TAKO TSUBO, Ghost town

Tako Tsubo Ghost Town1er EP Disponible le 07 mai 22.

Ghost town, la ville fantôme, avec ses myriades de vies ayant laissé une trace plus ou moins profonde sur le bitume, dans ces lieux maintenant désertés. Seul le vent habite l’endroit, la pluie comme des larmes qui lave les façades des immeubles. Et un son qui émane des ruines. Un son qui porte une promesse de renouveau comme il rend hommage au passé trépidant de la cité. Tako Tsubo* investit la place, disperse sa musique qui résonne et redonne vie là où le silence s’était installé.

Ça commence étrangement par Sextape. Comme l’acte de procréation, symbole s’il en est de vie, de passion, le titre donne l’impulsion première de l’EP. Instrumental onirique déployant lentement son ombre au-dessus d’une zone nous paraissant aussi vaste que la terre des rêves. Nous y retrouvons une rythmique organique, des nappes de synthé vieillies, aux teintes vert-de-gris chaleureuses. Mid tempo alangui, danse légère en forme de transe, dégageant un dynamisme léger comme une caresse, Sextape nous invite à prendre place, à poser nos valises, à trouver nos marques.

Kiss lui emboite le pas, commence comme termine le précédent, avec un son « cathédrale » qui donne la teinte première. La rythmique se fait plus percutante, les voix s’invitent à la fête. On y retrouve un peu de MGMT, mais aussi des références plus actées dans la dreampop ou la synth wave. Le groupe cite XX, The Dø, Beach House, Electric Youth, on ne leur donne pas tort. Quand les guitares apparaissent, elles se fondent dans les claviers comme une ombre s’incruste sur le sol, faisant intégralement partie de lui, tout en lui étant innocemment étranger.

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Épique.

Le son est ample, gonflé par un espoir écrasant la mélancolie qui aurait pu nous saisir. Par ce jeu de voix dégageant une douce puissance, par ses synthés lumineux, la grisaille disparaît, laisse place aux couleurs de l’aurore, celles qui tapissent le ciel de couleurs surnaturelles. On and on, prolongement de Kiss (décidément, la tracklist est superbement agencée), nous pousse délicatement dans le dos, nous intime l’ordre de poursuivre l’exploration. En introduction, la voix se dénude d’effets (avant de les retrouver, réverbe en particulier), nous interpelle, nous rendant acteur du mouvement qui s’initie.

Ghost town poursuit celui-ci, avec cette même lenteur feinte, toujours dream synth pop, mais avec des apports rendant le titre légèrement rétro futuriste, comme pour marquer les espérances qui auraient nimbé cette ville fantôme du temps où elle était habitée. Pourtant, désertée, il en reste l’essence, la présence. Comme un sourire qui disparaîtrait d’un visage, lequel se dissiperait dans l’éveil suivant le rêve. Les visages s’effacent, leurs expressions aussi. Smile marque une mélancolie plus forte, bien que le son, toujours marqué par un synthé orgue, gagne au fur et à mesure du morceau en prescience.

Les compositions se suivent et se ressemblent sans se ressembler. Le son est homogène, typé, ce qui fait que l’on peut reconnaître le groupe au milieu d’un parterre de formations aux mêmes inspirations. Il s’en détache par ce son caractéristique de synthé, par cette fusion guitares/claviers que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Il en est de même pour cette présence vocale, peut-être légèrement plus balisée, mais qui dégage une telle force évocatrice que, finalement, peu de groupes arrivent à imposer.

Tako Tsubo

Réinvestir ses émotions.

Et si finalement cette Ghost town n’était autre que la propre sépulture de nos sentiments enfouis ? Si les douleurs, les joies, les espoirs et les désillusions passées nous avaient un peu laissés vides en dedans ? Et si Tako Tsubo ne nous disait pas de simplement faire une parenthèse, pour faire le point, marquer une rupture pour nous ressourcer ? C’est un peu tout ça qui nous saisit, par ce jeu de voix parfois en retrait sur Addicition, comme cette petite voix qui nous dirait de ne pas lâcher, de ne pas succomber à la facilité. Le titre, empreint d’une certaine dramaturgie, mouvementée et ombrageuse, agit comme un (doux) électrochoc. Un rappel de la conscience.

The world is yours qui clôt l’EP démarre de façon trépidante, comme soulagé d’un poids, comme une promesse d’un lendemain qui chante. Le monde est tien, oui, il t’attend, t’ouvre les bras, et ne demande rien d’autre que de t’accueillir, à nouveau, neuf, nourri des expériences, celles qui façonnent un être. Avec ce premier EP incroyablement mature, Tako Tsubo nous fait forte impression. Nous avons l’impression de suivre une histoire en 7 pistes, un condensé de vécu, avec ses blessures et ses rafistolages, ceux qui permettent de ne pas s’écrouler et de continuer à avancer. Un mouvement, celui de la vie. Et la ville fantôme se repeuple…

*Tako Tsubo ou le syndrôme du coeur brisé.

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