[ ALBUM ] UNEIMA, Bel-Air, parler la mélancolie amoureuse.
Bel Air, premier album d’Uneima.
Il est toujours étonnant de constater comment un album peut nous faire changer d’avis sur des a priori tenaces. Les nôtres se situent quelque part dans les années 80, période musicale que nous fuyons comme la peste (allez savoir pourquoi ?). Toujours est-il que Uneima propose une musique faite en partie d’une production s’inspirant de ces années qui nous horripilent, mais, avec Bel-Air, son premier album, nous en viendrions à vaincre toutes nos réticences. On vous décortique ça ?
La production.
Effectivement nous retrouvons un peu de cette production typée années 80, c’est-à-dire cet étrange mélange entre un côté clinquant et cotonneux. Vous savez, ces batteries qui ne claquent pas, comme si les peaux des fûts étaient détendues, rondes. Idem pour les guitares, avec cet écho/réverb’ ample tandis que les cordes sont cristallines. Et que dire des synthés, eux aussi typés. Oui mais ici, ça va, on aime bien. Enfin non, on adore. L’Homme est bourré de contradictions, nous n’y faisons pas exception.
La production de Bel-Air, si elle s’inspire des années 80, est pourtant bien celle de la fin des années 2010. Quelques toutes petites rythmiques électros, une modernité vintage (oui, ne cherchez pas, c’est une contradiction aussi), un son qui donne une couleur renforçant des émotions à fleur de peau, au spleen exaltant. Tout concourt à nous éloigner d’une époque pour plonger à corps perdue dans une autre, sans que tout ne soit renié pour autant. L’équilibre est ici parfaitement mis en place et nous permet de découvrir un disque, derrière des thématiques universelles et des sonorités que nous imaginons maîtriser sur le bout des doigts, un disque très personnel (et en ce sens totalement unique).
Les compositions.
Les compositions sont totalement dans l’air du temps. Mais, là aussi, contradiction. Parce que nous sentons bien qu’Uneima possède une culture qui s’est forgée au fil des ans et, comme beaucoup d’auteurs compositeurs de sa génération, a eu accès, via la magie d’internet, à une banque de données musicales de ouf. Résultat, un savoir faire presque à l’ancienne, qui en reprend certains codes tout en les arrangeant avec une finesse tout à fait actuelle.
Celle-ci se traduit, musicalement, par des petites touches, très discrètes, qui pimentent, la chose. Quelques déflagrations électroniques, des rythmiques aventureuses (on pense notamment au titre Les roses), des arrangements souvent inattendus et des parties instrumentales qui nous font partir très loin, comme lorsque nous perdons nos yeux dans l’océan, dans le ciel, ou dans le regard de la personne que l’on aime. Le côté ouaté et rassurant de la production aide à se sentir libre de laisser nos pensées vagabonder du côté vers lequel penche notre coeur.
Les textes.
Et justement, dans Bel-Air, le cœur est amoureux. Il en saigne parfois, de cet amour. Uneima en raconte la complexité avec des mots simples, mais bien pesés, des mots qui nous dise que tout ne va pas si mal, qu’il faut laisser le temps s’écouler, que les réponses arriveront en temps et en heure. Exprimés dans un parlé chanté qui nous file presque immanquablement le frisson, ils font mouche, immanquablement.
Ah ! L’amour ! Ce sentiment que nous connaissons tous et qui, paradoxe encore, nous est toujours si inexplicable. À la fois source de force et de vulnérabilité, ce sentiment magique est ici exprimé d’une voix détachée mais réconfortante, sur un ton parfois presque hypnotique.
Cette voix donne un charme imparable à Bel-Air, un côté intime. Comme si Uneima nous contait dans le creux de l’oreille ses tourments, ses ressentis, la force de ses émotions, sans jamais devenir lourd. Il s’agirait plus d’un dialogue dont l’un des protagonistes ne parlerait qu’avec les yeux, permettant à Uneima de répondre aux interrogations qu’il verrait derrière ce miroir de l’âme. L’échange muet décuple la force de ce disque qui nous émeut avec une infinie tendresse.
Cet album est un coucher de soleil, aux teintes chaudes, qui nous indique que la journée s’achève, mais qu’un lendemain plein de promesses s’apprête à ressurgir de l’horizon. Ce lendemain, c’est aujourd’hui qu’Uneima nous le propose. Il convient de s’en saisir avec la même délicatesse que celle qui l’habite.
Le titre de Bel-Air.
Notre coeur balance. Deux titres sont au coude à coude, à la fois de façon très personnelle dans nos ressentis, mais également sur le disque. En effet, il s’agit des plages 5 et 6, autrement dit Les roses et Bel-Air. Nous n’arrivons pas à les départager de façon objective car ils trouvent en nous un écho très personnel. Ils reprennent à peu près tout ce que nous avons évoqué ci-dessus, seul leur texte change. Ils sont donc tout à fait subjectifs, et nous ne doutons pas un instant que les autres titres puissent vous procurer la même émotion que ces deux-là nous ont procuré.