WOVENHAND, Silver sash (déjà disponible)
Musique du Diable.
Le rock a longtemps été considéré comme étant la musique du diable. Si, à l’époque, Andrew loog Oldham, pour étayer la chose n’hésitait pas à forcer le trait montrant les membres d’un groupe comme étant de mauvais garçons, en témoigne la célèbre formule « laisseriez-vous votre fille épouser un Rolling Stone ? », il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, le rock n’a plus rien de diabolique, ni même de sulfureux. En êtes-vous bien sûr ? Avec ce nouvel album de Wovenhand, répondant au nom de Silver Sash, vous pourriez revenir sur votre position.
En effet, depuis 2016, le groupe n’avait pas donné signe de vie. Mais il revient, tel un phénix, des flammes de l’enfer. Bon, peut-être que nous sommes un chouia too much, il n’empêche que ça fait toujours un bien fou de retrouver David Eugene Edwards (Sixteen Horsepower) et sa présence charismatique de prêcheur fou. Ce nouvel album, le premier entièrement composé avec son acolyte Chuck French (Planes Mistaken For Stars). En résulte 9 titres brûlants de rock/americana à la noirceur insondable.
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Son démoniaque.
Premier élément de poids, le son d’ensemble de Silver Sash est massif, oppressant, mais aussi porteur de sublimes trouées lumineuses, de bouffées d’oxygène tout sauf superflues. Tout se passe à l’aide d’une guitare folk, d’une guitare électrique, d’une batterie, d’une basse et de quelques drones. On retrouve aussi du piano, du banjo, du moog, utilisés pour colorer un peu l’ensemble. La voix de David Eugene Edwards n’a rien perdu de sa superbe, pour ceux qui se poseraient la question, et nous électrise instantanément. Son traitement, à base de réverb et d’un effet qui tend à rendre sa voix légèrement métallique, la rend prédominante, comme si elle nous boxait la cage thoracique avec une force surhumaine.
Derrière elle, les musiciens donnent le change, imposant un blues alternatif, une country alternative, bref une américana alternative lourde, poisseuse, pleine d’un groove tellurique, laissant peu de place à la légèreté. Pourtant foutrement efficace, il nous porte à bout de bras, nous donne envie de nous jeter dans une fosse et de pogoter comme si le corps à corps était la seule échappatoire possible à nos tourments intérieurs.
Finesse.
Mais une fois ce son adopté et domestiqué, si tel cas est possible, nous découvrons en sous-couche des arrangements d’une rare intelligence. En effet, ils se fondent dans cette lourdeur marécageuse tout en l’élevant parfois vers des cieux plus cléments. Autrement dit, ils apportent un peu de finesse dans l’univers âpre (et un peu dérangeant) de Wovenhand. Passé un temps d’adaptation, Silver sash dispense dès lors des couleurs plus nuancées, proche d’un pardon qui nous conduirait des enfers au purgatoire.
Forcément, ce qui saute aux oreilles avant toute chose, c’est cette homogénéité du disque. Mais, si les compositions semblent d’un premier abord assez monolithiques, elles ne tardent pas à montrer des structures progressives et évolutives, même si reposant, c’est une constante chez David Eugene Edwards, sur une formule assez old school dans leur construction (comprendre que les refrains ne sont jamais oubliés sur ce disque).
Derrière la noirceur.
Forcément, le disque met un peu de temps avant d’être apprivoisé, car il nous renvoie sans cesse dans nos retranchements. Il règne tout au long des 9 plages une sorte d’aura noire, de désespoir cyclique, que ne viennent jamais démentir les musiciens. Avec ce charisme si particulier, David Eugene Edwards semble chanter le monde des ténèbres, des bas instincts, animaux, des hommes. Pourtant, il existe, malgré tout, une pointe d’espoir.
Elle n’apparaît que brièvement, par quelques éclairs de génie, comme une trouée dans les nuages qui laisserait passer un fugace rayon de lumière. Il faut le saisir, ce moment particulier, pour sentir qu’un espoir est effectivement permis, que tout n’est pas foutu d’avance, même si très vite nous retombons sur Terre avec un poids incroyable sur les épaules, celui d’une fatalité qu’on refuse d’affronter.
Si le rêve américain existe, Wovenhand en est la face obscure, désenchantée. Il n’en demeure pas moins que ce disque, aussi âpre soit-il, aussi violent aussi, d’une certaine manière, ne quitte pas notre platine, en nous rappelant qu’il vaut mieux réagir que de se laisser berner par de vastes promesses d’un avenir meilleur. Dit autrement, Wovenhand nous indique, comme ça, qu’il vaut mieux prendre sa vie en main avant que d’autres s’en chargent et la ruine.
LE titre de Silver Sash.
Pour nous, c’est le très rock Dead Dead Beat qui nous fait vibrer. Parce qu’il reprend les choses là où elles n’auraient pas dû s’arrêter, c’est-à-dire en laissant l’urgence poindre de cette rythmique binaire, qui nous prend à la gorge et ne nous lâche pas véritablement puisque le titre s’achève après une période de turbulences bien contenue, ce qui n’a d’autre effet que de nous frustrer encore davantage là où une cavalcade tous riffs devant aurait relâché la pression. Il faut, pour cela, attendre le morceau suivant, Omaha, bien qu’il nous frustre encore bien comme il faut celui-là.
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