sœurs et sa propre mère quand l’imminence de l’invasion Boche les force à quitter leur domicile pour rejoindre l’Auvergne. Seule Gisèle et sa mère rejoindrons ce qui deviendra la zone libre.

Une fois « hors de danger » cependant, Gisèle tente de retrouver son mari. Elle retournera à Paris pour tenter d’avoir de ses nouvelles. Quand elle en aura, elle l’avertira d’où elle se trouve, dans l’espoir qu’ils puissent retrouver une vie normale. Quand ils se retrouvent, ils repartent à Lamorlaye, reprennent une vie normale, jusqu’à ce que le destin leur offre une fille.

Cette deuxième partie, qui fait le corps du livre puisqu’elle est la plus développée, revient sur la vie des femmes durant cette deuxième guerre en un demi-siècle. Nous y voyons, avec forces détails, les conditions de la vie sous l’occupation, la peur, l’incompréhension sidérante de ceux qui doivent continuer à vivre le plus normalement possible malgré les conditions souvent précaires. La précision des références historiques confère au roman une épaisseur bienvenue, qui contrebalance avec le côté plus léger de la romance présent dans la première partie. Non pas que celle-ci soit désagréable ou secondaire, simplement leur « mariage » nous montre deux facettes distinctes de l’écriture de l’autrice, aussi à l’aise dans la pure fiction que dans la relation à la grande histoire.

Avant-guerre.

La troisième partie revient sur la vie de la grand-mère d’Éléonore. Enfin pas tout à fait, mais, afin de ne rien spoiler, nous resterons très vague sur ce qu’elle contient. Simplement, nous dirons qu’elle traite en gros des relations troubles entretenues par certains collaborateurs avant l’heure. Nous y voyons ici l’attrait malsain qu’exerçait Hitler, sur ce que sa personnalité et idées déclenchaient sur certaines personnes ordinaires. Les fameuses idées trouvent écho chez certains qui rallient la doctrine nazie avec un engouement si malsain qu’il en demeure encore aujourd’hui des restes qui paraissent imputrescibles.

Cette partie, plus brève, s’achève sur une question irrésolue, laquelle nous laisse supposer qu’une suite est possible. Nous ne serions pas contre tant nous nous sommes attachés à la personnalité des
différentes héroïnes (que l’on retrouvent toutes dans celle d’Éléonore) et à l’écriture de Céline Dutt. Celle-ci trouve un parfait équilibre entre une spontanéité totalement raccord à la personnalité d’Éléonore et une rigueur d’historienne. La dualité entre ces deux plumes donne un livre haletant, à l’écriture fluide, plaisante à lire, rythmée, qui réussit à peindre des réalités sans jamais forcer le trait. Ce dernier point est important, car un autre auteur aurait pu caricaturer ou manquer de finesse, ce que Céline Dutt évite avec clairvoyance.

Note de la rédaction

Enfin, nous notons que ce livre est une auto-édition. L’autrice est lectrice-correctrice indépendante, suite à une reconversion professionnelle (elle enseignait auparavant l’histoire). Cette reconversion lui a ouvert les portes de l’édition et elle a mené à bien ce premier roman qui ne souffre d’aucune malfaçon (il ne s’agit pas d’un livre Amazon, nous le précisons), que ce soit dans le texte ou la mise en page et le travail graphique. Il fallait le dire car Les racines de la honte est un bon et beau livre, preuve que l’auto-édition est une voie comme un autre pour mettre ses écrits en lumière.

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