ROBIN FOSTER, PenInsular III (M2L Music).

robin foster peninsular IIIUne fin de trilogie lumineuse.

Robin Foster est un raconteur d’histoire. Et pour bien les raconter, il s’exprime le plus souvent, et quasi exclusivement, par le biais d’instrumentaux à la fois cinématographiques, dramatiques, épiques, grandioses et intimistes. Le dernier volet de sa trilogie PenInsular, le justement nommé PenInsular III, ne fait pas exception à la règle. Mieux, il nous apparaît comme l’un de ses meilleurs albums.

S’il n’égale pas la puissance de son chef-d’oeuvre absolu (le génial Life is elsewhere), il apparaît clairement que, comme le premier volet de Peninsular, ce PenInsular III se place dans le haut du peloton des meilleurs albums de Foster. Sans doute parce que y apparaît ici une sincérité folle, un cri d’amour à la presqu’île de Crozon, cette péninsule de la fin de la terre, du Penn ar bed qu’il a adopté comme lieu de vie. Ce nouvel opus est donc une histoire, sans mots, et un voyage comme seuls les grands peuvent nous proposer

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Déposer les bagages.

Ici, on pose nos valises, directement sur la terre battue par le vent. Une grande inspiration, le vent fouette le visage, le frêle soleil du début de journée y appose aussitôt un léger baume réparateur. Face à nos yeux, l’immensité d’un océan qui s’ouvre entier à nos désirs les plus enfouis, ceux d’une fuite, ceux d’un espoir, ceux d’un renouveau peut-être. Quelques pas esquissés, les empreintes creusées dans le sable s’estompent déjà, soufflées par la brise marine, symbolisant ce passé qu’on quitte pour enfin vivre au présent.

Il suffit de contempler les merveilles qui s’imposent à nous, sans un bruit. L’immensité du spectacle met en sourdine l’expression des mots, pas ceux qui naissent dans notre cœur. Ces indicibles mots nous font nous sentir neuf, gonflent notre poitrine d’un sentiment mêlé de joie, de paix, d’humilité aussi face à l’inconnu qui gronde au loin, pétri par des vagues dont l’écume blanche nous évoque une virginité retrouvée.

La musique du monde, de ce monde-là, est puissante. Elle se passe de commentaires tant elle parle pour elle-même : entière, généreuse, parfois capricieuse, elle ne se livre pas comme ça.

Robin foster

crédit photo Scott Davis

Sans frontières.

Forcément, toutes les péninsules s’y retrouvent, dans ce troisième volet. Avec des couleurs qui leur sont propres. Des couleurs de feu, de vert-de-gris, de bleus intenses, de blancs immaculées ou de sombres pensées charbonneuses, tumultueuses. Pourtant même quand l’orage gronde, la lumière reste présente, en filigrane, comme un battement de cœur, comme un espoir qui ne disparaît jamais totalement, sauf lorsque, peut-être, un dernier souffle s’échappe de nos corps.

D’ailleurs, sont-ils là, les hommes, les femmes ? Trop occupés à courir en rond, ils en oublient de comprendre le rythme, ils en oublient de prendre le temps de simplement voir, d’entendre, de sentir les éléments. Il faut marquer une pause, retourner en cette terre face à la mer, entourée par elle sur presque 360° pour comprendre que nous ne sommes rien, pas plus important sur cette plage qu’un grain de sable. Pas moins important non plus. Paradoxe.

Sur la langue de terre qui s’enfonce dans l’océan, nous ne formons qu’un avec le décor, les éléments, la vie elle-même qui s’infiltre partout, qui se bat pour s’épanouir.

Au ventre et à l’âme.

Si la terre et la mer peuvent être âpres, rudes, nous bousculer, elles nous permettent aussi de nous relever, d’affronter ce qui nous dépasse. Robin Foster puise, pour sa musique, les oligoéléments nécessaires à nous faire ressentir ce que l’on ne voit plus, ce que nous ne prenons plus soin d’observer. Tournée vers l’extérieur, la musique de Peninsular III nous entraîne aussi vers l’intérieur, vers l’introspection, sans fausse pudeur, sans œillères.

Tout ceci est dit par Robin Foster sans morale, sans bienpensance parce que les mots sont absents de cet opus. C’est la preuve, une fois encore, de la puissance de la musique, en particulier de la sienne, puisqu’elle ouvre à tous les possibles, à toutes les interprétations. Elle s’exprime de manière sensible pour faire résonner notre propre sensibilité, pour nous montrer que le beau est partout, qu’il ne faut surtout pas le détruire, peu importe qu’il soit violent, ce beau, ou au contraire doux (donc vulnérable et à la merci des sadiques).

Sans message autre que celui que nous voulons bien y voir, cette musique est un cri d’amour à la nature, à sa majesté. Il n’est pas écolo ce disque, mais il nous rappelle malgré tout que cet équilibre est en grand danger et qu’il convient d’en prendre soin, plus que jamais. Et tout ça sans prêchi-prêcha. Un disque à écouter les yeux grands fermés, et l’âme grande ouverte.

LE titre de PenInsular III.

De façon totalement subjective, Herr Kut ! Parce que voilà, c’est du pur Robin Foster. Avec ses boucles, avec sa progression dramatique/épique. Faut-il d’autres raisons ? Non. Et puis, tous les morceaux se valent sur ce disque qui ne nous montre aucune faille, si ce n’est celle d’un homme (faillible par nature) au fait de son art (donc dont la sensibilité peut autant être un cadeau qu’une malédiction).

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