[ALBUM] XIXA, GENESIS // chamanique et désertique
Deuxième album déjà disponible chez Julian Records, the orchard.
Ce disque, nous ne sommes pas passés à côté. Certes, il est paru le 19 février, ce qui fait déjà un bon gros mois, mais ce disque, il faut du temps pour le goûter. C’est un peu comme le vin : ce n’est pas parce qu’il réveille instantanément les sens qu’il ne cache rien sous la surface. Et en ce sens, il faut s’enivrer de Genesis comme il se doit, jusqu’à ce que la tête nous tourne, et jusqu’à ce que notre estomac se retourne.
Attention, non pas que nous arrivions au point de se dégoûter du disque. Non, ce sont les remontées émotionnelles qui nous mettent l’estomac à l’envers. Soyons plus précis si vous le voulez bien. Il y a la première impression de l’ensemble du disque qui nous paraît, dès la première écoute, bonne, voire même un cran au-dessus du bon. Nous aurions déjà pu écrire sur Genesis, mais une petite voix nous disait : non, écoutez un peu, encore, y a autre chose sous la surface. Alors, écoutant cette petite voix maligne, nous nous exécutons. Ce qui explique le retard de livraison.
Il faut dire qu’elle a eu raison d’insister cette petite voix tant ce qui se passe en sous-texte est aussi important que cet aspect catchy de la première écoute. En effet, sous des atours que nous qualifierions de rock psyché planant à tendance mexicano péruvienne et morriconienne, le groupe nous propose un voyage sensoriel complètement hors des modes, hors des styles, portant une émotion ténue sur fond de tension électrique. Et développe son originalité de ton, sa personnalité avec brio.
Le premier pas.
Thine in the kingdom est un pas dans l’inconnu, comme tout premier titre de tout album se respectant. Annonciateur des couleurs générales dudit album, nous craignons un temps qu’il se révèle un leurre, un piège. Pourtant ce titre fait partie de ceux qui intriguent d’emblée. Il nous dit, comme ça, au creux de l’oreille, d’une voix possédant tous les charmes du diable, que nous pénétrons dans un univers fort et à part. Cette voix est en fait double, puisqu’elle est celle de Brian Lopez et Gabriel Sullivan, seuls membres à bord de se projet qu’est Xixa. Ils se sont rencontrés au sein de Giant Sand et ce Genesis est leur deuxième album.
Mais bref, cette voix double possède un charme vénéneux, inégalable, reposant sur une légère harmonie entre timbre rauque, presque d’outre-tombe, et voix plus claire, et surtout sur une musique que l’on aime à retrouver sur les premiers albums de Calexico, c’est-à-dire celle gravitant aux abords du Nouveau-Mexique, du Rio Grande, plus précisément du côté de Tucson, Arizona (comme Calexico en somme).
Pas étonnant que l’on retrouve un peu du sable du désert dans les cordes vocales et dans celle des six cordes. Pour autant, ici, pas de mariachis, pas, ou très peu de folk dans le sens premier du terme, mais un rock souvent chaloupé, très souvent psychédélique, sensuel, dont la production, parfois à la limite du kitsch (et croyez-nous, ça lui donne un putain de style, incomparable et sexy), nous entraîne en des territoires insoupçonnés. Le deuxième titre Genesis of Gaea, qui vous donne immanquablement envie de danser, possède un sens du groove plein de feeling qui s’empare de vous, sans jamais relâcher son étreinte.
Entre rock et folklore mexicain/cumbia péruvienne, version dark.
Nous retrouvons l’essence « musique du monde » sur un titre comme Eve of agnes, ou encore May they call us home, et cela nous va très bien, puisque nous avons, un peu, l’impression de retrouver l’ambiance que l’on imagine ancrée du côté de la Louisiane. Un truc un peu vaudou, un peu chamanique, un peu, non beaucoup, spirituel, gorgé d’aspects traditionnels transportés par tradition orale, ici magnifiquement porté par le duo, tant vocalement que musicalement. Un esprit épique habite certaines compositions, comme ce lien indéfectible unissant deux frères d’armes face à un destin qui les conduirait face au mur. On pense, un peu à El Mariachi de Robert Rodriguez (dont le remake, par Rodriguez himself se nomme Desperado, avec Antonio Banderas dans le rôle titre, et qui est un gros navet en comparaison de l’original, mais nous nous égarons), notamment avec ce côté fier, arrogant, mais droit dans ses bottes, héroïque, jusqu’au bout du chargeur.
Les images pleuvent sur Genesis. On pense, aux narcotrafiquants, à la fête des morts dans le cimetière d’un village isolé, à la fête tout court, à l’amour (Genesis est un album romantique), à tout un imaginaire sud-américain, autant contemporain que fortement nimbé d’aspect ancestraux (malédictions provenant de Dieux forcément oubliés mais remis au goût du jour par Xixa). La musique, cinématographique, se pare de toutes les couleurs du cercle chromatique, mais principalement des rouges, ocres, noirs. Malgré des choix qui peuvent laisser croire à des explorations partant dans tous les sens, l’album reste cohérent en toute occasion.
Magie et rites ancestraux.
Enfin, il y a de la magie noire, un truc poisseux, dark, pétrole, un petit jeu mesquin qui se déroule autour de nous mais dont le sens ou la teneur exacte nous échappe. Les références sont multiples et pleuvent comme le soleil sur Genesis. Xixa ne s’interdit rien, pas plus la balade plombée que le plus affriolant des « afro beat » (Eye of agnes et son chant dans une langue que nous imaginons être de l’arabe). Le mexicain est lui utilisé sur May they call us home, donnant une emprise territoriale encore plus prégnante.
Passant d’un côté et de l’autre de la frontière, Xixa électrise nos pensées, nous déroute, nous surprend, nous charme et nous repousse dès que nous succombons à ces attaques mortellement séduisantes. Riche et protéiforme, sa musique est un régal, de ceux qui révèlent de nouveaux mystères à chaque écoute. Impossible de rester de marbre devant tant de réussite, devant tant d’envie de sortir des chemins tout tracés. Un album à part.
LE titre de Genesis.
Avec ses abords « électros », avec son rythme caliente, avec ses claviers sortis tout droit des 80’s, le groupe nous montre que tout peut se mélanger et produire un titre qui n’aurait pas forcément dépareillé, en tout cas dans son entame, avec l’album Caravanserail de Santana. Mais par la suite, Soma évolue, gagne en épaisseur, tisse une dramaturgie exagéré mais qui reste parfaitement dans le cadre. Derrière, le motif se répète, plein de groove et de soleil. On se prend à planer avant de se retrouver en pleine descente avec une espèce de dysharmonie orageuse jouissive sur le refrain. La fin du morceau renoue avec une certaine électro, avec une certaine pop à la Arcade Fire avec choeurs habités et une emphase portée à son paroxysme.
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