POLDOORE, Soft Focus (déjà disponible)
Ramifications.
Poldoore vient de sortir Soft Focus, un album superbement réalisé, qui ne donne qu’une envie, celle de se laisser envahir par une sensation de joie, de lâcher prise. À l’écoute des 10 titres que renferme le disque, piochant allègrement dans la soul, le jazz, le funk, le hip-hop, le trip-hop, le constat s’avère sans appel, implacable : ce type sait s’y prendre pour mettre de la bonne humeur, de l’amour, dans sa musique.
Tout commence par une introduction aérienne. Déjà, la production s’avère enjôleuse. Chaude, ronde, elle ne donne qu’une envie, celle de s’y blottir comme dans la plus confortable des couvertures. Pour autant, elle ne symbolise aucunement une idée de somnolence, parce que chaque titre qui suivra possédera des charmes qui ne manquent jamais de maintenir l’attention à son paroxysme.
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Musique noire et blanche.
Quel que soit le titre de l’opus, les références directes ou indirectes pleuvent. Toutes rallient sous le même étendard les musiques « noires », celle du jazz, de la soul, et les musiques « blanches », électro en tête. Le travail de production, est monumental. Monumental de précision, monumental d’inventivité également. Chaque sample est placé exactement à la bonne place, magnifié par des cordes, des voix passées sous différents filtres. Les arrangements pleuvent comme des pétales de fleurs ballottées par le vent, nous couvrant d’une douceur tout sauf mielleuse.
Pourtant, cette précision n’enlève en rien à l’âme des compositions de Poldoore. En effet, nous y sentons un amour incommensurable pour la musique d’inspiration 70’s, remise au goût du jour avec tact et respect. Rien n’est ici grossier, tout est fait par et pour le plaisir, celui de transmettre, de partager, d’honorer. Et pour ce faire, Poldoore nous offre une collection de titres aux mélodies proches de la perfection, portées par un groove délicieux.
Sans chichi.
Il fait cela avec des pattes de mouche, c’est-à-dire qu’il n’appuie jamais outrageusement sur les effets qui, le cas échéant, auraient pu devenir lourds. Avec beaucoup de talent au contraire, il sait rehausser une mélodie d’un effet lui donnant une teinte particulière, une émotion palpable (Light Leak avec son apparition de voix par exemple). La douceur est présente, elle est partout, mais ne devient jamais étouffante, notamment parce que le musicien sait y apporter des tessitures plus « rugueuses ».
Celles-ci interviennent sur certains claviers, qui bourdonnent et donnent une impression légèrement industrielle, tandis que le fond reste lui plutôt aérien, onirique. Le travail de Poldoore nous évoque parfois celui de Bonobo, lui aussi un maître dans l’art de produire des morceaux incroyables. Il n’a pas à en rougir, car la qualité de Soft focus est indéniable et lui permettra aisément de ravir quiconque se déclare amoureux de la musique.
Modestie flamboyante.
Le tout est fait avec une sorte de modestie qui se ressent par les découpages/montages, au millimètre. Ou plus que de modestie, il s’agit véritablement de sensibilité, de sensualité. Car si le sens de l’ouïe est mis à contribution, l’album fait naître tellement d’images que celui de la vue (même si métaphorique) fonctionne également à plein régime.
Plus que de montrer, Poldoore suggère des univers, à mi-chemin entre images fantasmées d’un passé que nous n’avons pas vécu, ou la volupté régnerait en maître, dans des ambiances rouges, orangées, jaunes, souvent alanguies, et un futur à portée de main, où les décors s’avéreraient grandioses, d’une éclatante beauté de cristal, où le rythme serait celui d’une mégalopole exempte de toute pollution de quelque ordre que ce soit.
Les sensations ressenties se décuplent ainsi à l’infini et chaque nouvelle écoute parvient à surprendre à nouveau par des éléments qui nous étaient restés invisibles au préalable. Cela signifie purement et simplement qu’aucune lassitude ne s’installe à l’écoute de ce Soft focus tout simplement parfaitement équilibré, foisonnant d’idées, et superbement réalisé.
LE titre de Soft Focus.
Si le début de l’album est plus orienté « passé », la deuxième moitié se fait plus « moderne » (entre guillemets car l’ensemble est évidemment plus mélangé que cela). Aussi, le morceau qui nous apparaît le plus significatif se place à mi-album, point de balance où la progression de la narration du disque se fait.
Ainsi, notre cœur chavire entre Light Leak et Umami. Le premier pourrait être un morceau onirique, non dénué dune forme de dramaturgie. Ses aspects dansants (mais d’une danse lente) sont évidents, pourtant, à l’écoute, il dégage une sorte de mélancolie qui ne dit pas son nom. Amami s’avère presque plus classique, plus langoureux également. Le saxophone y dépose une empreinte romantique certaine, sur un tempo légèrement plus rapide que le titre précédent.
Des touches de cordes (violoncelle?), un effet « clarinette », une flûte, lui apportent une dimension supplémentaire, peut-être plus organique qui n’a rien pour nous déplaire. Nous opterons donc pour Amami comme titre du disque.