THOMAS MONICA, Ulysse, odyssée personnelle.
Nouvel EP (disponible le 18 juin chez Tmcorp/Modulor)
Lorsqu’on regarde la pochette de ce nouvel EP de Thomas Monica, intitulé Ulysse, nous pourrions croire avoir affaire à un univers folk. Sobre, sombre, et pourtant étrangement lumineuse (comme si le charisme du musicien illuminait cette magnifique tapisserie d’apparence vintage), cette pochette met l’eau à la bouche, mais nous trompe sur la marchandise. En effet, Ulysse n’est pas folk. En revanche, comme l’élégance de la pochette le suggère, il est une pure réussite.
Pour ceux qui ne connaissent pas le musicien, nous dirons rapidement qu’il a été repéré par -M-, qu’il a fait quelques premières parties d’inconnus (Vanessa Paradis, Radio Elvis, Alex Beaupain, le même -M-), qu’il est d’origine italienne et Kabyle, qu’il ne connait pas son père. On passe rapidement, mais cela, pourtant, à son importance puisque les thèmes familiaux sont développés dans cet EP 6 titres qui fait mouche par ses formules incisives.
Pas folk, pas guitar hero.
Si Ulysse n’est pas folk, il n’est pas non plus, malgré sa grande maitrise de l’instrument (il est musicien de studio, en plus de compositeur pour « les autres »), un disque de guitar hero. En fait, sa musique est un grand chaudron dans lequel Thomas Monica a disposé divers ingrédients, assaisonnés à sa façon. Rock, pop, funk, électro, rap, tout se mélange dans une créativité rafraichissante. Celle-ci s’imprime avant tout dans la voix du chanteur, peu commune, parfois génialement irritante avec son côté presque branleur, voire légèrement hautain (pour de faux). Elle ne laisse pas indifférent, et nous, on accroche définitivement par ce ton distancié mais implacable.
Thomas Monica débite, sur fond de spoken word, des textes intimes, emplie d’une presque colère, d’un spleen ombrageux. Les trouvailles rythmiques des lignes de chant font des étincelles, tout comme certaines formules qui, loin d’être catchy pour le simple cliché, s’avèrent dévastatrices. Nous y sentons sa mélancolie à travers son talent d’écriture. Ce qui n’était pas forcément si simple puisque ses grands-parents, qui l’ont élevé, ne parlaient pas bien le français. Mais comme nombre de grands, le musicien fait fi des obstacles et propose, dans ses textes, un mélange de poésie (sans rimes pauvres) et d’impact hip-hop. Le tout sans ego trip, mais avec une sensibilité exacerbée qui ne peut que nous faire chanceler. L’art du bon mot, au bon moment, Thomas Monica le possède et surtout en fait un excellent usage.
Dans l’air du temps.
Sa musique s’inscrit dans l’air du temps, tout en étant totalement hors mode. Son originalité, si elle réside en grande partie dans ses lignes de chant et dans son exigence quant à ses textes, réside également dans ses compositions d’où émergent parfois quelques réminiscences de ses origines (donc un aspect légèrement world music), mais également dans la richesse des arrangements. Ne sombrant jamais dans la variété, il porte haut et fort sa personnalité, foutrement attachante !
Les compositions sont d’une redoutable efficacité, parfois très dansantes, possédant un groove très particulier, n’appartenant qu’à lui finalement, parfois plus introspective (sans tomber dans le marasme). La production est soyeuse, le mix irréprochable (et ose les explorations, certes minimes, mais qui donnent du sel à certaines compos), avec une voix toujours subtilement mise en avant. Étrangement, les guitares sont peu mises en avant (même si très présentes), au plaisir d’éléments légèrement électro, d’une basse funky et d’une atmosphère entre mélancolie (texte) et joie (musique).
Cet EP nous fait une très forte impression tant Thomas Monica maitrise son sujet sans chercher à surenchérir et à « se montrer ». Autrement dit, humble, il nous livre un Ulysse lumineux malgré des thèmes qui auraient pu faire sombrer le tout dans la morosité. Bref, c’est très bien joué et on vous invite à y jeter une oreille sans attendre.
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