THE SORE LOSERS, Ultra elektric (disponible chez Suburban records)
Le rock n’est pas encore enterré.
Et le rock, comment il va ? Bof bof, un peu moribond, non ? Ne déboulent que des artistes électro-pop clonables à l’infini, des pop song planantes, du rap stéréotypé. Et le rock, le pur, le vrai, celui qui envoie des riffs qui font saigner les oreilles, sans sombrer dans le grand guignol metal ou heavy rock, il est où ? Peut-être bien en Belgique. Avec son 5é album Ultra elektric, The sore Losers sort le rock du placard, celui qui sent le sapin, pour le dépoussiérer et lui redonner corps. Et c’est tant mieux !
Il ne faut pas attendre longtemps pour se convaincre que ce disque-là n’est pas anecdotique. Il suffit d’entendre la première grappe de notes de Tighdrope s’égrainer pour comprendre que nous allons nous trouver en présence d’une déflagration sonore, qui, en plus des formes possède le fond. Les deux éléments réunis ici pour réveiller cette petite flamme que nous pensions éteinte depuis belle lurette.
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Plus à la mode.
“C’est sans doute une mauvaise nouvelle pour ceux qui attendaient la dernière sensation électro-pop ou bien des chansons acoustiques planantes… Je sais que le rock n’est plus à la mode et c’est donc précisément le moment pour faire un album rock bourré de riffs » Par ces douces paroles, Cedric Maes (guitariste) nous caresse dans le sens du poil, annonce la couleur, et surtout ne délivre pas un mensonge éhonté. Parce que les riffs pleuvent, parce que le rock, tendance vintage, gonflé aux hormones Zeppelin/Purple (et autres) nous écrase de toute sa majesté dès le titre d’ouverture.
C’est pied au plancher que le groupe déroule sa zic, avec un talent éhonté, avec un max de bonne énergie aussi. Celle-ci apparaît par le côté décontracté de la chose, c’est-à-dire que le groupe ne se la joue jamais « sauveur du monde » (ou du renouveau rock). Sans pression, donc crânement, il branche ses instruments, potards sur 10, branche aussi le batteur sur le secteur (façon de parler), et balance des compositions up-tempo tout sauf arrogantes.
La pose ? Pas pour eux. Les Sore losers apparaissent sincères, du bout des médiators jusqu’à la pointe cheveux. Cela se ressent sur tout l’album qui, loin d’être du réchauffé, propose une musique qui enchaîne les belles sensations.
Couplet refrain pont.
Tout commence par un son en prise directe avec les seventies, tant dans les sonorités distordues des grattes que dans cette manière de composer. La formule reste connue, balisée, elle a fait ses preuves. De là une question nous tourne dans la caboche : pourquoi tant de groupes intellectualisent-ils une musique qui est et reste un cri qui vient de l’intérieur (merci Bernard Lavilier)? Alors plutôt que de s’embarrasser de fioritures pompeuses, le groupe reste majoritairement dans des compositions « classiques » couplet refrain pont. Pas grave, ça fonctionne parce que l’intention n’est pas d’en foutre plein le cerveau, mais plein les oreilles, le bide, le coeur.
Ce qu’il faut donc comprendre ici, c’est qu’il s’agit d’un plaisir jouissif du son et non d’une « branlette intellectuelle pour musiciens avertis ».
Directe, franche et massive, incisive, la musique est ici la seule chose qui compte (avec le plaisir qu’elle procure, est-il utile de le préciser). Alors le groupe a potassé le son, la prod, les mélodies, peut-être même l’attitude (on la devine humble mais motivée, comme gavée au Red Bull et au whisky), le tout en posant un chant habité et d’une redoutable efficacité.
Pour compenser cette formule classique, il fallait un habillage de haute qualité pour passer outre le piège de la facilité et/ou de la démonstration sans âme, ce qui est chose faite avec maestria sur ce disque.
Âme farouche et indépendante.
Et cette âme, elle est farouche, elle est celle d’amoureux des guitares qui font du bien, d’un groove basique binaire d’une paire basse batterie bien inspirée, de l’énergie qui se communique et se vit comme une grand-messe, avec le public, pour le public. Tout ça suinte du disque, tout comme il ressuscite nos fantasmes d’ados solitaires et/ou boutonneux.
Cette musique, c’est la sève, c’est le sang qui rend vivant. Il fallait bien nommer l’album, alors comment mieux le faire qu’en l’appelant Ultra elektric ? Parce que, comme le stipule Cedric Maes, le groupe n’est pas là pour les ballades acoustiques, mais bel et bien pour défourailler sec avec un son qui met le frisson. Et le frisson n’étant qu’une histoire d’électricité, la boucle est bouclée. Ultra, non ?
LE titre d’Ultra elektric.
Gros coup de cœur pour Birds of a feather. Intro presque psychédélique, motif répétitif, voix nimbée de réverbération, d’écho, choeurs soutenant l’ensemble sur le premier refrain (juste des aaaah aaaah !). Après, ça accélère sous les accords de gratte combinés/dopés par la paire rythmique qui a des fourmis dans les jambes. Deuxième refrain, un pont, qui retrouve le rythme initial, mais déjà on sent que le morceau va nous proposer un beau moment d’anthologie.
Parce que ça reprend de plus belle, comme lors du deuxième couplet pour ce troisième couplet qui arrive, avec une sorte de bourdon, de belles distorsions, avant un nouveau refrain, puis un passage lourd, lent, poisseux, enfumé et alcoolisé, avec un groove blues méchamment bien senti… Et là, boum, ça redécolle. Et là, orgasme, parce que tout est sauf linéaire, mais que cette électricité nous galvanise comme c’est pas possible. Nous nous sentons fébriles, suspendus à ces accords, à cette foi inébranlable dans le rock qui est, plus qu’une représentation, une manière d’être. The sore losers a le mojo. Et dieu qu’on aime ça !
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